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La digitalisation du travail inquiète au Luxembourg


Christophe Degryse a tenté d'expliquer la face sombre de la digitalisation. (Photo Julien Garroy)

Lors d’une conférence sur la digitalisation de l’économie, l’OGBL avait invité vendredi un chercheur de l’ETUI pour parler de la face sombre de la 4e révolution industrielle.

Orateur de la conférence, Christophe Degryse, chercheur à l’European Trade Union Institute (ETUI), a voulu jouer cartes sur table en précisant s’être uniquement arrêté sur la part sombre de la digitalisation du travail. Effectivement, de nombreuses questions et interrogations portent sur les impacts de la numérisation, la digitalisation ou encore de la robotisation des outils de travail sur l’emploi. Sur ce sujet plusieurs parties s’opposent, entre ceux voulant voir dans la digitalisation des opportunités de créer des emplois à haute valeur ajoutée et créatifs, tout en diminuant, voire en supprimant les taches pénibles et répétitives, et ceux voyant dans cette même digitalisation un risque pour la pérennité des emplois et du travail en général.

Pour commencer, Christophe Degryse s’est demandé ce que voulait dire ce terme qu’est la «digitalisation», épicentre de la quatrième révolution industrielle. «C’est assez difficile de donner une définition du terme, puisqu’il n’en existe pas. Pourtant, on peut mettre différentes choses sous ce terme, comme un monde connecté allant des objets aux outils de travail, l’utilisation de robots physiques mais également la notion de cerveau numérique reposant sur des algorithmes. Il y a aussi l’apparition d’une économie collaborative et de partage. C’est d’ailleurs intéressant de remarquer que les mots collaborative et partage ont des connotations positives alors qu’en réalité nous en sommes assez loin», a expliqué Christophe Degryse.

Ce dernier faisant référence à des acteurs comme Airbnb ou encore Uber, qui finalement engrangent des millions d’euros sans pour autant participer à la solidarité que représentent les cotisations sociales ou encore les impôts, donc des acteurs qui en fin de compte « ne collaborent et ne partagent pas beaucoup », selon le chercheur.

Dans ses recherches, il a voulu distinguer deux conséquences différentes de la digitalisation de l’emploi. L’une étant la robotisation des taches. «Nous avons vu cela tout au long de l’histoire avec les différentes révolutions industrielles», a assuré le chercheur de l’ETUI.

10 à 50% des emplois existants en péril ?

Mais la nouveauté vient des plateformes digitales, c’est-à-dire les nombreux sites internet proposant à des utilisateurs de faire des tâches, du travail, comme traduire un document, contre une infime rémunération ou encore Uber qui permet à des gens de devenir taxi.

«Du jour au lendemain, on peut devenir n’importe quoi : taxi, hôtelier, traducteur… sans pour autant avoir un lien direct avec la personne qui nous emploie, ce qui pose un réel problème sur de nombreux points, comme la sécurité du travail, la réglementation, etc. D’ailleurs les plateformes comme Uber et Airbnb se défendent d’être des employeurs puisqu’ils jouent, selon eux, uniquement le rôle d’intermédiaire, donc se dégageant de toutes les obligations d’un employeur traditionnel», a insisté Christophe Degryse.

Autre point préoccupant, selon plusieurs études, la digitalisation pourrait faire disparaître entre 10% et 50% des emplois existants. «Il faut être prudent, car les chercheurs et les méthodologies divergent sur le sujet. Certains prédisant même la disparition pure et simple du travail. Pourtant, je reste optimiste sur cette question. De plus, nous ne pouvons pas savoir ce qu’il se passera. Regardons en arrière, si nous avions dit à nos enfants il y a 15 ans qu’il fallait étudier l’informatique pour développer des applications mobiles, ils nous auraient regardé avec étonnement puisque les smartphones n’existaient pas encore», a expliqué Christophe Degryse.

Au final, ce débat et le cycle de conférences de l’OGBL ont le mérite de vouloir s’interroger sur les possibles dérives de la digitalisation mais également sur l’avenir du concept «travail» et des emplois dans un avenir peut-être plus proche qu’on ne le croit.

Jeremy Zabatta