L’association des journalistes ALJP a bataillé pour que le gouvernement passe l’intégralité de ses conférences de presse sur sa chaîne YouTube. Laborieux.
Monsieur le ministre n’estime-t-il pas qu’il est problématique, pour un pays démocratique, que son gouvernement fasse régulièrement l’objet de critiques sévères de la part de journalistes en ce qui concerne sa politique d’information?» C’est le député déi Lénk David Wagner qui interroge sans détour le Premier ministre, Xavier Bettel, dans une question parlementaire datée du 15 février.
Trois jours plus tôt, l’Association luxembourgeoise des journalistes professionnels (ALJP) avait reproché au gouvernement de limiter la retransmission des enregistrements des briefings, sur la chaîne YouTube gouvernementale, aux déclarations des seuls ministres, sans les questions des journalistes. «Les réponses apportées intéressent pourtant les citoyens, car la plupart du temps ces conférences de presse portent sur les mesures liées à la pandémie», exprime Ines Kurschat, présidente de l’ALJP.
Vendredi dernier, le Parti pirate, par la voie de Sven Clement, a déposé une motion à la Chambre des députés invitant le gouvernement à retransmettre l’intégralité des conférences de presse. Il pensait être soutenu par la majorité sur ce coup, d’autant qu’il citait dans ses considérants le programme gouvernemental qui promettait la transparence à tous les étages.
Une motion «superfétatoire» selon Gilles Baum
«Il sera veillé au maintien d’un service public dans les médias audiovisuels qui réponde aux standards les plus élevés en ce qui concerne la qualité des programmes et de l’information», y lit-on encore. Ou bien : «Afin de permettre le traitement dans les meilleurs délais des requêtes journalistiques et de garantir les flux d’informations, les moyens nécessaires seront mis en œuvre en étroite collaboration avec le Conseil de presse et les associations professionnelles des journalistes.»
Le positionnement de la majorité était donc attendue, d’autant plus que les passes d’armes entre l’ALJP et le gouvernement ne sont pas rares en ce qui concerne l’accès à l’information en général. La situation ne s’est pas améliorée avec la crise. C’est donc Gilles Baum (DP) qui a pris la parole au nom de la majorité pour déclarer d’emblée cette motion «superfétatoire».
Surtout, il n’a pas apprécié les considérants énoncés qui se réfèrent au programme gouvernemental. Selon lui, tout est transparent pour les journalistes qui ont accès à l’intégralité des enregistrements via un lien que leur transmet le Service information et presse (SIP). Si les questions des journalistes sont coupées sur la chaîne gouvernementale, c’est à cause de la mauvaise qualité du son quand vient le tour des journalistes et aucune caméra n’est prévue pour les filmer.
Le SIP a d’ailleurs fait savoir à l’ALJP qu’il n’avait jamais reçu la moindre réclamation de citoyens mécontents. «C’est d’une nonchalance insupportable», estime la présidente de l’ALJP, Ines Kurschat. De son côté, Gilles Baum a suggéré aux journalistes de mettre eux-mêmes à disposition le lien vers l’intégralité de la conférence.
Le gouvernement opère un revirement
Sven Clement a fait des bonds de son siège et rappelé au président de la fraction libérale qu’il se poserait alors un gros problème de droits d’auteur. «La vidéo est produite par le gouvernement, donc il en détient les droits d’auteur et personne d’autre n’a le droit de la diffuser. Allez, passez l’intégralité des vidéos et l’affaire est réglée», conclut le député pirate.
Du côté des chrétiens-sociaux qui ont soutenu la motion, Claude Wiseler se gaussait de l’argumentaire développé par Gilles Baum et ne comprenait pas que ce soit le rappel au programme gouvernemental qui puisse déranger à ce point. De même pour Marc Baum (déi Lénk), qui souligne que les motions déposées par la majorité se réfèrent toujours aux engagements de la coalition.
Silence radio dans les rangs socialistes et écolos qui se sont contentés de voter contre la motion derrière le DP.
Hier matin, enfin, l’ALJP a pu se réjouir du revirement du gouvernement. Finalement, il publie désormais les conférences de presse intégralement avec la section questions-réponses des journalistes. Il a fallu que ce problème soit débattu à la Chambre des députés pour que l’ALJP obtienne gain de cause.
Geneviève Montaigu