Gestionnaire de la Croix-Rouge luxembourgeoise au Niger, Alexander Jacoby explique la situation sur place.
L’insécurité au Niger est omniprésente. Elle est tout d’abord liée à la présence de groupes armés au nord, dans les régions de Tillabéri et Tahoua, et à celle de Boko Haram dans le sud-est du pays, dans la région de Diffa principalement. Elle est aussi alimentaire et climatique. Résultat, le Niger est considéré par l’Organisation des Nations unies comme étant l’un des pays les plus vulnérables au monde. La Croix-Rouge luxembourgeoise, comme d’autres organisations et associations humanitaires internationales, est sur place depuis 2012.
«La situation est très complexe. Le désert avance et la zone sahélienne est de plus en plus sèche. On ajoute à cela une croissance démographique impressionnante, une crise alimentaire chronique, l’arrivée de réfugiés du Mali à l’est et du Nigeria au sud et des conflits armés dans plusieurs régions», indique Alexander Jacoby, le gestionnaire des projets de la Croix-Rouge luxembourgeoise au Niger. «Dans un premier temps, nous étions sur place pour faire face à l’afflux de réfugiés maliens au nord-ouest du Niger. Nous sommes également intervenus après des inondations à Gaya (sud-ouest).» En 2015, les régions de Tillabéri, Tahoua et Diffa ont été mises en état d’urgence. Elles le sont toujours aujourd’hui.
Jusqu’à 50°C en journée
Et la Croix-Rouge luxembourgeoise est plus précisément présente dans la région de Diffa. «À partir de 2013, Boko Haram sévissait au Nigeria, des réfugiés nigérians ont fui vers Diffa et, à l’intérieur du Niger, on compte également de nombreux déplacés à cause des conflits armés internes, note Alexander Jacoby. Aujourd’hui, à Diffa, qui compte à la base 500 000 habitants, quelque 150 000 déplacés internes et 100 000 réfugiés nigérians se retrouvent sans rien dans le désert.»
Il poursuit en soulignant qu’«ils s’installent tous le long d’environ 150 kilomètres de la route nationale 1, sur des sites non organisés au milieu du désert et qui sont en train aujourd’hui de se stabiliser». Reconnue mondialement pour la construction d’habitats d’urgence, la Croix-Rouge luxembourgeoise opère dans la région de Diffa.
«La journée, la température peut atteindre les 50°C et les nuits peuvent être fraîches, nous avons donc dû créer un abri spécifique sur le modèle des Touaregs, explique le gestionnaire de projets de la Croix-Rouge luxembourgeoise au Niger. Nous avons une approche participative et il peut être construit par la population elle-même. Il se compose de piliers en métal, de tubes en PVC pour la structure, de nattes végétales pour la couverture et de bâches en plastique pour le toit. Un abri peut accueillir six personnes et coûte environ 250 euros. Sa durée de vie est d’au moins une année. Depuis 2015, nous en avons fourni plus de 16 000 dans la région de Diffa.»
L’insécurité « pour nous aussi »
Une chaîne logistique a dû être mise en place pour livrer les matériaux. «Le travail des humanitaires sur place est dangereux, souligne Alexander Jacoby. Nous ne sommes pas escortés et neuf humanitaires ont été enlevés dans le Nord-Est. Pour le moment, aucun de nos convois n’a été attaqué. Mais l’insécurité est là pour nous aussi.» À Diffa, les volontaires de la Croix-Rouge assurent également la distribution des latrines (2500 depuis 2015) et ils ont installé deux forages pour l’eau potable. Plus de 1700 maisons en banco (argile) ont aussi été construites.
En 2018, la Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes de la Commission européenne (ECHO) et UK Aid ont soutenu l’action de la Croix-Rouge luxembourgeoise à Diffa avec un montant d’un million d’euros, permettant la distribution de 1900 abris et 1 900 latrines.
Le ministère des Affaires étrangères et européennes a, pour sa part, octroyé un montant de 388 000 euros pour la distribution de 400 abris et de 400 latrines, ainsi que pour la plantation d’arbres et pour des activités de gestion des déchets et de protection des jeunes. «Il y a une dynamique de développement qui se crée dans la région, conclut Alexander Jacoby. Mais les besoins sont toujours énormes et l’urgence reste une réalité.»
Guillaume Chassaing