Une campagne «Rethink your clothes» vient d’être lancée au Luxembourg, afin de sensibiliser le grand public aux pratiques de l’industrie textile.
Et si on implantait une filière textile au Luxembourg ? Mais attention, pas avec les conditions de travail que l’on connaît ici, non ! Avec celles qui échoient en Asie. Voilà donc des salariés exposés quotidiennement sans protection aux pesticides et autres substances toxiques, rémunérés 50 euros par mois, harcelés, à la santé ruinée dès 30 ans… Ah, et au passage, la Moselle serait… rouge ou vert pomme.
«On dit que pour connaître la couleur qui sera à la mode l’année prochaine, il faut regarder la couleur des fleuves en Chine», a ironisé Jean-Louis Zeien, président de Fairtrade Lëtzebuerg, qui a choisi cette projection d’une industrie textile délétère dans nos contrées pour pointer les risques de violation des droits de l’homme et de pollution bien réels qui frappent la longue et complexe chaîne d’approvisionnement de cette filière.
Le secteur crée de l’emploi – environ 60 millions de personnes travaillent pour fabriquer nos vêtements, dont 70% en Asie. Mais les conditions de travail sont souvent indignes et l’impact sur l’environnement particulièrement néfaste. Afin d’y sensibiliser l’opinion, le ministère des Affaires étrangères a donc mandaté deux ONG, Fairtrade Lëtzebuerg et Caritas Luxembourg, pour mettre en place la campagne «Rethink your clothes».
Ateliers, conférences, foire aux vêtements seront ainsi organisés tout au long de la campagne, qui s’étendra jusqu’en 2019. La première manifestation se déroulera le 24 avril à partir de 11h30, place d’Armes à Luxembourg, pour commémorer les cinq ans de la catastrophe du Rana Plaza, cet immeuble de Dacca, au Bangladesh, qui abritait des ateliers de confection de vêtements pour des marques internationales et dont l’effondrement a fait plus de 1 100 morts.
Dix mille litres d’eau pour un jean
«Nous souhaitons mener une campagne positive. Il ne s’agit pas de décourager les gens mais de leur expliquer ce qui se passe dans toute la filière pour les rendre attentifs sur les questions sociales et environnementales. Il faut, par exemple, 10 000 litres d’eau pour fabriquer une paire de jeans ! Nous souhaitons aussi développer des crèches dans les entreprises, car les enfants sont livrés à eux-mêmes, dans la rue, dès leur plus jeune âge, avec tous les risques que cela comporte, pendant que les parents s’affairent à l’usine», a précisé Marie-Josée Jacobs, présidente de Caritas Luxembourg.
«L’OMS estime que 22 000 personnes meurent chaque année du fait des pesticides dans les productions de coton, a ajouté Jean-Louis Zeien. Le commerce équitable impose plusieurs critères : interdiction d’utiliser des OGM, garantie d’un prix minimum d’achat, interdiction absolue du travail des enfants, respect des normes internationales de travail… Petit à petit, nous essayons d’imposer également le référentiel GOTS, label bio le plus strict.»
Fairtrade Lëtzebuerg compte en outre établir prochainement une cartographie des acteurs du commerce équitable, afin que les consommateurs puissent véritablement devenir des «consommacteurs» et influer sur le secteur.
Tatiana Salvan
Une tendance à l’évolution des mentalités
Selon une récente étude TNS Ilres, les critères éthiques jouent en effet encore un rôle marginal lors de l’achat d’un vêtement. Seuls 9% des sondés prêtent attention aux conditions de production. Un désintérêt probablement dû en partie à une communication faible et à un manque d’offre.
La plupart des sondés sont en effet conscients d’avoir leur part de responsabilité, au même titre que les institutions publiques et entreprises privées. 55% assurent même qu’ils n’achèteraient plus leur marque préférée s’ils apprenaient qu’elle imposait des conditions de travail inhumaines.
Acheter moins et mieux passe aussi par une utilisation plus longue de ses vêtements. Leur recyclage (tri sélectif, dons, transfert à un tiers) semble en tout cas bien intégré dans les mentalités. Même si jeter ses vêtements à la poubelle demeure une option pour un tiers de la population.