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La police luxembourgeoise exprime son mal-être


«Quelle saloperie ce fut!», s'est exclamé Christian Pierret, secrétaire général du SPFP (et du SNPGL), au sujet du dossier des logements de service. (Photo : LQ)

Lors de son conseil des délégués, le Syndicat professionnel de la force publique a craché son venin sur le gouvernement.

Absence de dialogue social et de transparence, mesures gouvernementales décriées car prises unilatéralement sans concertation avec les partenaires sociaux, manque de moyens, difficultés à recruter, audit externe illégitime : police et armée expriment leur mal-être.

Sans surprise, la présentation du rapport d’activité du Syndicat professionnel de la force publique (SPFP) a été l’occasion pour lui de pousser un (nouveau) sacré coup de gueule. 2014 s’est en effet révélé être une année bien noire qui a laissé des stigmates. Aussi bien dans la police que dans l’armée, qui souhaitent à présent être entendues par le gouvernement et être reconnues à leur juste valeur. Mais le premier semestre 2015 leur laisse déjà un goût amer.

Différents points conflictuels communs aux deux corps ont été mis en avant, un grand nombre de doléances se recoupant. Tout d’abord concernant le projet d’abolition des logements de service, qui toucherait par ailleurs toute la fonction publique. Le secrétaire général du SPFP, Christian Pierret, n’a pas mâché ses mots sur cette question : «Quelle saloperie ce fut!», s’est-il exclamé.

Avant de rappeler que ces logements sont à considérer comme «un avantage» auquel ont droit les fonctionnaires de la force publique à titre de compensation pour les contraintes découlant de leurs métiers à risques respectifs. Dans ce dossier, la goutte d’eau qui fait déborder le vase est la mise de ces logements à la disposition de personnes dans le besoin, par le biais du ministère du Logement et de son Agence immobilière sociale. Bref, le premier coup de griffe du SPFP est destiné à la ministre Maggy Nagel, qui s’en serait bien passée dans l’état actuel des choses.

Le deuxième coup vise le ministre des Finances, Pierre Gramegna. L’argentier du gouvernement aurait en effet adressé un courrier aux locataires de ces logements de service, pas plus tard que le 1er juillet, leur annonçant une augmentation de loyer. La missive stipule que ces loyers seront multipliés par dix à partir du 1er octobre prochain, selon Christian Pierret, qui dénonce à nouveau l’absence de dialogue social. La troisième cible du syndicat s’avère être le ministre de la Fonction publique, Dan Kersch. La pomme de discorde, elle, porte sur l’échelonnage des grades, qui serait inadéquat. Le syndicat revendique en effet depuis des années que les policiers de la carrière D soient revalorisés et qu’ils intègrent la carrière C. La zizanie a terminé en procédure de conciliation, mais aucun consensus n’a été trouvé, si bien qu’un nouveau round de conciliation est fixé au 25 septembre.

Le moral en berne

À son tour, le président du SPFP, Patrick Frantz, dénonce les blancs-seings ministériels permettant aux ministres de passer outre les négociations, pratique également avérée dans les dossiers touchant l’armée.

Au niveau du moral des effectifs, le malaise évoqué à plusieurs reprises au sein de la police, ces derniers mois, ne s’est pas vraiment estompé. Un euphémisme si l’on se fie au tableau particulièrement noir qui a été brossé. «De plus en plus de policiers veulent quitter la police et intégrer le secteur privé», indique le secrétaire général du SPFP qui souligne que les policiers sont de plus en plus sous pression. «On leur demande d’être polyvalents et d’être spécialisés dans tous les domaines. Sans oublier qu’ils n’ont pas le droit à l’erreur!», relate Christian Pierret. Bref, le personnel est au bout du rouleau et le moral des effectifs, littéralement «à terre», selon ses termes.

Et le pendant de ce phénomène s’avère être la difficulté à recruter. Inquiétant. Le ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider, autre cible du syndicat, a cependant annoncé le recrutement prochain de 300 nouveaux éléments. Si l’annonce redonne de l’espoir au SPFP, celui-ci préfère ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué et espère que ce recrutement se concrétisera. Une méfiance due au fait que le même ministre ne souhaitait initialement pas renforcer les effectifs… Et la pénurie de nouvelles recrues touche par ailleurs également l’armée, qui s’interroge sur la sélectivité des examens d’entrée, les incapacités physiques des candidats étant la principale source d’échec.

Bref, il en ressort un énorme problème de sécurité publique et intérieure, le Luxembourg pouvant être touché à tout moment par une attaque terroriste (menace décuplée par la présidence européenne) ou par tout autre acte finissant dans la rubrique des faits divers de la presse. Un danger d’autant plus grand que la direction de la Défense a été qualifiée de «catastrophique».

En conclusion, le SPFP a égratigné l’audit de la police commandité par une société privée en s’interrogeant sur sa légitimité, «car elle n’est pas assermentée». Puis le syndicat de réitérer sa volonté de création d’une Inspection générale de l’armée calquée sur l’IGP, voire de créer une autorité de contrôle commune pour police et armée.

Claude Damiani