La réforme de la police grand-ducale n’est pas celle qu’attendait l’Association du personnel de la police judiciaire (APPJ). Ses revendications de longue date restent lettre morte. Ils veulent la quantité et surtout la qualité.
Tanja Zwanck a pris la présidence de l’APPJ en mars dernier, succédant à Fernand Ruppert, retraité. Les combats de la PJ restent les mêmes. La
détermination de l’association aussi.
On ne les verra pas circuler à bord des voitures de police fraîchement relookées ou défiler avenue de la Liberté pour la fête nationale. Les personnels de la police judiciaire (PJ) sont des hommes et des femmes de l’ombre «et les grands oubliés de la réforme des services de police», se plaisent-ils à rappeler. Ils ont de vieilles revendications qui vont dans le sens d’un renforcement de leurs effectifs et d’une revalorisation de la carrière d’inspecteur qui n’attire pas les foules.
L’Association du personnel de la police judiciaire comptait beaucoup sur la réforme, mais doit se rendre à l’évidence : rien n’est fait pour améliorer le quotidien des enquêteurs de la PJ, au service des magistrats qui réclament eux aussi des moyens pour mener les enquêtes dans des délais raisonnables.
Le président de l’APPJ, Fernand Ruppert, a cédé sa place à une femme, Tanja Zwanck, qui reste entourée des anciens du comité, Sacha Georges, Claude Greisch et Joël Scheuer. Ils savent mieux que personne que cela fait maintenant 30 ans que la PJ a les mêmes revendications. L’APPJ ne se laisse pas abattre. La nouvelle présidente espère que le gouvernement saura répondre aux questions du Conseil d’État qui, dans son avis, a également dit sa surprise du traitement réservé à la PJ. «Ils sont même allés au-delà de nos revendications en proposant de placer un magistrat à la tête du service, alors que nous ne l’avions pas réclamé, mais l’idée n’est pas mauvaise», explique Tanja Zwanck.
Les magistrats, eux, rejoignent les enquêteurs quand ces derniers réclament un niveau minimum d’études, en l’occurrence un diplôme de fin d’études secondaires, que ce soit une première classique ou une treizième technique. «Nous devons beaucoup rédiger, que cela soit des procès-verbaux ou des rapports et la qualité n’est pas toujours au rendez-vous», déclare Sacha Georges.
Mais rien dans la réforme présentée n’est prévu pour remédier à cet état de fait. «Nous voulions une formation spécifique pour les inspecteurs de la PJ après un recrutement direct, mais nous ne l’avons pas obtenue», rappelle Tanja Swanck. Il y aura la même formation de base pour tous les policiers et la troisième année sera consacrée à des stages dont trois mois à la PJ. C’est tout. «Comment les former sans le personnel nécessaire?», s’interroge la présidente.
Plus de minimum légal
En plus, il va y avoir une vague de départs à la retraite, sans compter que les plus anciens sont souvent placés à des postes de commandement dans d’autres unités. La PJ fait face au même problème depuis des décennies.
L’actuel Premier ministre, Xavier Bettel, le sait bien, lui qui avait demandé une réunion spéciale de la commission parlementaire quand il était encore député de l’opposition, en 2012. Il disait alors qu’il était urgent d’agir. «Depuis, nous n’avons pas réussi à le rencontrer, il nous demande de nous adresser à ses conseillers», témoigne Sacha Georges.
Pire encore, la PJ n’est même plus assurée d’avoir un effectif minimum de 120 inspecteurs, comme le veut un règlement grand-ducal de 2008. Là aussi le Conseil d’État a alerté les auteurs du projet de loi sur la réforme de la police. «C’est la direction de la police qui décidera à l’avenir des effectifs du service de police judiciaire», souligne Tanja Swanck.
Le Conseil d’État, dans son avis de juillet dernier, s’en inquiétait également : «Se pose la question de la garantie que le personnel suffisant soit affecté à la police judiciaire, ce qui renvoie une nouvelle fois à la question du rôle des autorités judiciaires au niveau de l’organisation et de la gestion de la police judiciaire», écrivait-il.
L’APPJ a la nette impression que le sort de la PJ importe peu aux décideurs politiques. «C’est sûr qu’un inspecteur qui intègre le service, c’est un uniforme de moins sur la chaussée», admet ironiquement Sacha Georges. La présidente renchérit : «On se demande si le ministre Schneider, qui est également le ministre de l’Économie, a intérêt à renforcer les moyens d’enquêter sur les affaires économiques et financières», questionne-t-elle sans du tout feindre l’innocence.
Pour l’APPJ, cette réforme ne résout en rien les problèmes de la PJ. Pire, même, elle les aggrave. Le vote du projet de loi doit avoir lieu au début de l’année prochaine.
Geneviève Montaigu