La monarchie constitutionnelle luxembourgeoise doit s’adapter à la réalité de son temps et doit être réorganisée, selon la Grande-Duchesse Maria Teresa, dans un entretien accordé à l’AFP.
Le fonctionnement de la Cour grand-ducale être plus « transparent » et « authentique », plaide la Grande-Duchesse Maria Teresa de Luxembourg. La Cour grand-ducale, l’une des plus discrètes d’Europe, a lancé en septembre 2015 une « profonde réorganisation » afin « de mettre en place des règles de bonne gouvernance adaptées à la réalité de notre pays » et dictées par un souci de « transparence et d’authenticité » ainsi que des « règles d’éthique », explique l’épouse du souverain Henri de Luxembourg.
Il s’agit de « nouvelles règles de fonctionnement interne qui sont justes, équitables et claires pour tous », souligne Maria Teresa qui reçoit au château de Colmar-Berg (centre du Luxembourg), la résidence des souverains luxembourgeois. La réorganisation est une affaire purement interne de la Maison grand-ducale et ne change en rien l’équilibre institutionnel au Luxembourg, ni dans les relations entre le gouvernement et le Grand-Duc Henri.
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Le chantier de la modernisation se fait « à moyens financiers constants » avec un mode de fonctionnement beaucoup plus « managérial », selon la Cour. Cette nouvelle gouvernance a un prix: poursuivie par une ex-employée de maison pour harcèlement et licenciement abusif, la Cour grand-ducale se dit prête à affronter le tribunal plutôt que de traiter le différend à coup d’indemnités transactionnelles pour éviter que l’affaire soit portée sur la place publique.
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« Il n’est pas éthique de régler nos problèmes avec l’argent du contribuable », estime Maria Teresa, se déclarant « convaincue qu’en payant des sommes considérables pour éviter d’être éclaboussés, nous n’agirions pas de manière éthique ». « Nous préférons, et mon mari me soutient, prendre ce risque et faire une confiance totale à la justice, plutôt que de céder à des demandes exorbitantes », assure-t-elle.
Révision des droits princiers
La souveraine parle sans détour d’une « épreuve » particulièrement « difficile » du règne de son mari, lorsqu’en 2008, le Grand-Duc Henri a renoncé à son pouvoir de sanction des lois pour ne pas avoir à valider une loi sur l’euthanasie qui venait d’être adoptée. « C’est évident que pour mon mari, il y avait une question de liberté de conscience qui se posait », observe Maria Teresa.
Finalement, avec l’aide du Maréchal de la Cour de l’époque, le constitutionnaliste Pierre Mores, il a été trouvé « la solution qui montrerait qu’il ne voulait en aucune manière entraver le processus démocratique de son pays ». La Constitution luxembourgeoise, modifiée depuis lors, prévoit ainsi que le Grand-Duc « promulgue » les lois trois mois après leur adoption par le Parlement, mais qu’il ne les sanctionne plus.
Le Parlement luxembourgeois planche depuis avril 2009 sur une réforme de la Constitution qui doit notamment redéfinir les pouvoirs du Grand-Duc. Les travaux n’ont toujours pas abouti et toutes les pistes restent ouvertes.
Selon Luc Heuschling, professeur de droit constitutionnel et administratif à l’Université du Luxembourg, la monarchie luxembourgeoise, sur certains aspects, n’est « pas moderne », notamment en matière de succession, les règles n’étant pas inscrites dans la loi ni dans la Constitution. « La question qui se pose au Luxembourg est de savoir si les politiques vont vouloir supprimer tous les droits princiers », explique-t-il.
‘Une affaire de couple’
De fait, la monarchie luxembourgeoise n’est pas « purement protocolaire », souligne la Grande-Duchesse, en évoquant le « rôle très concret » que son mari, chef de l’Etat, a joué en décembre 2013 au moment de la constitution du gouvernement de Xavier Bettel, qui a remplacé Jean-Claude Juncker, l’actuel président de la Commission européenne.
« Mon mari », rappelle-t-elle, « a vu tous les chefs de partis, même les plus petits partis, pour prendre leurs avis » avant de choisir le Premier ministre comme le veut l’usage. Pour Maria Teresa, née à Cuba d’origine roturière en 1956, « la monarchie constitutionnelle a un sens au XXIe siècle, en tout cas dans notre pays, vis-à-vis de l’extérieur », à travers notamment les visites d’Etat qui « apportent une visibilité très importante au pays » et représentent « véritablement un atout pouvant ouvrir beaucoup de portes ».
Quant à sa place au sein du régime, que la Constitution ne lui reconnaît pas, la Grande-Duchesse assure que « la monarchie est une affaire de couple » qui « gagne énormément à la visibilité que le conjoint peut aussi donner, et au pays et par son action ».
« Lorsque l’on regarde autour de nous », conclut-elle, « je pense que peu de personnes contesteraient que pour l’Espagne, les Pays-Bas, pour la Belgique, pour la Suède et même pour la Jordanie, c’est un atout d’avoir le conjoint qui, avec le chef de l’État, participe au rayonnement de la monarchie ». Monté sur le trône le 7 octobre 2000, le Grand-Duc Henri est le sixième souverain de la dynastie depuis l’avènement d’Adolphe de Nassau, en 1890.
Le Quotidien/AFP