Le ministre des Affaires étrangères a présenté, mercredi, sa déclaration sur la politique étrangère. Marquée par la crise sanitaire, l’année 2020 aurait plus que jamais démontré la «fragilité de l’ordre mondial».
L’élection de Joe Biden comme prochain président des États-Unis constitue une lueur d’espoir pour Jean Asselborn, qui officie désormais depuis 16 ans comme chef de la diplomatie luxembourgeoise. Après les quatre années de «désastre» sous la présidence de Donald Trump, le président élu Biden «va s’engager pour rassembler à nouveau les pays sur la scène mondiale, encourager les contacts plus civils entre les nations et développer une plus grande sensibilité pour le droit international». Jean Asselborn s’attend à «une nouvelle énergie dans le partenariat transatlantique. Mais cela ne veut pas dire que tout va changer du jour au lendemain».
Pour renforcer le multilatéralisme, toujours défendu avec la même hargne par le ministre des Affaires étrangères, «nous, les Européens, devons aussi prendre nos responsabilités». Combiné à une administration américaine qui va davantage s’impliquer pour les Nations unies, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mais aussi dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’engagement européen doit contribuer à solidifier une communauté internationale, rendue «plus vulnérable que jamais» par cette année 2020, marquée par la pandémie de coronavirus.
Message envoyé à Erdogan et Johnson
Le Covid-19 a été tiré comme un fil rouge à travers la déclaration sur la politique étrangère et européenne présentée mercredi à la tribune de la Chambre des députés. «Au début de cette année, personne n’était à même de prévoir que l’humanité allait être confrontée à sa plus grave crise depuis la Seconde Guerre mondiale.» Un «tsunami global» aurait déferlé sur la communauté mondiale, déjà fragilisée par le «réveil après une longue hibernation des réflexes nationalistes», les infractions aux principes de l’état de droit, le Brexit, le changement climatique ou encore les multiples conflits armés à travers la planète, y compris aux portes de l’Europe.
Toujours avec l’élection américaine en toile de fond, Jean Asselborn a profité de sa déclaration pour envoyer deux messages sans équivoque au Premier ministre britannique, Boris Johnson, mais aussi au président turc, Recep Tayyip Erdogan. «La mise à l’écart du président américain sortant, grand défenseur du Brexit, devrait amener le Premier ministre et le gouvernement britanniques à cesser de jouer au poker. Le sérieux et la rationalité feraient du bien au Royaume-Uni et à l’Union européenne», lance le ministre des Affaires étrangères. Il en remet une couche pour dénoncer les dérapages de la Turquie sur le plan international. «Le changement à la Maison-Blanche ne va pas plaire à M. Erdogan. Il serait extrêmement important de rappeler à l’ordre la Turquie, membre de l’OTAN», clame Jean Asselborn, en dénonçant les opérations turques au Nagorny Karabakh.
Un plan pandémie pour la Grande Région
Loin de la scène mondiale, le Luxembourg a été confronté à des fermetures de frontières en raison de la crise sanitaire. L’avenir de l’espace Schengen, qui a d’ailleurs fêté ses 25 ans le 26 mars dernier, a été remis en question. «Ces derniers mois ont constitué une grave atteinte au vivre ensemble dans la Grande Région. Désormais, il faut tout faire pour rétablir la confiance autour de frontières ouvertes», note Jean Asselborn. Il annonce qu’un plan pandémie sera élaboré à l’échelle de la Grande Région. «Nous devons ancrer plus fortement le concept de la communauté frontalière à l’échelle européenne», insiste le ministre.
En cette année 2020, également marquée par le 75e anniversaire de la libération du Grand-Duché du joug nazi, «il est de notre devoir, en tant que Luxembourgeois et Européens, d’annoncer la couleur, de ne pas faire preuve d’indifférence». «Le multilatéralisme, sous le feu des critiques, reste la meilleure approche pour régler les problèmes auxquels on est confronté», conclut le chef de la diplomatie luxembourgeoise.
David Marques