Selon les chiffres du ministère de l’Économie, la supposée «flambée des prix» du carburant n’est pas due à la taxe carbone. Sur une hausse du litre d’essence de 20 centimes d’euros, seuls 6 centimes sont à imputer à ce nouveau mécanisme de lutte contre le changement climatique.
Le CSV est venu dénoncer mardi à la tribune de la Chambre la «flambée des prix» du carburant. Le député Gilles Roth avait sorti sa calculette. Depuis janvier, le prix du mazout a augmenté de 15%, celui de l’essence et du diesel entre 10 et 11%. Entre mai 2020 et ce début de juin 2021, l’essence a augmenté de 89 centimes d’euro pour atteindre 1,30 euro le litre. Le plein coûterait ainsi 20 euros de plus et donc jusqu’à 1 500 euros de plus sur 12 mois pour une personne roulant entre 15 000 et 20 000 km par an. Avec le mazout qui a augmenté de 33 centimes d’euros sur une année, la facture pour 3 000 litres serait majorée de 1 000 euros. Soit un surcoût de 2 500 euros.
Fred Keup (ADR) a fait un calcul semblable sur la seule hausse des prix depuis janvier. Résultat : un surcoût de 1 000 euros en carburant pour 2 voitures et 500 euros pour le mazout.
Sur les réseaux sociaux, la conclusion est vite tirée : la taxe carbone, introduite depuis janvier, est coupable de cette augmentation des prix. L’ADR partage cette position et a réclamé en vain, mardi, la levée de cette taxe dès 2022. Le CSV reste lui favorable à une taxe carbone, davantage sur le fond que sur la forme.
Des prix plus élevés par le passé
Selon des chiffres livrés par le ministère de l’Économie, la taxe carbone ne représente toutefois que 5 centimes d’euros sur la hausse de 20 centimes par litre d’essence enregistré entre janvier et mars de cette année. Pour les 15 centimes à payer en plus pour un litre de diesel, la taxe carbone représente 6 centimes d’euros. Le député André Bauler (DP) est venu rappeler ces chiffres lors du débat parlementaire.
Avec un prix actuel de 1,37 euro par litre d’essence et de 1,19 euro par litre de diesel, les tarifs ne seraient pas plus élevés que par le passé. «Il est même à remarquer que les prix étaient plus élevées lors des années 2012, 2013 et 2014», détaille l’élu libéral. La fourchette pour un litre d’essence a ainsi variée de 1,41 euro en 2012 à 1,18 euro en 2016. Pour le diesel, cette fourchette se situe entre 1,19 euro en 2014 et 0,94 en 2017. En raison du confinement, le prix du pétrole et donc les prix à la pompe était retombé au plus bas en plein confinement du printemps 2020 : 1,12 euro par litre d’essence et 0,91 par litre de diesel.
Sortir de la dépendance des énergies fossiles
«Une hausse des prix à la sortie de la pandémie était à prévoir. Aujourd’hui, on est arrivé au niveau d’avant-crise», reprend Georges Engel (LSAP). Tout comme François Benoy (déi gréng), l’élu socialiste a souligné l’importance de sortir au plus vite de la dépendance des énergies fossiles au lieu de se focaliser sur une hausse des prix provoquée par la taxe carbone. De plus, le surcoût pour les ménages les plus vulnérables serait intégralement compensée par le crédit d’impôts de 96 euros par an et le doublement de l’allocation de la vie chère. Au moins 50% de la manne financière qui est générée par la taxe carbone est redistribuée aux ménages aux revenus les plus faibles afin de leur permettre de négocier le virage écologique. Des subventions pour l’assainissement énergétique de leurs logements sont notamment versées.
Déi gréng se sont aussi dit opposés à la revendication du CSV de tenir compte de la taxe carbone dans l’évolution de l’inflation, indicateur qui déclenche le versement de l’index. «Cette mesure risque de réduire à néant l’apport de la taxe pour le changement climatique», estime François Benoy. Moins enthousiaste sur la taxe carbone, Myriam Cecchetti (déi Lénk) rejette une autre proposition du CSV. La restructuration du forfait fiscal pour frais de déplacement serait uniquement axée sur le trafic motorisé individuel. «Nous avons besoin d’alternatives abordables pour les personnes qui sont obligées de continuer à recourir à leur voiture», avance la nouvelle députée.
Marc Goergen (Parti pirate) plaide de son côté à taxer aussi le kérosène tout comme le carburant consommé par les navires batant pavillon luxembourgeois. «Seul le simple citoyen faisant le plein doit passer en caisse», déplore-t-il.
David Marques