Avant qu’un jouet n’arrive sous le sapin, il aura parfois dû subir des tests sévères. Car il suffit de peu pour qu’il se transforme en cadeau empoisonné.
Ce pistolet a été recalé : la ventouse peut se détacher de la flèche et risquer d’étouffer ou de blesser l’enfant. (Photos : Didier Sylvestre)
Nous sommes allés le vérifier au laboratoire de l’Ilnas. Attention, certains passages pourraient heurter la sensibilité des amis des peluches…
Chutes, chocs, chaleur, humidité, torsions… À Capellen, au laboratoire de l’Institut luxembourgeois de la normalisation, de l’accréditation, de la sécurité et qualité des produits et services (Ilnas), des scientifiques veillent à la sécurité des jouets.
> Petite séance de torture
Désolé Simba, c’est pour le bien des enfants ! Ce lion en peluche est installé sur une vraie machine de torture, une pince fermement accrochée à l’un de ses yeux. « Le but est de simuler la traction d’un petit enfant, ce jouet étant autorisé pour les moins de trois ans », nous explique Orazio Marinilli, responsable laboratoire à l’Ilnas. « Là, je teste à 90 newtons (NDLR : soit l’équivalent d’une traction d’environ 9 kg), durant dix secondes. C’est bon, ça tient », constate-t-il.
Et si l’œil se détache ? Le scientifique doit alors tenter de placer cet élément dans un cylindre qui a le même diamètre que la gorge d’un enfant. Si ça passe, le jouet est recalé : un enfant pourrait avaler la pièce et s’étouffer.
Pour le deuxième test, il pose un pistolet à fléchettes sur une machine : « C’est un appareil de mesure de vitesse, comme ceux de la police balistique, avec lequel on détermine l’énergie cinétique des projectiles ». Pour vérifier que le pistolet n’est pas trop puissant, sortons la calculette : on multiplie la masse du projectile (2,3 grammes) par sa vitesse (10,4 mètres par seconde) au carré, et on divise le tout par deux : 0,13 joule. Validé ! Mais le jouet sera quand même interdit, car la ventouse peut se détacher de la flèche. « L’enfant peut s’étouffer avec, ou être blessé à l’œil par exemple ».
Un dernier test pour la route ? Le scientifique utilise un appareil de mesure de flux magnétique pour vérifier que les aimants de certains jouets ne sont pas trop puissants. « Car si un enfant avale des aimants trop puissants, ils peuvent se coller entre eux et bloquer l’intestin ».
Tout cela fait froid dans le dos, mais c’est nécessaire ! Nous sommes à Capellen, dans un laboratoire de l’Ilnas qui, entre autres, effectue toute l’année des essais mécaniques et physiques en relation avec la sécurité des jouets. « Ici, on étudie l’aspect mécanique et physique des jouets, et l’aspect chimique est étudié au Laboratoire national de santé », précise Romain Nies, chef de service à l’Ilnas. Tests de torsion, de chute, de choc, résistance à l’humidité, au feu, mesure du bruit, de la puissance… Rien ne leur est épargné. Il faut en effet vérifier que les jouets respectent bien les exigences européennes, symbolisées par le fameux logo CE…
> Avertir plutôt que guérir
Pour mener à bien leur mission, les scientifiques travaillent en étroite collaboration avec les douanes, mais aussi avec tout le circuit de distribution des jouets, et enfin avec la base de données Rapex, le système européen d’alerte rapide pour les produits de consommation (à l’exception des denrées alimentaires). « Toutes les semaines, on relaie les bulletins du Rapex vers les grands distributeurs. On demande en retour qu’ils vérifient si les produits sont toujours dans leurs magasins. Si oui, on fait des investigations plus détaillées. Mais souvent, les produits défectueux sont déjà sortis des rayons lorsqu’on les informe ». Car les fabricants (sérieux) ont davantage intérêt à rappeler dare-dare ces produits plutôt que de risquer un scandale sanitaire.
> Le plastique en ligne de mire
Cette année, peu de tests ont été réalisés par le laboratoire de Capellen, car le LNS était en première ligne, explique Romain Nies : « En 2014, la principale priorité a été la sécurité chimique des jouets, notamment la vérification de la présence de certaines substances chimiques toxiques dans les matières plastiques ». Environ « 75 produits ont été testés au LNS, entraînant six interdictions de vente », alors qu’aucun risque majeur n’a été découvert au laboratoire de Capellen.
À chaque fois, le laboratoire fait remonter son rapport au siège de l’Ilnas, à Belval, qui décide alors de la marche à suivre : retrait ou non du produit du marché. « C’est à nous de prouver au fabricant qu’un produit est inadapté ou dangereux », ce qui peut prendre du temps..
> S’amuser en travaillant
On ne va pas se mentir : c’est amusant de tester des jouets (« oui, bien sûr, c’est intéressant et varié », confirme Orazio Marinilli), mais c’est aussi exigeant. La technologie des jouets progresse rapidement, constate Romain Nies, et, surtout, « l’évolution des normes de sécurité européennes est difficile à suivre ». Et il est difficile de sanctionner, puisque plus de 80 % des jouets sont fabriqués en dehors de l’UE.
Quant au « made in Luxembourg », il ne représente évidemment qu’une part infime. Et les jouets artisanaux, par exemple les jouets en bois ? « Ils sont tout autant concernés par les directives européennes. Mais leurs fabricants ne sont pas toujours au courant de la législation, par exemple sur le danger de certains vernis, donc il y a toujours un travail de sensibilisation ».
L’Ilnas sensibilise aussi les commerçants sur le terrain. Exemple : « On est allé à la Schueberfouer ou au marché de Noël pour informer les forains et vendeurs sur la dangerosité de certains jouets ». Et le message est visiblement bien passé, puisqu’il n’y a pas eu de sanctions.
> Au consommateur aussi d’ouvrir l’œil
En conclusion, peut-on affirmer que lorsqu’un jouet arrive entre les mains du consommateur luxembourgeois, tout risque est écarté ? « La responsabilité pour la mise sur le marché des jouets incombe aux fabricants, cependant, notre département de la surveillance veille à ce que les exigences essentielles soient respectées afin de garantir un haut niveau de protection des enfants », assure Romain Nies.
Et cela ne dispense évidemment pas les consommateurs d’être vigilants, en respectant les conditions d’utilisation ou en signalant des défauts. Le risque zéro n’existe pas, il peut toujours y avoir des ratés. D’ailleurs, ajoute-t-il, « le prix n’est pas toujours une indication de qualité, des constructeurs très sérieux font parfois aussi des rappels ». Bref, la confiance ne dispense pas d’une certaine prudence : il revient aussi au consommateur d’ouvrir l’œil pour Noël.
De notre journaliste Romain Van Dyck