La Haute Corporation se montre très critique sur trois des projets phares de la majorité : le budget 2017, la réforme fiscale et la réforme des finances communales.
Submergé par plus de 200 projets de loi à aviser depuis la rentrée de septembre, le Conseil d’État vient de rendre cette semaine une quarantaine d’avis, dont ceux sur plusieurs gros dossiers. Le gouvernement, qui appuie sans cesse sur l’accélérateur pour mener à bien son train de réformes, en prend pour son grade. Les critiques pleuvent, le tout sur un ton très politique.
On n’aime pas qu’on nous mette la pression», avait confié en marge de la journée portes ouvertes des institutions, organisée fin septembre, un membre du Conseil d’État. Le gouvernement l’a cependant mise à plus d’une reprise sur la Haute Corporation pour réclamer d’urgence son avis dans toute une série de projets de loi d’envergure. Si les très attendus avis sur la réforme des fabriques d’église (lire ci-dessous) ou la réforme de la Constitution se font encore attendre, le verdict est tombé cette semaine pour trois autres projets phares de la majorité : le budget 2017, la réforme fiscale et celle des finances communales. Un constat global s’impose : les ministres de tutelle se font taper fortement sur les doigts. Tour d’horizon.
Budget 2017 : «Dégradation constante des finances publiques»
Le Conseil d’État voit plutôt d’un mauvais œil la volonté du gouvernement de continuer à creuser le déficit (+337,5 millions d’euros) dans le cadre du projet de budget pour 2017. En parallèle, les recettes sont en hausse, ce qui n’est cependant pas suffisant aux yeux du Conseil d’État. «On constate ainsi, pour le Luxembourg, une augmentation constante des recettes (+36,44 % pour la période 2008-2015), mais accompagnée d’une augmentation encore plus importante des dépenses (+42,5 % pour la période 2008-2015). À l’exception des Pays-Bas et du Luxembourg, le taux de progression des recettes et des dépenses des autres États membres analysés ainsi que de la zone euro (19 pays) et de l’Union européenne (28 pays) se situe dans une plus grande logique de maîtrise des dépenses et recettes de l’administration publique», est-il noté dans l’avis.
La croissance soutenue qui prévaut actuellement ne serait pas garantie au vu du contexte international incertain, souligne encore le Conseil d’État, qui déplore «que les projections sur la période 2017-2020 laissent apparaître une dégradation constante de la situation des finances publiques même en tenant compte des prévisions économiques qu’il convient cependant de considérer avec prudence. Ainsi, l’objectif primordial de l’équilibre des comptes publics, qui n’est pas encore atteint, nécessitera une attention permanente et des efforts supplémentaires, en particulier sur la maîtrise des dépenses publiques.»
Réforme fiscale : Kinsch dans le viseur
L’avis très critique du Conseil d’État sur la réforme fiscale serait signé par Alain Kinsch, patron d’EY Luxembourg et proche du DP (lire également notre édition d’hier). L’avis se veut en effet très politique. Les objectifs visés par cette réforme, à savoir l’augmentation de la compétitivité, plus d’équité fiscale et le maintien de finances publiques saines, ne seraient que partiellement atteints, estime l’avis qui, pour de nombreux observateurs, témoigne d’un conflit d’intérêts criant. Le coût de la réforme serait trop élevé par rapport aux risques qu’elle comporte, conclut le Conseil d’État.
Finances communales : «L’autonomie menacée»
Cet automne reste marqué par le débat sur l’autonomie communale. C’est encore le cas dans l’avis du Conseil d’État sur la réforme des finances communales. La Haute Corporation voit en effet cette autonomie menacée avec le nouveau système de distribution des aides et subventions étatiques.
Si le Conseil d’État salue la volonté de rendre plus équitable la distribution des fonds étatiques aux communes, l’avis mentionne le risque de voir de nouvelles inégalités se creuser. L’absence de base chiffrée pour cette réforme, fait déjà fortement critiqué par le Syndicat des villes et communes (Syvicol), est un autre point de critique majeur mentionné dans cet avis.
Malgré ces critiques et l’appel du Conseil d’État à corriger des détails techniques, soumis à la menace d’une «opposition formelle», le ministre de l’Intérieur reste optimiste quant à l’entrée en vigueur de la réforme le 1er janvier 2017.
La course contre la montre est lancée.
David Marques