Ce vendredi, la jeunesse du Luxembourg participe à une nouvelle grève pour le climat lancée par le mouvement international Fridays for future : la partie visible et médiatique d’un plaidoyer mené toute l’année en coulisses.
Alors qu’il avait réussi à mobiliser près de 10 000 jeunes à Luxembourg en 2019, le collectif luxembourgeois Youth4Climate parviendra-t-il à répéter ce coup d’éclat ? Le rendez-vous est donné à 10 h ce matin devant la gare centrale pour défendre, à nouveau, des positions fortes en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Mais plus seulement.
L’une des porte-paroles de Youth4Climate, Natasha Lepage, 18 ans, nous livre l’état d’esprit de la jeunesse à la veille de cette nouvelle manifestation, la première depuis deux ans.
Vous serez en tête du cortège ce vendredi. D’où vient votre engagement ?
Natasha Lepage : Je ressens comme un devoir. C’est le moment de changer les choses. Si je ne m’engage pas maintenant, dans dix ans je le regretterai. Mon futur a besoin de moi.
Que s’est-il passé depuis la dernière grève pour le climat fin 2019 ?
La grève n’est que la pointe de l’iceberg. En fait, nous sommes mobilisés toute l’année à travers des actions ciblées, des rencontres avec de nombreux députés et ministres pour défendre notre point de vue et nos revendications. Notamment à la suite du plan climat : on a exposé à Carole Dieschbourg et Claude Turmes (NDLR : respectivement ministres de l’Environnement et de l’Énergie) ce qui manque selon nous dans ce plan. On a également été reçus par le Grand-Duc et Xavier Bettel.
Vous êtes-vous sentis écoutés, pris au sérieux ?
Tous nous assurent leur soutien, mais cela n’est pas suivi d’actes. Les différentes personnalités avec qui nous avons pu échanger nous rappellent aussi chaque fois à quel point le Luxembourg fait déjà beaucoup, comme la gratuité des transports publics par exemple. Mais pour nous, ce n’est qu’un premier pas. C’est loin d’être suffisant.
Que demandez-vous aux autorités ?
On plaide pour la neutralité carbone dès 2030 et pas 2050 comme le prévoit le plan climat, car les études montrent qu’on ne peut plus attendre. On demande aussi que tous les investissements dans les énergies fossiles soient stoppés. Nous voulons plus de solidarité entre générations et entre pays. En fait, c’est d’un changement de système dont on a besoin.
Vous êtes donc en phase avec la réorientation du mouvement international qui appelle désormais à la convergence des luttes ?
Il y a beaucoup de points qu’on soutient, oui, même si chaque pays a ses propres enjeux. Mais sur la question du système en place, on mesure ici même les limites de notre démocratie : on a des verts au gouvernement qui ne sont pas capables de prendre les mesures nécessaires pour protéger le climat…
C’est à cause des générations précédentes qu’on en est là
Les catastrophes naturelles qui ont frappé le pays ont-elles poussé l’opinion à vous soutenir davantage ?
C’est difficile à dire. Le fossé entre les générations existe. Encore hier, alors que je collais des stickers annonçant la manifestation d’aujourd’hui, une dame m’a interpellée en me disant que ma place était à l’école : or, c’est à cause des générations précédentes qu’on en est là. On voudrait vivre notre jeunesse de manière insouciante, mais nous avons des soucis que les générations d’avant n’ont pas connus.
Cette écoanxiété est-elle très présente chez les jeunes au Luxembourg ?
Oui. On en parle souvent entre nous. On a peur parce qu’on ne sait tout simplement pas vers quoi on va. Et personne ne le sait, car cette crise climatique qui s’annonce est la plus importante que l’humanité aura jamais connue. C’est source d’angoisse.
Comme une grande partie des jeunes de dix pays interrogés sur ce sujet, vous sentez-vous trahis par les gouvernements ?
Clairement oui. Parce qu’ils n’ont pas fait ce qu’il fallait faire il y a 10, 20 ou 30 ans. On a le sentiment qu’ils ont pris tout ce qu’il y avait de meilleur et de glorieux lors des dernières décennies et nous laissent seuls face à un sombre héritage. Ils nous ont négligés, et c’est à nous de nous débrouiller pour trouver des solutions. Or, nous n’avons que 18 ou 20 ans… Cela ne devrait pas être à nous de dire aux politiques quoi faire.
Entretien avec Christelle Brucker
Un appel à renverser le système
À l’initiative de Fridays for future, le mouvement lancé par Greta Thunberg en 2018, plus d’un millier de manifestations sont programmées ce vendredi dans 215 pays et plus de 8 000 villes du monde (planisphère consultable sur le site fridaysforfuture.org).
Et pour la première fois, il n’est plus seulement question de climat : sous le hashtag «Uproot the system» – littéralement «déracinez le système» – les organisateurs appellent à la convergence des luttes pour, pêle-mêle, «réparer les injustices historiques de l’élite la plus riche, réduire drastiquement les émissions dans le Nord, établir l’accès équitable aux vaccins, obtenir l’annulation de la dette et le financement climatique».