Cinq élèves du lycée technique de Lallange ont réalisé un court métrage pour dénoncer le harcèlement scolaire, inspiré d’une histoire vraie.
Ils s’appellent Kevin Veiga, Michel Dias, Alessia Sita, Alex Dos Santos et Joé Bonsang, et ont décidé d’agir contre le harcèlement scolaire. Comment ? En réalisant un court métrage pour dénoncer, sensibiliser et surtout, ouvrir le débat sur ce sujet complexe, tabou, qu’est le harcèlement.
Dans une salle du Kinepolis Kirchberg, la semaine dernière, leur film Agis a d’abord été diffusé. C’est un projet qui est né dans le lycée technique de Lallange. Il est mené par ce groupe de jeunes qui ont entre 19 et 20 ans et qui incarnent tous un personnage dans le petit film.
De l’écriture du script aux projections, ils ont tout organisé, et leur professeur n’en est pas peu fier. «Ce sont des jeunes sérieux, profondément empathiques et gentils. Ils ont travaillé dur pour ce projet, pendant plusieurs mois, même pendant les vacances scolaires ! Ils ont même fait un dossier pédagogique pour accompagner le film ! C’est du jamais vu !», raconte Isabelle Cisowski, professeur de droit et d’économie à l’initiative du projet. «Nous voulons que ce film marque, expliquent-ils en chœur. Nous allons tout faire pour que le film soit au maximum diffusé dans les établissements du pays.»
Mais quel est son fil conducteur ? Le court métrage raconte l’histoire d’Alex, élève de 12e, orphelin recueilli par sa tante, harcelé, insulté, violenté par ses camarades de classe. Il est rejoint par Kevin, le nouveau de la classe, également violenté pour avoir refusé de publier une vidéo humiliante d’Alex en guise de gage. Et les jeunes ont imaginé une fin tragique pour que le film marque les esprits.
«Un like, c’est du harcèlement»
La deuxième projection a été celle d’un film du réalisateur français Bourlem Guerdjou, Marion, 13 ans pour toujours, inspiré de l’histoire de Marion Fraisse, victime de harcèlement, désemparée au point d’en finir avec la vie à seulement 13 ans. Difficile donc pour l’assemblée de prendre la parole après ces deux films poignants, qui ont suscité beaucoup d’émotion dans la salle, jusqu’à provoquer la sortie de quelques-uns.
Mais à quoi servent ces visionnages ? «Dans les deux films, il est question de faire réagir le spectateur quant à l’impact qu’ont les réseaux sociaux sur le harcèlement, sur la façon dont la violence est décuplée avec leur utilisation. Il s’agit de mettre en lumière la nécessité d’agir pour empêcher le harcèlement. Ce n’est pas de la faute du harcelé s’il est dans cette situation, il faut bien que les victimes et les bourreaux le comprennent», explique Catherine Verdier, psychologue.
Car, selon la spécialiste, «il est important de noter que les harceleurs ont des problèmes d’estime de soi. Ils ont besoin de descendre les autres pour se faire bien voir. Et toute personne qui est témoin du harcèlement peut agir en conséquence pour éviter que cela ne se reproduise. Un like, c’est du harcèlement. Regarder une vidéo qui humilie un camarade, c’est du harcèlement. Le rire est le carburant du harcèlement. Si les témoins cessent de rire, le harcèlement n’a plus aucun intérêt. On ne reste pas harcelé toute sa vie, le harcèlement n’est pas une fatalité», poursuit-elle.
Sensibilisation et pédagogie
Pourtant, pour les adolescents, la question est plus complexe. «Parler, c’est dénoncer, et quand on dénonce, on peut être traité de balance», lance une jeune fille, micro à la main. «C’est ce qui se passe pour Kevin qui prend la défense d’Alex dans le premier film, et c’est l’histoire de Marion, qui a alerté les adultes qui n’ont pas réagi et pour qui tout a empiré», ajoute-t-elle.
«Oui, mais concernant Marion, il faut noter que son histoire a eu lieu il y a six ans et que l’on était moins armé pour parler du harcèlement. Du chemin a été fait aujourd’hui, le personnel encadrant est probablement plus vigilant, au moins dans les lycées», répond Catherine Verdier.
Du chemin, oui, mais pas assez visiblement. Car Agis a surtout une visée pédagogique. «C’est un sujet qui nécessite que l’on en parle», explique Isabelle Cisowski. «Si l’on multiplie les campagnes de sensibilisation, c’est aussi parce que du côté des pouvoirs publics il n’y a pas beaucoup d’action !», ajoute-t-elle. «L’un de nos jeunes a mis fin à ses jours il y a quelques années (NDLR : en 2014) pour ce motif», dit-elle «et cela arrive partout».
Pour Catherine Verdier, «les gouvernements attendent qu’il y ait des morts pour agir. Or il y en a déjà ! Seule la France a légiféré il y a peu de temps contre le harcèlement à l’école, c’est inadmissible !» À noter que le harcèlement scolaire peut exister sous cinq formes : verbal, physique, sur internet, par l’isolement ou sexuel.
Sarah Melis