Le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, chargé des Relations inter-institutionnelles et de l’État de droit, a échangé mardi avec les députés luxembourgeois sur la crise actuelle de l’UE.
La Commission Juncker se fait un point d’honneur d’entretenir le dialogue avec les Parlements nationaux des États membres. Dans ce cadre,
le n° 2 de l’exécutif de Bruxelles a abordé mardi avec les députés la crise existentielle que traverse l’Union, sous ses différents angles.
Crise existentielle de l’UE
Pour le bras droit de Juncker, l’Union a un devoir de réponse vis-à-vis de ses citoyens. Frans Timmermans est d’avis qu’il faut changer les modèles économique et social actuellement en vigueur. Selon le n° 2 de la Commission, les institutions ne sont pas les seules à être critiquées. «Tous les niveaux, nationaux et locaux, sont touchés. En fait, tout le monde est touché par cette crise», a-t-il estimé, hier à la Chambre des députés, en se disant «réaliste» et non pas «pessimiste».
La 4e révolution industrielle
D’après l’homme politique néerlandais, la quatrième révolution industrielle est globale et, dans ce contexte, «l’UE a besoin d’acteurs ayant une ampleur internationale». Cela étant, il estime que «le monde est à rebâtir, notamment à l’échelle européenne». Et cela ne pourra pas se faire sans les Parlements nationaux des États membres. Car, selon le commissaire européen, «l’UE ne survivra pas face aux politiques identitaires». Dans ce sens, «il faut que les États membres montrent à leurs citoyens qu’ils ont besoin de l’UE sur des questions qui sont mondiales.»
La question du Brexit
Frans Timmermans s’est voulu catégorique sur le dossier du Brexit en arguant que «les négociations avec le Royaume-Uni ne pourront que débuter après l’invocation de l’article 50 du traité de Lisbonne».
Primo, le commissaire réfute donc l’idée de négociations de type informel et indique que les 27 sont unanimes sur ce point qui va à l’encontre de la volonté de la Première ministre britannique, Theresa May.
Secundo, Frans Timmermans estime que les quatre libertés définissant le marché unique sont indivisibles. «La Commission et les 27 sont sur la même ligne : il est hors de question de permettre au Royaume-Uni d’avoir accès au marché intérieur et, en même temps, l’autoriser à limiter la circulation des travailleurs.»
Le plan Juncker
Pour le commissaire néerlandais, le plan Juncker constitue aussi bien «une révolution» qu’«une innovation». «Ce plan bénéficie aux PME qui peuvent avoir un accès direct à la Banque européenne d’investissement (BEI). Il s’agit d’une révolution dans le sens où les PME ont un meilleur retour sur investissement et parce qu’elles sont essentielles dans le contexte de la quatrième révolution industrielle», a estimé l’ancien ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas.
Croissance durable de l’UE
Dans ce même contexte, il a indiqué que la Commission devait émettre des initiatives afin que des investissements soient faits dans les réseaux des énergies renouvelables et dans l’économie circulaire. Cela étant, «c’est la BEI qui aura le pouvoir de décision, pas la Commission».
Par ailleurs, Frans Timmermans a appelé les États membres à davantage investir dans le plan Juncker, «en voyant le succès» dudit plan. L’éducation et la lutte contre le chômage des jeunes doivent également être plus soutenus par les États membres, a jugé le bras droit de Juncker. Dans ce sens, la «garantie pour la jeunesse» de l’UE doit aussi permettre de lutter contre le chômage des jeunes.
«Ne pas réformer les traités»
Par ailleurs, le débat sur une révision des traités européens apparaît comme complètement stérile aux yeux du commissaire européen. «Cela ne mènera pas à grand-chose, il faut éviter toute paralysie de l’UE et montrer qu’on est uni», a-t-il apprécié. Cela étant, l’avenir de l’UE passe par une réflexion qui est actuellement en cours et dont certaines pistes seront dégagées par la Commission au mois de mars 2017.
«L’UE est très hétérogène, c’est dans sa nature. Mais changer les traités n’est pas la solution. Bien que la Commission n’ait pas le monopole des « bonnes idées », elle présentera les siennes pour le futur de l’UE, dans le cadre des 60 ans du traité de Rome.» Le commissaire a également indiqué que les États membres et leurs partis politiques avaient un rôle à jouer dans ce processus de réflexion.
La crise migratoire
Au sujet de la crise migratoire, le commissaire a estimé que celle-ci a été «le catalyseur de la crise de l’UE» et que chaque État membre devait endosser une partie des responsabilités. «Il faut trouver une combinaison équitable pour chaque membre à un moment où l’on oscille entre des valeurs de solidarité et des sentiments de peur.» Le commissaire a en outre appelé à investir en Afrique, des points de vue de l’État de droit et des secteurs porteurs de l’économie, «mais pas sous la forme d’une aumône».
CETA : «Le Canada, ce n’est pas les États-Unis!»
Enfin, Frans Timmermans a appelé les États membres à soutenir le CETA, car «le Canada partage nos valeurs et que ce n’est pas les États-Unis» et car «il faut se rendre compte que le monde a changé».
Claude Damiani
«Inacceptable de lever les sanctions contre la Russie!»
Frans Timmermans s’est montré très ferme sur la question d’une éventuelle levée des sanctions contre la Russie. «Des sanctions font toujours mal… mais avec ce qu’il s’est passé ces dernières semaines à Alep, ce serait inacceptable!», a-t-il déclaré, après avoir été interrogé par le député ADR Fernand Kartheiser. Dans ce cadre, le premier vice-président de la commission européenne a ouvertement fustigé «le comportement de Poutine en Syrie» et qualifié la situation, à Alep, d’«inouïe». Bref, Bruxelles n’est pas tout à fait prête à lever ses sanctions.