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La vie sexuelle des seniors encore taboue


(Photo : Adobe Stock)

La vie sentimentale, mais surtout sexuelle des personnes âgées est un sujet dont on parle peu et qui demeure relativement méconnu des soignants.

Pascale Skomski est sexologue. Elle reçoit en consultation des seniors, forme les soignants et donne des conférences sur le thème de la sexualité. La prochaine aura lieu le 25 octobre à Luxembourg.

La sexualité des seniors est-elle un sujet de société ?

Pascale Skomski : C’est un vrai sujet. Je suis infirmière en psychiatrie de formation. Et je me suis rendu compte que parler de sexualité, c’était tout autant compliqué que de parler de maladie et de mort. Dans l’imaginaire de la société, y compris celui des soignants, quand une personne vieillit, la sexualité devient quelque chose de carencé et de secondaire ou quelque chose de déviant et de très malsain.

Pourquoi les seniors sont souvent perçus comme asexués ?
Parce que c’est un tabou qui est posé dans notre psyché. On ne peut pas imaginer nos parents ou nos grands-parents avec une sexualité, ça vient toucher à cet endroit-là très sensible au niveau de notre manière d’être. Ensuite, comme on est dans une société de performance et d’injonction de réussite, c’est sûr que si on imagine une sexualité hyperperformante avec des orgasmes explosifs et beaucoup d’exigences, alors, les personnes âgées ne sont pas, entre guillemets, compétentes là-dedans.

Mais dans les faits, cette sexualité existe toujours ?

Oui, elle existe toujours. Bien sûr, elle se transforme, mais elle a beaucoup de sens parce que la sexualité est associée à cette pulsion de vie qui est à l’intérieur de nous. Et donc, selon moi, du moment qu’on est vivant, elle est présente. Par contre, elle ne se manifeste pas forcément de la même manière à 20 ans qu’à 90 ans.

Dans le cadre de votre pratique, quelles difficultés les personnes âgées vous disent-elles rencontrer ?
Les hommes viennent au départ avec des troubles érectiles parce que le corps ne fonctionne plus de la même manière, mais ils ont toujours des envies et des élans de tendresse et d’érotisme. Et d’autre part, je reçois des femmes et, c’est assez drôle, elles ont envie de profiter de la vie. Elles goûtent à cette pulsion-là de vie où elles reprennent un second souffle après la ménopause. Il faut comprendre comment on peut remettre un terrain de jeu commun et comment on peut, avec du vocabulaire adapté, sortir des blocages.

Le speed dating pour seniors organisé à Differdange peine à attirer autant d’hommes que de femmes. Est-ce que cela signifie que les hommes préfèrent rester seuls?
L’une des explications que je vois, c’est que cette génération d’hommes est plus pudique et a plus de difficultés à montrer sa vulnérabilité. Ils n’ont pas appris à parler de leurs émotions, de leurs besoins, et n’ont pas cette facilité de communication. Pour eux, c’est se montrer très vulnérable que de venir dans des espaces comme ça.

Lors de vos formations, quels conseils donnez-vous des conseils aux soignants ou aux aidants ?

Ce qui me tient vraiment à cœur, c’est de retravailler sur leurs croyances. Face à des gens qui ont des démences, nous avons tendance à classer leur comportement en sexuel ou pas sexuel. Or quand un patient tente de mettre une main aux fesses ou tient des propos sexualisés, il n’y a pas forcément derrière un besoin sexuel. Et certains médicaments désinhibent et créent plus de pulsions sexuelles, comme les antiparkinsoniens. C’est aussi intéressant de comprendre et surtout de voir quel est le réel besoin de la personne derrière ses agissements. Souvent, c’est juste un besoin d’être vu ou de nourrir un peu son ego. C’est maladroitement fait, mais derrière, le besoin est souvent très fin ou très juste.

Le 25 octobre, Pascale Skomski présentera un afterwork gratuit sur «La vie affective, sentimentale et sexuelle des seniors – de quoi parle-t-on?». Une conférence organisée par l’ASBL GERO, 1 Dernier Sol, à Luxembourg.

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