L’arrivée d’Uber en Lorraine représente-t-elle une menace pour les chauffeurs de taxi luxembourgeois ? La réponse est clairement non !
Après Strasbourg, Uber s’est installé à Metz et à Nancy cette semaine. Doucement, la compagnie de VTC se rapproche du Luxembourg et d’un public habitué aux chassés-croisés d’un côté à l’autre de la frontière. De là à débarquer au Luxembourg, il n’y a qu’un saut de puce.
Un saut de puce qu’Uber ne serait pas prêt à franchir. Selon sa directrice de la communication, Rym Saker, il n’y aurait «actuellement aucun projet de lancement au Luxembourg». Et non sans raison. Le principe même de l’entreprise ne correspond pas aux normes sociales et aux taxes appliquées au Grand-Duché. Une première approche en 2016 était déjà tombée à l’eau.
Uber est une application mobile qui met en relation directe les utilisateurs avec des voitures de tourisme avec chauffeur. Les conducteurs utilisent leur propre véhicule pour conduire des passagers dans leur région. La réservation s’opère directement depuis le smartphone à l’aide de la géolocalisation. Les prix sont plus abordables que ceux des taxis, car Uber fonctionne selon ses propres règles, contrairement aux taxis dont la profession est réglementée de même que les tarifs. «Si nous ne devions pas payer de taxes ni de sécurité sociale, comme c’est le cas des chauffeurs Uber, nous pourrions pratiquer des tarifs plus avantageux», commente Olivier Gallé, président de la nouvelle Alliance luxembourgeoise des taxis, voitures de location et ambulances (Altva). «La société Uber se moque des conditions de travail de ses chauffeurs du moment qu’ils rapportent de l’argent.»
Un point qui avait amené François Bausch, ministre en charge des transports, à exprimer clairement en 2016 son désaccord avec l’implantation d’Uber au Luxembourg : «Je m’oppose à tout travail non déclaré ou aux travailleurs indépendants sans sécurité sociale. La révolution digitale ne doit pas se faire aux dépens de la sécurité sociale. Une distinction claire et nette doit être maintenue entre les différents services Uber et les taxis traditionnels qui ne répondent pas à la même réglementation.»
Une pétition en faveur d’Uber
Olivier Gallé lui emboîte le pas : «Nous ne sommes pas opposés à la venue de ce service au Luxembourg, du moment qu’il s’en tient aux règles en vigueur ici. Ce serait une concurrence, mais encore faudrait-il qu’elle survive. Les YellowCabs de l’ACL ont tenu deux ans.»
Les représentants des taxis sont sereins. Les véhicules Uber pourront entrer sur le territoire luxembourgeois pour conduire quelqu’un depuis la France, mais ne pourront pas y travailler. «Le Luxembourg a passé un accord de principe avec ses pays voisins. Comme les taxis étrangers, les Uber ne peuvent pas prester de services sur notre territoire», explique Olivier Gallé. Ils doivent donc regagner la France à vide.
Depuis 2016, Uber s’est installé à Strasbourg, Nancy et Metz et une pétition a été déposée à la Chambre des députés demandant la «permission pour des sociétés de transport similaires à Uber d’opérer au Grand-Duché». Son auteur indique que les tarifs des taxis luxembourgeois sont «parmi les plus élevés du monde entier» et qu’ «un tel service ouvrirait la compétition pour les sociétés de taxis ce qui diminuerait les coûts pour les consommateurs, réduirait le nombre de conducteurs alcoolisées et le risque d’accidents».
Un tel service existe déjà au Grand-Duché. Il s’agit de Taxiapp.lu qui, contrairement à Uber, emploie des chauffeurs professionnels de taxi luxembourgeois et dispose d’autorisations ministérielles. Les chauffeurs sont tous déclarés et titulaires d’une licence d’exploitation de taxi. Ils reversent entre 5 et 10% du prix des courses effectuées aux fondateurs de l’application. Controversée dès son lancement et traitée d’«Uber déguisé», elle avait pu compter sur le soutien de François Bausch.
La venue d’Uber au Grand-Duché semble antinomique avec son principe même de fonctionnement et le gouvernement, au nom des valeurs sociales luxembourgeoises, n’est pas prêt à appeler Uber.
Sophie Kieffer