La Chambre d’agriculture a rendu son avis sur le projet de loi agraire déposé, cet été, par le ministre Fernand Etgen. Un texte peu cohérent pour le secteur.
Voilà deux ans que le secteur agricole attend la nouvelle loi agraire, et maintenant qu’il a le texte sous les yeux, il n’est pas plus avancé. Il semble comprendre que le gouvernement veut faire des économies sur son dos. La Chambre d’agriculture parle d’une démarche inadmissible.
Elle a attendu deux ans et le texte est loin d’être à la hauteur de ses espérances. La Chambre d’agriculture vient de rendre un avis vitriolé sur la loi agraire, rebaptisée projet de loi concernant le soutien au développement durable des zones rurales. Tout en reconnaissant que le retard dans la livraison du texte est dû en partie aux procédures interminables de la Communauté européenne pour adopter le Plan de développement rural, elle évoque «un retard excessif» d’autant, selon la Chambre d’agriculture, que son adoption et les règlements nécessaires à son exécution «prendront encore certainement cinq mois».
D’après ses calculs, la nouvelle loi agraire «ne pourra plus se faire avant la fin de l’année 2015». Pour la chambre professionnelle, c’est une rupture dans la «continuité sans faille des dispositions législatives concernant la matière». Depuis deux ans, le secteur vit dans l’incertitude en ce qui concerne le soutien aux investissements et aucun nouvel engagement dans les programmes agro-environnementaux n’a été possible, regrette-t-elle.
«À la fin de l’année 2015, des aides aussi importantes que les mesures agro-environnementales ne pourront être versées aux agriculteurs, viticulteurs et horticulteurs, faute de base juridique», déplore la Chambre d’agriculture dans son avis.
Nouvelles incertitudes
Pour elle, «cette attitude passive du législateur par rapport au secteur agricole n’est pas admissible» et traduit «l’expression du manque d’engagement du gouvernement vis-à-vis du secteur agricole», et une politique qui ne semble plus «considérer le secteur agricole comme un secteur important et économique, mais plutôt comme un secteur en déclin qu’il n’y a plus lieu de prioriser». Le ton est sans appel.
Après avoir attendu ce texte pendant deux ans, le secteur découvre que le projet de loi a été déposé sans les projets de règlements d’exécution, ce qui ne favorise pas «la compréhension, ainsi qu’une adoption prompte de la loi», regrette-t-elle en exigeant que tous les textes des règlements d’exécution soient élaborés et déposés au plus vite.
La Chambre d’agriculture critique le manque de cohérence du texte, sa mauvaise structuration qui le rend peu lisible, voire «indigeste», «surtout en ce qui concerne la partie du texte relative aux investissements et à l’installation des jeunes agriculteurs», chapitre cher à la chambre professionnelle, alors que les auteurs ont disposé de suffisamment de temps à ses yeux pour rédiger un texte de qualité.
Ce texte ne répondrait pas aux priorités de l’Union européenne qui ciblent l’amélioration de la viabilité et de la compétitivité des exploitations agricoles en matière de développement rural. Alors qu’un effort de modernisation et de restructuration permanente de l’ensemble du secteur «est une condition essentielle pour assurer l’avenir de l’agriculture et pour faire face aux défis économiques de notre société moderne», l’esprit du nouveau texte comporterait «une approche plutôt restrictive par rapport aux investissements dans le secteur agricole», comparé à l’ancienne législation.
La Chambre d’agriculture estime que pour des investissements comparables à ceux de l’ancienne loi, la charge financière des exploitations agricoles «augmentera significativement». De quoi plonger tout le secteur dans une nouvelle incertitude, d’autant qu’un projet devra passer une procédure de sélection. «L’exploitant devra donc lancer toutes les procédures de planification et d’autorisation sans jamais être sûr de pouvoir obtenir le subventionnement.»
La Chambre d’agriculture considère que l’ensemble de ces contraintes témoigne d’une attitude qui vise à «limiter les dépenses publiques liées aux investissements agricoles.» «Une telle approche n’est certainement pas faite pour inciter les agriculteurs à investir et à moderniser leur outil de production. On pourrait plutôt y voir un désengagement progressif et généralisé de la part du gouvernement par rapport au secteur agricole. Une telle approche est inacceptable pour la Chambre d’agriculture!», conclut-elle.
Geneviève Montaigu