Le Conseil national pour étrangers (CNE) aimerait disposer d’une structure digne de la moitié de la population qu’il représente, en termes de moyens. Ce manque de reconnaissance commence à lui peser.
Ils sont tous bénévoles, font de leur mieux pour animer et donner du sens au CNE, rédigent des avis, formulent des propositions, mais n’ont guère de visibilité. Pire encore, des batailles intestines (provoquées par un petit groupe minoritaire) minent leur moral autant que le manque de moyens dont ils disent souffrir. Leurs rapports d’activité n’ont jamais fait l’objet d’une conférence de presse qu’ils ne peuvent organiser qu’avec la permission de leur ministre de tutelle en charge de l’Intégration, Corinne Cahen.
Pourtant, ils représentent près de 50 % de la population de ce pays. La moitié silencieuse qui ne peut se rendre aux urnes, ceci expliquant cela. «Ah bon, ils ont sorti un avis sur le télétravail, mais c’est très intéressant, je l’ignorais. Et aussi sur le Brexit ? Je vais aller consulter tout ça sur leur site», nous déclare Meris Sehovic, nouveau coprésident du parti écolo, très attaché à la situation des étrangers dans le pays.
Combien de députés, qui se targuent tous de représenter l’ensemble des résidents de ce pays, sont allés y consulter les propositions émises par les étrangers pour mener une réforme en profondeur de leur institution ? «Nous avons été reçus une fois par la Chambre des députés et c’était encore sous la présidence de Mars Di Bartolomeo», se souvient Christine Hugon.
La réforme du CNE est une volonté du gouvernement inscrite dans son programme en 2018. Les membres s’en réjouissent et ont livré leurs propositions qui sont essentiellement destinées à leur donner l’importance qu’ils méritent. Cela commence par la composition du CNE qui peine à réunir ses membres en plénière. Actuellement, toutes les chambres professionnelles, les organisations patronales et les syndicats y accèdent, mais ne portent qu’un intérêt très limité à la vie de la structure.
Le changement commencerait par une modification de la base électorale qui serait constituée par les seuls représentants des commissions consultatives communales d’intégration et des associations enregistrées au département de l’Intégration, selon une procédure allégée. Un détail important parce que le CNE regrette aussi une procédure lourde en ce qui le concerne. La commande d’un simple stylo ou d’une rame de papier doit passer par l’alambic administratif et revenir signée par le ministre de tutelle.
Jetons de présence
Les membres éligibles seraient les non-Luxembourgeois résidant au Luxembourg depuis au moins six mois et «qui s’engagent civiquement et socialement dans le pays dans un esprit de cohésion sociale et d’intégration», suggère le CNE. Les binationaux luxembourgeois sont également admis. Un point qui a d’ailleurs fait l’objet de vifs débats dans la mesure où une petite minorité s’y opposait. «Ce sont pourtant les binationaux qui peuvent faire le pont et aborder au mieux l’intégration», estime de son côté Christine Hugon, qui assure la présidence pendant la convalescence de Franco Avena.
Arrive ensuite toute la logistique. Le CNE souhaiterait vivement disposer de locaux adéquats. Et d’un secrétariat avec un temps plein et un mi-temps, d’un juriste et surtout d’un budget adéquat permettant au CNE de recourir à des experts et de se doter du matériel nécessaire à son fonctionnement. C’est le minimum eu égard à ses missions, estime-t-il.
Ses missions actuelles ? Selon la loi, il est chargé d’étudier, soit de sa propre initiative, soit à la demande du gouvernement, les problèmes concernant les étrangers et leur intégration. Il donne son avis sur tous les projets que le gouvernement juge utile de lui soumettre. Il a le droit de présenter au gouvernement toute proposition qu’il juge utile à l’amélioration de la situation des étrangers et de leur famille et doit lui remettre chaque année un rapport sur l’intégration des étrangers au Luxembourg.
Dans sa proposition de réforme, le CNE se voit en conseiller du gouvernement dans la mise en œuvre d’une société du vivre ensemble. Il formulera des avis sur les projets et les propositions de loi concernant l’intégration, et émettra des recommandations dans tous les domaines concernant les non-Luxembourgeois. Quant au rapport sur l’intégration, un tous les cinq ans devrait suffire à ses yeux.
De même, le terme de «conseiller du CNE serait plutôt adéquat, considérant le travail représentatif qu’ils font au sein des commissions», estiment les membres du CNE dans leur proposition de réforme. «Il sera plus juste de leur octroyer des jetons de présence conséquent à leur travail», jugent-ils enfin.
Ils estiment encore que la valorisation de leur travail dépendra du suivi donné par la Chambre des députés et le Conseil d’État aux avis qu’ils émettent. On leur demande rarement leur avis. Pour la loi sur la langue luxembourgeoise, ils se sont autosaisis.
Il y a plus de deux ans, le CNE avait émis un avis sur le futur plan d’action national d’intégration, indiquant à cet égard «que les questions parlementaires (source précieuse d’information au Grand-Duché) sont de plus en plus rédigées en langue luxembourgeoise (et non plus seulement par les partis minoritaires) sans traduction en français, rendant ainsi inaccessible une série de réponses gouvernementales rédigées elles aussi en luxembourgeois.
Pour l’heure, le souhait est resté lettre morte.
Geneviève Montaigu