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Hôpitaux : les médecins veulent leur part de pouvoir


Pour le Dr Alain Schmit, le président de l'AMMD, «la motivation fondamentale» de la nouvelle loi hospitalière, dévoilée il y a 15 jours par la ministre de la Santé, «est de nature économique». (photo Hervé Montaigu)

La gouvernance hospitalière telle que présentée dans le projet de loi sur les hôpitaux fait toujours bondir les médecins. Ils veulent avoir voix au chapitre, et pas seulement être consultés.

Ils souhaitent un pouvoir partagé, ce que ne leur donne pas le projet de loi présenté le 13 septembre dernier par la ministre Lydia Mutsch. Cette gouvernance hospitalière donne beaucoup trop de pouvoir au directeur général, selon l’AMMD, qui revendique l’implication des conseils médicaux dans les processus décisionnels.

Son avis était attendu. Et l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) a pris le temps d’une consultation avec l’ensemble des conseils médicaux des différents établissements avant de s’exprimer d’une seule et même voix sur le projet de loi relatif aux établissements hospitaliers et à la planification hospitalière présenté il y a deux semaines par la ministre de la Santé, Lydia Mutsch.

Alors que la ministre affirmait que le texte visait «à faire progresser la coopération entre les différents prestataires de soins en milieu hospitalier pour utiliser de façon plus efficiente les ressources disponibles afin d’offrir une qualité de soins qui bénéficie à tous les patients en milieu hospitalier», l’AMMD le juge sévèrement.

Selon les médecins, le texte met au contraire en avant une médecine «bureaucratique, normative et impersonnelle». Des mots qui claquent dans la bouche du Dr Alain Schmit, président de l’association. Le projet de loi donne un trop grand pouvoir au directeur général, alors que les conseils médicaux demandent à ce qu’il soit partagé.

Les médecins n’ont qu’une voix consultative, «alors que les conseils médicaux ont un rôle essentiel à jouer, ils sont des interlocuteurs privilégiés et légitimes», déclare fermement le président de l’AMMD.

Mercredi, lors d’une conférence de presse, les représentants des différents conseils médicaux aux côtés de l’AMMD ont livré un résumé de leur avis de 30 pages qui mène une charge contre une gouvernance hospitalière «dirigée contre les médecins» et «qui finira par opprimer les intérêts légitimes de leurs patients», précise l’avis.

Les médecins sont remontés comme des coucous contre l’article 32 du projet de loi qu’ils jugent «inacceptable». Cet article qui définit le rôle du directeur général leur donne de l’urticaire tant ils estiment démesuré l’étendue de ses pouvoirs sans qu’ils puissent formellement s’y opposer. Ainsi, selon le projet de loi, le directeur prend les décisions dans le domaine de la stratégie d’établissement, de la qualité, des finances, de la gestion du patrimoine et de la politique sociale. Il dispose en outre d’un pouvoir de nomination des médecins liés à l’établissement hospitalier non sans avoir demandé son avis au conseil médical.

La belle affaire. Trop peu pour les médecins qui veulent leur part de pouvoir, c’est-à-dire une implication «effective et permanente» dans l’élaboration des organigrammes médicaux, les nominations des médecins ainsi que l’organisation médicale et l’attribution des différentes ressources humaines ou matérielles. Ils veulent également désigner eux-mêmes les médecins coordinateurs qui seraient leur voix auprès de la hiérarchie. Ils veulent encore avoir accès aux données clés sur l’activité et l’organisation médicale, et une présence obligatoire au sein du conseil d’administration des établissements. Toute directive touchant l’organisation médicale doit être validée par le Conseil médical.

La relation de confiance mise en péril

«C’est dans l’intérêt des patients que nous défendons notre indépendance et la liberté thérapeutique», souligne le Dr Alain Schmit. Cette loi, selon lui, va faire en sorte que le patient «se retrouve orphelin face à un médecin téléguidé par une administration en autogestion qui elle est sans lien direct avec le patient concerné».

L’AMMD craint que la relation de confiance entre le patient et le médecin soit mise en péril par des atteintes à la liberté thérapeutique. «C’est cette relation de confiance qui, pour nous, est essentielle. Elle est clairement mise en péril par des démarches administratives, des standardisations et des procédures prévues dans ce texte», précise le président de l’AMMD. Il estime que «la motivation fondamentale de ce projet de loi est de nature économique. Or une politique de restriction budgétaire visant à faire des économies aux dépens de patients est déontologiquement et moralement inacceptable pour les médecins.»

Geneviève Montaigu