Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Une petite centaine de producteurs de lait a bruyamment manifesté, ce mardi matin, devant le ministère de l’Agriculture pendant que les syndicats agricoles étaient reçus par le ministre Fernand Etgen, qui partage leurs revendications. Si le courant est bien passé, les débats se joueront à l’échelle européenne, avec la tenue d’un conseil extraordinaire à Bruxelles, le 14 septembre.
Une soixantaine de tracteurs, selon la police grand-ducale (un peu plus dixit les agriculteurs) a investi les places Clairefontaine et Guillaume II au cours de cette action destinée à dénoncer la crise agricole (lire l’interview du président des Jeunes Agriculteurs).
L’appel à manifester a été lancé par le Luxembourg Dairy Board (LDB) qui représente les producteurs de lait luxembourgeois et qui est membre de l’European Milk Board (EMB), défenseur des intérêts des producteurs laitiers au niveau européen. Il était aux alentours de 10h, ce mardi matin, lorsque les premiers tracteurs ont pénétré dans le centre-ville de Luxembourg. Sur le qui-vive, les services de la Ville de Luxembourg avaient disposé des barricades le long de la rue Notre-Dame et autour de la place Clairefontaine.
À 11 h tapantes, un cortège conséquent d’une soixantaine de tracteurs a investi les lieux à coups de klaxons. «Nous vous nourrissons et vous nous laissez crever !», peut-on lire sur un panneau. «Je suis agriculteur», revendique un autre exploitant agricole, à la manière du slogan «Je suis Charlie». «La coupe est pleine, les caisses sont vides !», les paysans filent «tout droit vers la banqueroute», disent encore les pancartes.
Un cortège d’une soixantaine d’agriculteurs a fait irruption en ville, ce mardi matin. (photo Fabrizio Pizzolante)
Sur la place, le député chrétien-social Félix Eischen, membre de la commission parlementaire de l’Agriculture, s’est joint aux agriculteurs : «Je compatis à cette action et nous allons d’ailleurs discuter de la nouvelle loi agraire, demain (mercredi) en commission», explique-t-il. Le député du CSV évoque pêle-mêle les problématiques affectant le monde agricole : l’avenir incertain des jeunes agriculteurs, le délaissement des produits locaux et régionaux par les consommateurs, ou encore les dangers de la globalisation dans le secteur de l’agriculture.
Les producteurs laitiers Claude Schleich, venu de Bissen, et René, originaire de Nagem, sont là afin «de trouver une solution à long terme à la crise agricole, mais aussi afin d’équilibrer l’offre et la demande laitières». Venu d’Assel, l’exploitant Francis Meyers veut « que le gouvernement nous laisse respirer, car on ne peut plus exister avec les politiques actuelles», confie-t-il.
Prochaine étape : un Conseil extraordinaire lundi à Bruxelles
Un manifestant, sous la marque de lait locale « D’fair Mëllech » (lait équitable). (photo F.P.)
Après plus de deux heures et demie de tractations entre syndicats et le ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, ce dernier confie à la presse le bilan de l’entrevue. Force est de constater que les agriculteurs ont été entendus et compris : «Nous sommes sur la même ligne au sujet de l’intégralité des revendications que les syndicats m’ont transmises en juillet dernier», a-t-il lancé.
Mais ceci dit, Politique agricole commune (PAC) oblige, encore faudra-t-il que le catalogue de revendications soit défendu bec et ongles lundi prochain à Bruxelles, à l’occasion d’un Conseil Agriculture extraordinaire, convoqué par la présidence luxembourgeoise de l’UE.
Issu lui-même d’une famille d’agriculteurs, le ministre a promis d’y mettre toutes ses forces, mais il n’est pas évident qu’un consensus soit trouvé, entre la position nationaliste et conservatrice française du ministre Stéphane Le Foll (PS) et la vision libérale et tournée vers les exportations du ministre allemand Christian Schmidt (CSU). Et quand on sait que l’axe Paris-Berlin souffle le chaud et le froid sur l’Europe…
Fernand Etgen a annoncé qu’une seconde entrevue se tiendra le 21 septembre prochain, afin de faire le point sur le Conseil européen. Mais avant tout pour analyser quelles mesures pourraient être prises au niveau strictement national, l’un des deux piliers de la PAC déléguant certaines compétences aux gouvernements des 28 États-membres.
Un petit verre de « D’fair Mëllech » avant la conférence de presse : le ministre Etgen soigne sa communication. (photo F.P.)
Claude Damiani
