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«Le CSV et l’ADR jouent sur les peurs »


Né au Portugal en 1973 (42 ans), Sergio Ferreira a été «fabriqué» à 50 mètres de la place de la Résistance à Esch-sur-Alzette. Il est arrivé au Luxembourg il y a 17 ans. Il est marié et père de deux enfants. De nationalité portugaise, il dit «se sentir plutôt européen et aussi luxembourgeois». (photo Hervé Montaigu)

Fervent défenseur de l’ouverture du droit de vote aux étrangers, Sergio Ferreira, porte-parole de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), estime que les deux partis d’opposition se montrent populistes sur la question. Membre de la plateforme Migrations et Intégration, il présente ses arguments en faveur du oui au référendum du 7 juin, dans une interview à paraître ce lundi dans nos colonnes.

Le Quotidien : la campagne du référendum est définitivement lancée et les arguments des partisans du oui et ceux pour le non sont désormais connus. Pensez-vous qu’on a déjà fait le tour de la question?

Sergio Ferreira : Non. Il y a encore beaucoup de demandes d’information. Notre plateforme parcourt le pays depuis fin mars, mais les questions posées et les courriels que nous recevons témoignent d’un besoin d’informations. Des doutes subsistent aussi bien chez les Luxembourgeois que chez les étrangers.

Comment interprétez-vous les sondages qui dessinent une victoire du non? Les jeux sont-ils déjà faits?

Les jeux ne sont jamais faits. Les sondages donnent des indications et nous remarquons sur le terrain qu’il y a une division sur la question. C’est clair et net. Mais les sondages peuvent donner lieu à un décalage. Nous l’avons vu très récemment avec les élections en Grande-Bretagne. Il reste beaucoup de travail à faire durant les semaines à venir. Tout se jouera le 7 juin! J’ai de l’espoir.

Deux points de la deuxième question soumise aux électeurs sont apparemment fortement méconnus : l’inscription sur les listes électorales sera facultative et les étrangers ne disposeront que d’un droit de vote actif, ce qui exclut leur éligibilité…

Depuis le début, notre plateforme essaye d’informer au mieux et d’expliquer aux gens pourquoi le Luxembourg a besoin de faire ce pas en avant. Cela étant, il restera toujours des gens qui, le 7 juin, ne connaîtront pas la question dans toute sa profondeur et qui iront uniquement voter selon des motivations émotionnelles, sentimentales ou autres.

Doit-on s’attendre à un taux de votes blancs élevé, voire d’abstentions, bien que le vote soit obligatoire?

Des votes blancs, il y en aura certainement. De même pour les abstentions. Et il y aura aussi certainement des votes de protestation : que ce soit envers la question elle-même, vis-à-vis du gouvernement ou pour d’autres raisons.

Combien d’étrangers réuniraient finalement toutes les conditions pour pouvoir voter en cas de oui?

Selon nos calculs, ce nombre serait compris dans une fourchette de 30 000 à 40 000 personnes, en fonction des chiffres du Cefis et des chiffres officiels. Cette fourchette représente donc les étrangers de plus de 18 ans, qui résident au pays depuis plus de 10 ans et qui ont déjà participé à des élections communales ou européennes. Ceci dit, ces chiffres sont à considérer aujourd’hui, parce qu’on ne saurait pas faire des projections à plus long terme.

Est-ce beaucoup selon vous?

Ce n’est pas énorme. Mais cette question est un élément de la solution pour pallier un problème spécifique qui se pose au Luxembourg. À savoir que plus de la moitié de la population ne participe pas aux élections (nationales législatives). Face à ce problème, cet apport initial de 35 000  électeurs peut être jugé comme symbolique. Et même d’après ce point de vue, ce pas et cette ouverture sont importants.

La question du déficit démocratique revient souvent.
Pour revenir aux sondages, plus de la moitié des Luxembourgeois sont d’avis qu’il y a un problème sur ce point. S’il y a un déficit par rapport à la démocratie, une ouverture du droit de vote ne peut qu’être importante. Ce serait aussi bien symbolique que pratique.

L’ouverture de ce droit de vote comblera-t-elle entièrement le déficit démocratique? Si non, que restera-t-il à faire?

Non. Il restera la solution de la réforme de la loi sur la nationalité qui doit intégrer des conditions plus souples. Il faut que la loi soit plus généreuse et que le corps électoral soit élargi de toutes les façons possibles et imaginables. Au-delà de cela, il faut plus de participation politique, d’une façon généralisée. Je pense par exemple aux communales et aux européennes.
En cas de victoire du oui, peut-on estimer le nombre d’étrangers qui s’inscriraient effectivement sur les listes, puisque cette démarche resterait facultative?

Je n’en ai aucune idée. Il est certain que les étrangers ne s’intéressent pas tous à la politique luxembourgeoise. Je vois également un rejet et un désintérêt généralisé pour la politique et ce, partout en Europe. Les taux d’abstention en témoignent.
La communauté portugaise, par exemple, est révoltée contre la politique en général, à cause de tout ce qui a été fait au Portugal.

Cela étant, nous arrivons à convaincre les Portugais de l’importance de la participation politique. Selon le TNS Ilres, 71 % d’entre eux seraient intéressés par le fait de voter. L’intérêt est donc beaucoup plus grand vis-à-vis de ce qui se fait ici qu’au Portugal. En effet, il y a quelque 1 000 inscrits à l’ambassade du Portugal, pour une communauté de 100 000 ressortissants : c’est très peu! D’autant plus que seule une partie infime de ces 1 000 Portugais participe effectivement aux élections.

Bref, il faut continuer à sensibiliser les étrangers : le droit de vote ne doit pas être un cadeau qu’on leur offre. Cette ouverture, c’est un besoin qu’a le Luxembourg!

Propos recueillis par Claude Damiani

>> Entretien à lire en intégralité dans votre édition papier de ce lundi 18 mai.