Le Premier ministre a dressé un état des lieux du Luxembourg, qui s’est engagé sur le bon chemin selon lui. Celui de la modernisation et du développement durable. Il a beaucoup parlé climat, mais pas de logement.
Il n’a pas lésiné sur le vert. Le Premier ministre, Xavier Bettel, a bien compris qu’il devait mettre le paquet sur les défis climatiques et il en a fait le thème phare de son discours. Il a passé en revue tous les maux dont souffre la planète attaquée par le réchauffement, de la fonte des glaciers et la montée des océans, jusqu’à la tornade qui a touché Pétange et Bascharage cet été.
Il sait que «le scénario le plus favorable», selon les experts, aura «des conséquences extrêmes» sur la vie sur la planète. Il sait aussi qu’il est encore temps d’agir pour réduire les émissions de C02 et il rappelle les objectifs de ce gouvernement : réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 2005.
«Nous vivons déjà une transition énergétique», souligne le Premier ministre en citant la multiplication des éoliennes dans le paysage et l’installation de panneaux solaires aussi bien chez les particuliers que dans les entreprises. Il voit dans l’énergie solaire «un grand potentiel» d’autant qu’aujourd’hui déjà, 60% de la consommation des ménages provient d’énergies renouvelables.
Peu de neuf sur le dossier Google
La mobilité douce, les investissements dans les transports en commun qui seront d’ailleurs gratuits, sont «d’autres pièces du puzzle» de la politique nationale en faveur de la réduction des émissions carbone. Des mesures qui portent leurs fruits puisque les émissions ont diminué ces dix dernières années, selon Xavier Bettel qui ne livre pas de chiffres, mais qui s’empresse de comparer ce résultat avec la croissance économique. Le pays peut donc continuer à se développer s’il respecte les règles d’une croissance durable.
«Un développement économique positif n’est pas en contradiction avec des objectifs climatiques ambitieux, au contraire», défend le Premier ministre. «L’histoire nous apprend que les améliorations viennent toujours de l’innovation», déclare-t-il en évoquant les progrès qui ont servi la médecine mais aussi les conditions de travail et la qualité de vie.
Toutes ces nouvelles technologies bénéficient aussi aux entreprises qui réduisent leur consommation d’énergie et leurs émissions polluantes. Ce sera également valable pour Google, sommé d’assurer la meilleure efficience énergétique et la consommation la plus basse des ressources. Le géant du numérique aura certes de grands besoins en énergie, mais sa présence est capitale au Grand-Duché pour le secteur des nouvelles technologies et s’intègre bien dans la logique d’une économie selon Rifkin.
Pas de débat sur la croissance, il ne remettra pas en cause son rythme soutenu, mais s’efforcera de convaincre qu’elle ne fait pas barrage à la lutte contre le réchauffement climatique. Évidemment, le pays sature. Pour le doter des infrastructures nécessaires, le gouvernement continuera d’investir puisque, par le passé, personne n’a mesuré les conséquences d’un tel développement, rappellera en substance Xavier Bettel.
2,6 milliards d’euros d’investissements
Il dévoilera le montant des investissements prévus pour le prochain budget, soit 2,6 milliards d’euros, soit un milliard de plus qu’en 2013 et il promet qu’en 2023, les investissements atteindront 3 milliards d’euros. Parallèlement, la dette passera sous la barre des 20% du PIB pour la première fois depuis 2011.
Avec ça, le gouvernement pourra encore se permettre de placer 53 millions dans le Fonds souverain intergénérationnel qui représente déjà 317 millions. La réserve du fonds de pension contient 19 milliards d’euros, ce qui n’incite pas le Premier ministre à ouvrir le débat sur une réforme du système des pensions.
Il ne dira pas un mot ou si peu sur le gros problème du logement. Il préviendra juste qu’il ne fera pas le tour de tous les ministères pour raconter tout ce qui a été entrepris au cours des douze derniers mois. Dommage, songe l’opposition dans son coin.
Pourquoi ce silence ? Parce que le sujet du logement, comme celui de la cohésion sociale, est trop important pour le réduire à quelques minutes dans un discours, explique Xavier Bettel. Il trouvera en revanche un peu de place dans son discours de 33 pages pour évoquer la prochaine réforme fiscale. Elle portera une empreinte écologique, promet sans surprise le Premier ministre.
