Il y a 20 ans, jour pour jour, le Grand-Duc Henri prenait la succession de son père, Jean. Son règne est marqué par bon nombre de rebondissements. Aujourd’hui, la Cour se trouve face à un tournant.
On est le 7 octobre 2000. Une page de l’histoire du Grand-Duché s’écrit lors de ce samedi ensoleillé. Après un règne de près de 36 ans, le Grand-Duc Jean passe le relais à son fils Henri, alors âgé de 45 ans. Les badauds avaient afflué en grand nombre devant le Palais grand-ducal pour assister aux festivités.
« Nous sommes à l’aube du XXIe siècle et au début d’un nouveau règne. Il est normal de se poser des questions sur l’avenir. Nous ne pouvons le prédire, certes, mais il est possible toutefois d’en reconnaître les tendances », avait souligné le Grand-Duc Henri lors de son discours du trône. « Par devant les représentants des institutions du pays, je m’engage aujourd’hui auprès de tous les citoyens, avec l’aide et le soutien de la Grande-Duchesse, de Guillaume et de nos autres enfants, à agir au mieux des intérêts de notre patrie et de tous ceux qui y vivent. Tout comme notre famille l’a fait par le passé, nous voulons être aux côtés de tous les Luxembourgeois et partager leurs joies et leurs peines », promettait encore le nouveau souverain.
«Les choses ont changé radicalement»
Vingt ans plus tard, on peut constater que ces paroles ont constitué un genre de fil rouge pour le règne du Grand-Duc Henri. Sa proximité avec le peuple, il ne l’a ainsi jamais perdue, comme le démontrent sa présence et son engagement personnel lors des catastrophes naturelles de 2018 et 2019 qui ont frappé le Mullerthal et le sud-ouest du Grand-Duché.
En cette période de pandémie, le souverain est aussi resté au plus proche du terrain pour prendre le pouls de la société et de ses acteurs économiques. « La solidarité entre tous les Luxembourgeois et tous ceux qui travaillent ici est notre meilleur atout dans cette crise », soulignait le Grand-Duc lors de la cérémonie officielle de la fête nationale 2020.
Imposer son propre style
Le rôle de gardien des valeurs, le souverain ne l’a donc jamais abandonné, même si ses débuts à la tête du pays ne furent pas simples. La volonté d’imposer son propre style, rompant avec certaines habitudes de la maison grand-ducale, a ainsi causé des remous.
À l’occasion du 10e anniversaire de son règne, le 7 octobre 2010, nous écrivions que le Grand-Duc Henri avait fait le choix d’être «un souverain plus accessible, moderne, les deux pieds dans la société». «Si la maison grand-ducale s’est toujours distinguée jusque-là par sa discrétion, les choses ont en effet changé radicalement au cours de la dernière décennie», pouvait-on encore lire dans nos colonnes.
Le Grand-Duc Henri avait très tôt annoncé que sa femme – la Grande-Duchesse Maria Teresa – serait plus présente à ses côtés que ne l’a été l’épouse de son père, Jean. Celle-ci est d’ailleurs apparue à plusieurs reprises avec le chef de l’État lors de son traditionnel message de Noël retransmis tous les ans à la télévision.
Vingt ans plus tard, la volonté du souverain d’impliquer davantage son épouse dans son règne a mené à d’importantes distorsions dans les rangs de la Cour. En ce début d’année 2020, un rapport spécial sur le fonctionnement de la maison grand-ducale a été publié. L’exercice en soi mais aussi les conclusions tirées par le rapporteur spécial Jeannot Waringo ont eu l’effet d’une bombe. Officiellement, le Grand-Duc soutient les efforts qui doivent permettre à la Cour de « faire un bond du XIXe au XXIe siècle », comme l’a récemment souligné le Premier ministre, Xavier Bettel. Une trop importante valse du personnel, orchestrée selon toute vraisemblance par la Grande-Duchesse, se trouve à la base de ce processus de modernisation forcée.
En décembre 2008, le blocage
En février, Henri est venu au secours de sa femme dans une lettre personnelle, publiée sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’un des rebondissements qui sont venus marquer le règne du Grand-Duc. En juin 2002, Maria Teresa monte au créneau pour faire part de ses différends avec sa belle-mère, la Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte. Le 2 décembre 2008, le souverain marque l’histoire du Grand-Duché en annonçant qu’il refuse de signer la loi sur l’euthanasie pour raisons de conscience. La Constitution est changée d’urgence pour éviter une crise profonde. Courant 2006, l’émoi est grand quand le Grand-Duc annonce vouloir vendre des bijoux de sa mère mais aussi une partie des forêts du Grünewald, qui appartient à la famille Grand-ducale. Henri fera son mea culpa. En 2014, le Grand-Duc voit ses frères Jean et Guillaume comparaître comme témoins dans le procès Bommeleeër.
Mais Henri aura aussi vécu des moments d’émotion. Le mariage en 2012 de son fils Guillaume avec la Princesse Stéphanie en fait partie. Les adieux réservés en 2019 à son père, le Grand-Duc Jean, décédé à l’âge 98 ans, restent gravés dans les mémoires. Enfin, le Grand-Duc Henri a eu la joie d’accueillir cette année le petit Prince Charles, premier enfant du couple héritier.
À l’aube de la troisième décennie de son règne, le Grand-Duc Henri reste engagé sur tous les fronts.
David Marques