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Le FN en Lorraine : la Grande Région s’inquiète


A la Maison de la Grande-Région, à Esch-sur-Alzette, on s'attend à une coopération minimale avec la France en cas de victoire du FN. (Photo archives Alain Rischard)

Peu porté sur les questions de coopérations transfrontalières, quel impact pourrait avoir une prise du pouvoir du FN en Lorraine ?

Ceux qui font vivre le concept de Grande Région vont regarder avec anxiété les résultats du deuxième tour des élections régionales. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que le parti d’extrême droite n’est guère porté sur la question. « Son programme en termes de coopération transfrontalière est vide , fait remarquer la directrice d’EuRegio SaarLorLux, Laurence Ball. Nous sommes dans le flou. »

Depuis 20 ans, l’association EuRegio, installée dans la nouvelle Maison de la Grande Région eschoise, regroupe 40 collectivités et 80 représentants communaux venant de France, d’Allemagne, de Belgique et du Grand-Duché. Ici, c’est le Syvicol (Syndicat des villes et communes luxembourgeoises) qui en est membre.

Alors qu’EuRegio porte des projets reliant plusieurs pays en relation notamment avec la formation professionnelle, le bilinguisme ou la culture, Laurence Ball s’interroge sur leur pérennité en cas de victoire de Florian Philippot. « Nous sommes en train de travailler sur des accords portant sur la formation professionnelle entre la France et le Luxembourg, par exemple. Les étudiants iraient à l’école en France et réaliseraient leur apprentissage au Luxembourg. Puisqu’il était prévu que la région finance en partie ce programme, nous ne savons pas ce qu’il en adviendra si le Front national l’emportait .»

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Finalement, ce qui est le plus angoissant pour les acteurs de la Grande Région, c’est le silence radio du FN sur ces questions. Et lorsque le thème est vaguement évoqué, ce n’est pas pour les rassurer. Lors du débat entre les trois candidats, organisés par les quotidiens régionaux français (dont Le Républicain lorrain ), Florian Philippot, qui n’est pas le chantre de l’ouverture des frontières, a émis l’idée de réserver une «voie spéciale» pour les frontaliers munis d’un pass, qui pourraient ainsi passer au Luxembourg. « Avec les bouchons permanents, c’est une proposition démagogique et inapplicable », juge Laurence Ball.

Des craintes portent également sur la politique des transports, thème sur lequel la région dispose d’un vrai pouvoir. Les priorités concernant le financement des lignes des trains express régionaux (TER) sont définies par la région, en collaboration avec la SNCF. Alors que la ligne Nancy-Luxembourg concentre 40% des voyageurs, il ne faudrait pas que les investissements la désertent.

175 000 frontaliers dans la future ACAL

Cet oubli de la question frontalière laisse Laurence Ball perplexe : « Il y a là un paradoxe, puisque c’est la nouvelle région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes qui comptera le plus de frontaliers dans toute l’Europe .» En effet, environ 175 000 personnes passent tous les jours les frontières pour aller travailler, que ce soit vers la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique ou la France.

L’avenir même de la Grande Région pourrait-il être en danger si Florian Philippot venait à être élu ce dimanche? Au minimum, il serait fragilisé, estime la directrice d’EuRegio. « Avec un parti anti-Union européenne, prônant la souveraineté nationale et souhaitant déléguer le moins possible aux organisations supranationales, les relations avec la France seraient certainement réduites au minimum… », estime-t-elle.

Ce qui pourrait mener à un recentrage du concept de Grande Région autour de la Wallonie, du Luxembourg, de la Sarre et de la Rhénanie-Palatinat ? « Oui, c’est possible, réplique Laurence Ball. Après tout, la Grande Région pourrait tourner sans la France .»

Reste à savoir ce qu’en pensent les acteurs institutionnels que sont le Premier ministre luxembourgeois, les Premiers ministres-présidents de Sarre et de Rhénanie-Palatinat et le ministre-président de Wallonie. Ils ne se sont toujours pas exprimés sur la question.

Erwan Nonet