Le Covid Check désormais obligatoire sur leur lieu de travail n’y a rien changé : Angélique et Salhia refusent la vaccination et n’ont pas l’intention de plier. Le récit de leur cheminement apporte un éclairage sur ces non-vaccinés, nombreux, qui ne se sentent pas représentés par le «mouvement antivax».
Pour Angélique*, 46 ans, assistante dans un cabinet dentaire au sud du pays, le Covid Check au travail s’est imposé dès les premiers jours de janvier, quand le dentiste a décidé d’instaurer le régime 3G pour son personnel comme pour ses patients. Seule membre de l’équipe à ne pas avoir reçu le vaccin, cette mère de famille frontalière se rappelle avoir ressenti une forme d’humiliation, mais insiste : «Le climat est toujours resté bienveillant. Je peux aborder le sujet ouvertement avec mes collègues sans être pointée du doigt.»
Chaque matin, avant de prendre son poste, elle effectue donc un autotest, en présence du médecin-dentiste, habilité à le certifier conforme : «une chance», reconnaît-elle, alors qu’elle s’était déjà préparée au pire. «J’avais envisagé l’éventualité d’être mise à pied. J’étais prête à l’accepter, même si les répercussions auraient été lourdes financièrement», soupire-t-elle. «Comme j’ai une activité complémentaire de massages shiatsu, je m’étais dit que ce serait l’occasion de me lancer pour de bon.»
J’ai été en colère et déçue qu’on nous rejette comme des pestiférés
La méfiance d’Angélique envers les vaccins ne date pas de la pandémie de Covid. La jeune femme a toujours eu des réticences, que ce soit pour elle ou pour ses enfants. Finalement, ils ont tout de même reçu l’ensemble des vaccins obligatoires, et même certains facultatifs : «C’est leur papa qui a géré ça», raconte-t-elle. Lui s’est fait vacciner… sans le dire à sa femme, «sans doute pour éviter le débat», s’amuse-t-elle. Et son fils aîné a également reçu l’injection, mais seulement «pour qu’il puisse continuer à avoir une vie sociale, pas par peur du virus», précise Angélique.
Et c’est bien ça qui l’agace. Cette cascade de mesures sanitaires qu’elle juge incohérentes et injustes : «Au début, j’ai été en colère qu’on nous impose ça, et déçue aussi, qu’on nous rejette comme des pestiférés», regrette-t-elle. «Aujourd’hui, je fais avec, mais je reste opposée à la vaccination.» Pour cette adepte des médecines alternatives qui privilégie depuis longtemps les remèdes naturels aux médicaments, impossible d’envisager de se faire injecter ce cocktail chimique : «J’ai plus peur du vaccin que du virus», tranche-t-elle, alors que ces derniers mois, le Covid n’a pas épargné ses proches.
Sa belle-mère, âgée de 84 ans, contaminée en maison de soins lors de la première vague, a été emportée par l’épidémie. Plus récemment, ce sont sa tante et son oncle, tous deux âgés de 70 ans et non vaccinés, qui ont développé une forme grave à laquelle ils ont heureusement survécu. Pourtant, si le vieil homme souhaite prochainement recevoir sa première dose, ce n’est pas le cas de son épouse, qui campe sur ses positions.
Pas de quoi faire vaciller Angélique, qui fait elle-même partie des «personnes vulnérables» en raison d’un asthme pour lequel elle suit un traitement : «Je ne me considère pas comme à risque. Je suis en bonne santé ! Ce vaccin arrive trop vite, j’ai l’impression qu’on est des cobayes», confie l’assistante dentaire, qui n’accepte pas pour autant qu’on l’associe au «mouvement antivax». «Je les trouve perchés, ça va vraiment trop loin. Je n’adhère pas du tout à ça», ajoute-t-elle, précisant qu’elle a vu des vidéos des manifestations violentes à Luxembourg et que «ces dérives» l’ont choquée.
Ce bouillonnement, cette colère qui s’étale sur les réseaux sociaux et dans les groupes de discussion, Salhia, 53 ans, la ressent profondément. Si cette employée de commerce à Luxembourg-Gare craint les effets secondaires liés au vaccin, «en particulier ceux qu’on ne connaît pas encore», elle peste surtout contre les politiques et les médias. Au début de la crise sanitaire, elle se souvient avoir eu peur, «comme tout le monde». «Je suivais les infos 24 heures sur 24, à la télévision et sur le web. Je ne parlais plus que de ça! Toute cette psychose m’atteignait beaucoup», se souvient-elle.
Scrupuleusement, elle se conforme alors à toutes les restrictions sanitaires, applique absolument tous les «gestes barrières». Et puis, peu à peu, la quinquagénaire se lasse d’être ainsi «infantilisée» et s’avoue perdue : «Les mesures prises en France où je réside, n’avaient rien de logique ni de cohérent. Et certaines étaient complètement infondées : il était interdit de sortir plus d’une heure, même en pleine nature sans personne autour», déplore Salhia, de plus en plus confuse face aux médecins et scientifiques qui se contredisent entre eux sur les plateaux.
J’ai pris rendez-vous pour le vaccin. Mais finalement, je n’y suis pas allée
Elle a soudain du mal à comprendre pourquoi, alors que le virus est décrit comme très dangereux, «il est conseillé de rester chez soi en cas de symptômes, et de se contenter d’attendre que ça passe avec un Doliprane» ou encore «le fait qu’on puisse remplir soi-même son attestation de sortie». Salhia finit par penser que tous les efforts qu’elle a consentis jusque-là pour se prémunir sont démesurés et perd la confiance placée dans les autorités.
Ainsi, quand vient le temps de se faire vacciner, elle n’est plus si sûre que le Covid soit une si grande menace. Elle hésite, alors même que certaines de ses connaissances, déjà fragilisées, décèdent : «J’ai pris rendez-vous. Mais entretemps j’ai beaucoup lu sur la vaccination et finalement, je n’y suis pas allée», confie-t-elle, désormais persuadée que l’ennemi, c’est le vaccin, «comme l’assurent des personnalités du monde médical, dont un ancien prix Nobel qu’on traite aujourd’hui comme un charlatan».
«Par obligation», dit-elle, toute sa famille est vaccinée. Y compris son mari, diabétique : «C’est son choix et je le respecte», commente Salhia, qui n’a pas l’intention de changer d’avis, malgré le durcissement des mesures. «Je m’étais dégagé un budget mensuel de plusieurs centaines d’euros pour les tests du Covid Check au travail. Je ne bois pas, je ne fume pas, mais je sauve ma peau», lance celle qui se considère comme «chanceuse» puisqu’elle a contracté le covid en fin d’année, ce qui l’exempte de test pour les six prochains mois. Après cette période, elle l’assure, si le Covid Check est toujours en vigueur en entreprise, elle n’hésitera pas à payer ses tests : «J’ai trop peur de cette piqûre», conclut-elle.
Quant à Angélique, qui pourrait bientôt tomber sous le coup de l’obligation vaccinale pour les professionnels du secteur de la santé, elle ne sait pas encore comment elle réagira : «J’en parlerai avec mon patron, je m’orienterai peut-être vers un autre poste», murmure-t-elle.
* Prénom d’emprunt.
Merci pour cet article bien-veillant. Cela change de ceux à charge contre les pestiférés de notre époque. (Je ne parle pas de votre journal, mais en général).
Révoltant ! Dentiste + assistante ! A boycotter