Geneviève Montaigu
Les réactions de l’opposition
«Cela a ressemblé à un exposé présenté par un élève», Sven Clement (Parti pirate)
«J’étais assis pendant 56 minutes sur mon siège pour attendre le véritable début de la déclaration. J’ai eu du mal à réaliser que le Premier ministre avait déjà fini par tout dire lorsqu’il a clôturé son discours. il n’y a pas eu de substance dans son discours. Xavier Bettel s’est limité à philosopher et lancer de belles phrases. Il a accompli son devoir, sans plus. Si le triple A économique du pays a brièvement été évoqué, cela n’a pas été le cas du triple A climatique, du triple A du logement ou le triple A social, qu’on a perdu depuis très longtemps. Quel est le plan de ce gouvernement pour préparer l’avenir ? On n’a rien entendu sur la stratégie pour s’attaquer à la problématique du climat. Il en va de même pour résoudre les problématiques liées au logement et aux inégalités sociales. En fin de compte, j’ai eu l’impression que la déclaration a ressemblé à un exposé présenté par un élève du fondamental. Toute vision d’avenir pour le pays a fait défaut.»
«Le Premier ministre est à côté de la plaque», Marc Baum (déi Lénk)
«Cette déclaration a été un affront. Une limite a été dépassée. Le gouvernement n’a aucune conscience de ce que sont les défis qui attendent le pays dans le cadre du changement climatique. Se vanter comme élève modèle n’est pas suffisant. Il faut faire de plus grands efforts. Aucun nouvel élément n’a été donné par le Premier ministre. C’est très décevant. Il en va de même pour les deux autres sujets majeurs qui nous préoccupent, à savoir le renforcement sans précédent des inégalités sociales et la problématique du logement. Peut-être qu’il est mieux qu’un Premier ministre, qui ne brille pas par sa compétence, mais alors qu’il ne prenne pas en charge ces dossiers. Il n’existe pas un début de prise de conscience sur la situation sociale du pays. Des gens sont forcés à camper devant la SNHBM pour se voir accorder un logement social. Si Xavier Bettel se contente de prononcer une phrase sur le logement et qu’elle concerne l’impôt foncier, il est complètement à côté de la plaque.»
«Il ne suffit pas d’établir un diagnostic», Martine Hansen (cheffe de fraction du CSV)
«Je n’ai rien entendu de nouveau par rapport à ce qu’on a pu lire ces six dernières semaines dans la presse. Or si on se contente d’établir un diagnostic sans agir, le patient va mourir. Le Premier ministre n’a pas annoncé de mesures pour atteindre les objectifs en matière climatique. Aucune stratégie n’est reconnaissable. Le CSV est bien entendu prêt à travailler avec la majorité sur le plan climat et énergie, mais tout d’abord il nous faut un minimum de contenu livré par le gouvernement. Xavier Bettel a bien précisé s’être concentré sur deux ou trois sujets prioritaires. En appliquant cette stratégie, il faut constater que le logement a clairement manqué. Il s’agit d’une des plus grandes difficultés que connaît le pays. Il n’est donc pas suffisant de l’évoquer avec une seule phrase. Il en va de même pour les inégalités sociales, qui ne cessent de se creuser malgré des finances publiques qui sont en bonne santé.»
«Ce discours était tout simplement lamentable», Gast Gibéryen (ADR)
«Le Premier ministre n’a rien dit du tout. En 31 ans de carrière, je n’ai encore jamais entendu un discours aussi dénué de contenu. On pourrait bien penser que ce gouvernement est arrivé au bout du rouleau. Par le passé, l’état de la Nation a toujours servi à dresser une analyse de la situation et à soumettre des solutions. Ici, Xavier Bettel s’est contenté de dresser une analyse partielle sans soumettre une seule proposition pour solutionner les problèmes majeurs auxquels est confronté le pays. Pas un mot sur le logement, hormis la mention de la réforme de l’impôt foncier. Les gens connaissent cependant de plus en plus de mal pour pouvoir se loger au Luxembourg. Le Premier ministre a fait le choix de parler pendant une demi-heure du climat pour pouvoir se dédouaner de sa responsabilité dans d’autres dossiers d’importance. Ce choix est incompréhensible. C’était un discours tout simplement lamentable. Il n’y a rien eu d’intelligent dans son exposé.»
Propos recueillis par David Marques