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Grand-Duché : une jeunesse à plusieurs vitesses


Des élèves à l'école européenne de Mamer. (photo archives Didier Sylvestre)

Le rapport sur la jeunesse luxembourgeoise présenté ce mercredi matin dresse le portrait d’une jeunesse inquiète du chômage, souffrant de fortes inégalités et sclérosée par la reproduction de modèles sociaux très segmentés par nationalités.

La jeunesse, le temps où s’ouvre un vaste champ des possibles ? Ce cliché ne se vérifie pas vraiment au Grand-Duché. Le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, a présenté ce mercredi matin les premières conclusions du rapport national sur la situation de la jeunesse au Luxembourg, réalisée par l’université. Une première version abrégée d’une soixantaine de pages est disponible (PDF, 1,13 Mo). Il s’agit pour l’essentiel de cerner la façon dont la jeunesse luxembourgeoise vit le passage vers l’âge adulte.

Le premier constat tient dans le taux de chômage très élevé des jeunes du pays (22%) par rapport au reste de la population (6%). Cette différence est l’une des plus importantes au sein de l’Union européenne.

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La transition entre le système éducatif et le marché du travail au Luxembourg constitue « une phase critique », relève le rapport. Surtout, ce chômage élevé touche en priorité les jeunes peu qualifiés.

Or, le rapport montre des niveaux de qualification très disparates selon la nationalité des jeunes résidents au Grand-Duché. Ainsi, parmi les jeunes Portugais de 25 à 34 ans (qui représentent près d’un jeune sur cinq au Luxembourg), seul un tiers possède au moins le bac, et moins d’un sur dix est titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

Même le niveau de qualification des jeunes de nationalité luxembourgeoise (qui représentent 52% des 15-34 ans) reste beaucoup plus faible que celui des jeunes résidents belges, français et allemands (soit 12% des 15-34 ans).

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Ainsi, au-delà de ces fortes disparités, la peur d’être au chômage ou d’avoir un emploi précaire revient souvent dans les interviews réalisés pour ce rapport. L’accès au marché du travail est largement considéré comme difficile par les adolescents et les jeunes adultes au Luxembourg. Nombreux sont ceux qui craignent de ne pas trouver de « bons jobs » et de ne pas être en mesure d’atteindre le niveau de vie de leurs parents.

À chaque nationalité, ses jobs

Dans la même ligne, le rapport pointe la forte segmentation du marché du travail par qualification et par nationalité au Grand-Duché pour les 15-34 ans. Ainsi les jeunes de nationalité luxembourgeoise, nombreux dans les professions techniques et scientifiques, sont surreprésentés dans l’administration et dans l’éducation. À l’inverse, les jeunes de nationalité portugaise occupent des postes peu qualifiés et sont surreprésentés dans les secteurs de la construction, du commerce et de la restauration.

Les jeunes des autres nationalités européennes travaillent en majorité dans le domaine universitaire, les services financiers et les services haut de gamme du secteur privé. Enfin, si certains jeunes résidents considèrent les travailleurs frontaliers comme une chance pour le pays, d’autres les considèrent comme des concurrents sur le marché du travail.

Des jeunes peu incités à la prise de risque

Les jeunes de nationalité luxembourgeoise aspirent majoritairement à travailler dans la fonction publique, « un secteur relativement protégé ». « Il n’est dès lors pas surprenant que le taux d’entrepreneuriat parmi les jeunes vivant au Luxembourg soit parmi les plus bas de l’Union européenne. Les conditions des transitions vers l’âge adulte sont telles qu’elles encouragent peu la prise de risque », relève le gouvernement. Un phénomène accentué par le fort taux de propriétaires au Grand-Duché, ce qui exige une situation stable.

Dans le contexte d’un niveau de vie très élevé au Luxembourg, « le prix à payer pour les jeunes (…) semble être une forte pression vers l’intégration au modèle social ambiant, qui encourage peu l’expérimentation de modèles de vie alternatifs », observe le gouvernement dans son avis. « Ceci est d’autant plus vrai pour les jeunes qui au départ ont moins de ressources économiques, sociales, culturelles », observe le gouvernement dans son avis.

Reproduction sociale

Le rapport dessine en creux un constat de reproduction sociale très marquée, et très compartimentée selon les nationalités. Selon l’exécutif, l’analyse détaillée du rapport « devra porter sur ces ressources inégalement distribuées parmi les jeunes et les conséquences de ces inégalités ».

Sylvain Amiotte