Ce n’est pas le Luxembourg qui peut donner le meilleur exemple en matière de performance de son Inspection du travail et des mines. La carrière d’inspecteur du travail n’existe pas et la formation laisse à désirer. Les expériences des uns et des autres étaient les bienvenues, car tous les inspecteurs sont confrontés aux mêmes problèmes en Europe.
Il n’est pas tendre quand il dresse l’état des lieux de l’Inspection du travail et des mines (ITM). Le ministre du Travail, Nicolas Schmit, qui assistait, jeudi matin, à la réunion du Comité européen des hauts responsables de l’inspection du travail (institué par la Commission européenne), sait qu’il va encore fâcher du monde quand il déclare que « ce n’est pas de cette manière que l’on gère un État moderne ». Il fait référence au mode de recrutement des inspecteurs du travail qui atterrissent dans les services de cette administration sans formation particulière. « Bien souvent, quand les résultats de ses examens ne lui permettent pas de rejoindre le département et le service de son choix, il peut débarquer à l’ITM et être envoyé une semaine plus tard sur un chantier où un accident vient de se produire », raconte Nicolas Schmit, dans les coulisses du centre de conférence au Kirchberg.
Le ministre vient de s’adresser à la presse avec, à ses côtés, le directeur de l’ITM, Marco Boly, en charge de mener la nécessaire réforme de l’ITM. Les expériences et les pratiques en vigueur dans les autres pays européens sont les bienvenues et hier, pour cette 69 e réunion des inspecteurs du travail à l’échelle européenne, c’est autour du thème «recrutement et formation des inspecteurs» que les discussions se sont concentrées. Une carrière qui n’existe pas en tant que telle au Grand-Duché, contrairement à la France par exemple.
Le problème du recrutement et surtout de la formation reste entier au Luxembourg. Le directeur de l’ITM, Marco Boly, a insisté sur la formation continue tout au long de la vie (Life Long Learning), indispensable « dans un monde du travail aujourd’hui transformé ».
Des inspecteurs version 2.0
Si l’Europe vise le triple A social, elle doit d’abord soigner ses inspecteurs. « Il faudra donner aux inspections du travail les compétences et les outils pour remplir leur mission dans ce monde du travail transformé », plaide Nicolas Schmit, qui remercie l’ITM d’avoir pris l’initiative d’organiser cette réunion à l’occasion de la présidence luxembourgeoise. « C’est une initiative qui cadre bien avec l’Europe sociale et l’Europe sociale, c’est mon dada », reconnaît-il. Elle se construit « par petits pas », mais « concrètement » et la formation des inspecteurs en est un exemple concret.
« Nous avons eu une longue discussion sur la mobilité et ses aspects les plus discutables », indique le ministre du Travail, citant le non-respect des règles sociales et le dumping qui en découle. « Il y a aussi ces faux indépendants qui se développent, ces « salariés autoemployeurs » dont la relation de travail est difficile à cerner. Je citerais encore le temps de travail, difficile à définir quand les gens font du télétravail par exemple », poursuit le ministre.
Autant de problèmes que partage l’ensemble des inspecteurs sur le territoire de l’Union. Ils sont d’ailleurs tous confrontés au passage à la nouvelle économie, l’ère du numérique qui succède à l’ère industrielle. «Il n’y a pas de modèle unique, car les cultures et les économies sont différentes en Europe. Il n’y a pas d’inspection du travail en Suède, par exemple, car ce sont les syndicats qui assument cette charge» , illustre Nicolas Schmit.
Tous les inspecteurs du travail, cependant, doivent avoir des compétences au niveau de « la médiation, des compétences sociales et une formation de base. Nous avons besoin de bien plus qu’un examen d’État », insiste Marco Boly qui émet le vœu pieu de voir se créer au Luxembourg une carrière spécifique.
Sur ce dernier point, Nicolas Schmit s’est montré plus hésitant tout en admettant « qu’être fonctionnaire en tant que rédacteur au ministère des Affaires étrangères, ce n’est pas la même chose qu’inspecteur du travail ». Il s’agit de carrières moyennes, donc du même examen-concours. Récemment, Dan Kersch, ministre de l’Intérieur et de la Fonction publique, a indiqué que cet examen comporterait à l’avenir une épreuve commune et une seconde épreuve correspondant à l’affectation souhaitée. Un double examen qui répondra dans un premier temps aux attentes de Marco Boly. Quant à la carrière d’inspecteur du travail, « ce sera peut-être l’aboutissement », conclut Nicolas Schmit.
Geneviève Montaigu