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Jour férié et congé en plus : pourquoi le patronat n’en veut pas


Au Luxembourg, il y a pour le moment dix jours fériés et les travailleurs ont droit à 25 jours de congés payés. (illustration Tania Feller)

Alors que le gouvernement a entamé le processus législatif devant conduire à faire du 9 mai un jour férié et à accorder un jour de congé supplémentaire aux travailleurs, le patronat se dit déçu de la méthode.

Depuis l’accord de coalition et la décision du gouvernement d’ajouter un jour férié au calendrier et un jour de congé supplémentaire, le patronat n’a pas caché son mécontentement, contrairement aux nombreux travailleurs du pays. Cette semaine encore, la Chambre de commerce a rendu un avis défavorable dans le cadre de la procédure réglementaire d’adoption d’un projet de loi.

Commençons par le 9 mai. Le gouvernement veut faire de la «Journée de l’Europe» un jour férié afin de devenir le premier pays de l’UE à célébrer de la sorte la construction européenne. Il s’agit aussi de donner un coup de projecteur symbolique tant sur le Grand-Duché que sur les bienfaits de l’Union, alors que cette dernière fait face à une montée des courants anti-européens.

Facture à 220 millions d’euros

Si l’idée est belle et a déjà séduit pas mal de travailleurs et d’européens convaincus, Nicolas Buck, le président de la Fedil (et futur président de l’Union des entreprises luxembourgeoises), a un tout autre avis sur la question : « Les politiques lèvent la main et disent qu’il faut célébrer l’Europe. Mais l’Europe a besoin d’autre chose que d’un jour férié. Elle a besoin d’une meilleure gouvernance et d’un tas d’autres choses, mais certainement pas d’un jour férié. »

Le futur patron des patrons met également le doigt sur le coût d’un jour férié. « Un jour férié et un jour de congé supplémentaire coûtent 220 millions d’euros aux entreprises », affirme Nicolas Buck avant de souligner : « Cette année, le 9 mai tombe un jeudi. Donc, un grand nombre de personnes va prendre congé le vendredi .»

Dans son avis, la Chambre de commerce fait le même constat, en attirant l’attention sur le fait que des entreprises ne peuvent pas arrêter du jour au lendemain leur production et que faire travailler des effectifs un jour férié a un coût financier supplémentaire pour l’employeur, notamment «en raison de la baisse de leur productivité et du renchérissement du coût du travail, et en termes d’organisation interne», peut-on lire dans l’avis de la Chambre de commerce.

Remplacer un jour déjà férié

Mais ce qui semble contrarier le plus du côté du patronat, c’est davantage la méthode. « Je peux comprendre qu’il y a eu une coalition et des négociations autour d’une table et des concessions à faire. Mais s’il y a un prix à payer, j’aimerais au moins pouvoir exprimer mon avis avant la décision […] Personne n’aime que l’on impose des décisions. L’humain est fait comme ça, il n’apprécie pas que l’on change son quotidien sans lui en avoir parlé au préalable », explique Nicolas Buck.

Ce dernier reproche donc au gouvernement de ne pas avoir pris le temps de consulter les corps intermédiaires. Un temps qui, selon le patronat et la Chambre de commerce, aurait pu déboucher sur d’autres solutions.

Dans son avis, la Chambre de commerce propose une autre alternative comme «remplacer un jour férié existant (en mai) par celui du 9 mai, de manière à ne pas renchérir le nombre de jours fériés légaux au Luxembourg».

Une seconde alternative, toujours proposée par la Chambre de commerce, serait de permettre « aux entreprises qui ne peuvent pas chômer le 9 mai de remplacer le jour férié par un ‘jour de congé compensatoire’, comme cela est déjà prévu par le code du travail dans l’hypothèse où un jour férié tombe un dimanche ou un jour non travaillé », souligne Bénédicte Schmeer, conseillère auprès du service Avis et Affaires juridiques de la Chambre de commerce.

Un premier pas, selon l’OGBL

En ce qui concerne le jour de congé supplémentaire, les arguments contre un 26e jour de congé légal sont sensiblement les mêmes, avec ceci de particulier que ce jour de congé supplémentaire aura surtout un coût pour les entreprises et non l’État dans la mesure où les fonctionnaires bénéficient d’ores et déjà de jours de congé dépassant le seuil légal.

La Chambre de commerce demande surtout au gouvernement de revoir sa copie, jugeant le projet de loi relatif à ce jour de congé supplémentaire «trop ambiguë juridiquement».

Du côté des syndicats, et notamment de l’OGBL, ce jour supplémentaire est vu d’un bon œil dans la mesure où les revendications du syndicat portent sur une semaine de congé supplémentaire, soit une sixième. « La dernière fois qu’il y a eu une augmentation du nombre de congés légaux, c’était en 1975», rappelle-t-on du côté de la Maison du peuple à Esch-sur-Alzette, avant d’ajouter en souriant : « Disons qu’avec ce jour de congé supplémentaire, le gouvernement a répondu à un cinquième de notre revendication sur le sujet, c’est déjà un pas dans la bonne direction. »

Jeremy Zabatta