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Henri Kox au secours de la police grand-ducale


Le ministre appelle de ses vœux une police de terrain et de proximité efficace et prête à relever les défis d’un pays en constante expansion. (archives Fabrizio Pizzolante)

Dans un esprit de transparence et d’ouverture, le ministre de la Sécurité intérieure a livré vendredi sa vision d’une police moderne et proche des citoyens et dévoilé les moyens de la concrétiser.

Criminalité et insécurité dans le quartier Gare à Luxembourg et ailleurs dans le pays, vives tensions avec son syndicat national (SNPGL)… La police grand-ducale est dans le viseur de la critique depuis un certain temps et son fonctionnement est remis en question. Alors que les policiers accumulent les heures supplémentaires, des communes, à l’image de la Ville de Luxembourg, engagent des entreprises de sécurité pour pacifier les rues. Un camouflet pour une institution qui semble faire ce qu’elle peut avec les moyens du bord et digère les critiques. Bien que loin de la «police de papa», la police grand-ducale a quand même besoin d’un coup de jeune. Entre deux visites sur le terrain, le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox, le peaufine en coulisses. 

La police n’est pas la solution à tout, c’est une partie de la solution, un rouage, estime le ministre, mais pour pouvoir exécuter au mieux sa part de travail, la police grand-ducale a besoin de modernité et de sang neuf. Car si le pays n’a cessé d’évoluer depuis la réforme de la police en 2000, l’institution, elle, est, en fin de compte, restée figée dans le temps. Vendredi matin, Henri Kox a fait le constat d’une police pleine de volonté de servir la population au mieux malgré un manque évident de moyens humains ainsi que de technologiques et d’infrastructures modernes. Une situation appelée à évoluer rapidement, a assuré le ministre qui cherche à rattraper les retards pris ces vingt dernières années. Henri Kox veut une police moderne et proche des citoyens.

Cette réforme passe par le dialogue, mais avant tout par un recrutement important. Vingt policiers sont d’ores et déjà venus grossir les rangs du commissariat de police du quartier Gare de Luxembourg qui comptait une cinquantaine d’agents. «Pour qu’un seul policier soit présent 24 heures sur 24 et sept jours sur sept dans un quartier, il faut 5,2 policiers, précise le ministre. Donc pour une patrouille, on multiplie par deux.» 

Digitalisation et recrutement

Six cent vingt nouveaux policiers seront engagés avant 2026 et 240 personnels civils. Le but est de passer de 2 450 emplois actuellement à 3 150 dans les cinq ans à venir. Une première salve de 200 aspirants devrait intégrer l’école de police d’ici le mois de mai prochain. Plus de 800 personnes ont passé les tests de recrutement et seuls les meilleurs ont été retenus étant donné que la nouvelle école de police à Kalchesbruck ne peut pas accueillir plus d’élèves. Trois sessions de recrutement seront organisées. «Comment voulez-vous qu’une école qui a entre 60 et 70 candidats par an absorbe 500 candidats d’un coup ?, interroge Henri Kox. Je ne veux pas d’une police engagée par nécessité envoyée sur le terrain sans formation adéquate parce qu’il faut combler les manques d’effectifs.» Une nouvelle école a été créée à cet effet pour remplacer l’ancienne école au Verlorenkost à Luxembourg et le contenu des formations revu. «Les effectifs de la police vont augmenter d’un tiers. Il va falloir intégrer ces nouveaux effectifs doucement, mais aussi adapter le travail du terrain en parallèle.»

Car il ne suffit pas d’engager des hommes et de leur donner un uniforme. Il faut aussi leur donner les moyens d’appliquer ce qu’on leur a appris et de bien faire leur travail au service du citoyen. Outre la remise en état des commissariats, voire la construction de nouveaux bâtiments, les policiers vont pouvoir compter sur de nouveaux outils, entre autres digitaux. «Une quarantaine de projets courent en parallèle», indique le ministre. Ils doivent permettre d’uniformiser le travail des policiers et de leur faire gagner du temps, comme un programme qui sera disponible en juillet prochain et qui se chargera de la gestion des horaires de travail des unités. «Chaque commissariat travaillera enfin selon les mêmes méthodes», note le ministre. Un portail informatique central sera également mis en œuvre au mois de septembre prochain et les policiers et les enquêteurs seront équipés d’appareils portables de dernière génération jusque dans les véhicules de police au deuxième semestre prochain. 

Des adaptations qui rendront leur travail plus efficace et qui ouvrent la voie à une nouvelle manière de travailler que le ministre nomme «remise/reprise». Un projet pilote est en cours depuis le début de l’année dans le quartier Gare. Inspiré de pratiques en cours dans la police française, il permet à une équipe de reprendre un dossier juridique commencé par une autre. «Une patrouille qui tombe sur une affaire à la fin de sa garde risque de faire des heures supplémentaires si elle la traite complètement. L’équipe qui la relève peut reprendre le dossier, explique Henri Kox. Les policiers de terrain peuvent y rester plus longtemps et des policiers spécialisés peuvent traiter les dossiers dans les commissariats.» Les policiers sont déchargés du travail administratif et peuvent montrer davantage de présence sur le terrain. 

Des dossiers à l’étude

Outre cette partie bientôt visible des réformes qui attendent les forces de l’ordre, le ministre de la Sécurité intérieure a lancé diverses études, rapports et notes en préparation pour continuer à faire évoluer le travail de la police grand-ducale et aider à résoudre les divers problèmes liés à la criminalité. La loi de 2018 sur la police grand-ducale concernant le périmètre de sécurité et l’injonction d’éloignement doit être adaptée, de même que la loi de 2002 sur les activités privées de gardiennage et de surveillance et les compétences des agents municipaux. Le ministre insiste : «L’ordre public ne peut être garanti que par une force publique placée sous le contrôle des principes de droits d’une démocratie, donc les autorités judiciaires. D’où l’importance de l’inspection générale de la police.» L’IGP a été chargée par le ministre de réaliser une enquête sur les activités des agents de gardiennage en activité dans «cinq ou six communes luxembourgeoises».

Le ministre est conscient de se trouver face à un certain nombre de chantiers, de devoirs et de rendez-vous pour tenter de comprendre la situation et prendre les décisions les plus adaptées au terrain. «Je voulais dresser un bilan de six mois de mandature, montrer les défis auxquels je suis confronté», conclut le ministre qui ne veut pas d’une police violente, mais d’une police capable de régler les défis de la société à laquelle elle appartient de manière adaptée et sans recours systématique à la force et à la brutalité.    

Sophie Kieffer