Le vent de renouveau porté par le premier gouvernement allemand formé par trois partis rappelle de bons souvenirs au trio LSAP-déi gréng-DP. Pour le CSV, le retour en 2013 est bien plus douloureux.
Destins croisés pour les mondes politiques allemand et luxembourgeois. Ce mercredi, un règne long de 16 ans des chrétiens-sociaux de la chancelière Angela Merkel a pris fin. Son successeur, le social-démocrate Olaf Scholz (SPD) forme désormais une coalition inédite avec les Verts (Die Grünen) et les libéraux (FDP). Le Grand-Duché a connu un scénario semblable à l’automne 2013 avec l’union conclue entre les libéraux du DP, les socialistes du LSAP et les Verts de déi gréng (lire également ci-contre).
À Berlin comme à Luxembourg, les conservateurs de la CDU/CSU et du CSV vivent et ont vécu le dur chemin dans l’opposition. «Il existe toutefois des différences notables, souligne d’emblée Claude Wiseler. Chez nous, une crise gouvernementale a provoqué des élections anticipées. Et puis, avec le SPD, c’est bien le premier parti sorti des urnes qui emmène le nouveau gouvernement allemand. Cela ne fut pas le cas au Luxembourg.»
Le président du CSV tient à louer la chancelière sortante pour ses nombreux mérites. «J’ai toujours apprécié son calme et sa façon d’aborder les crises. Européenne convaincue, elle a permis à l’Allemagne de continuer à jouer son rôle de stabilisateur dans l’UE», indique Claude Wiseler. «Son style s’est traduit par un manque de courage. La chancelière a souvent attendu le tout dernier moment pour se positionner, ce qui a freiné l’UE», riposte Yves Cruchten, le président du LSAP.
En Allemagne, on reproche toutefois à Olaf Scholz d’afficher la même personnalité austère qu’Angela Merkel. «Avoir une main calme pour gouverner n’est jamais un défaut. Je crois cependant qu’Olaf Scholz va réussir à se démarquer», affirme Yves Cruchten. Le chef de file du LSAP a bon espoir de voir le nouveau chancelier accélérer les choses à l’échelle européenne : «L’UE peut vraiment se réjouir de l’arrivée au pouvoir d’Olaf Scholz. Le poids politique et économique de l’Allemagne reste important. J’ai assez confiance dans le fait qu’un dossier comme la migration pourra enfin être débloqué.»
Quel impact sur la Grande Région?
Claude Wiseler va dans le même sens : «Au vu des déclarations faites, la façon dont le nouveau chancelier compte aborder sa politique européenne est prometteuse. J’espère qu’il va s’attaquer de manière plus offensive aux périlleux dossiers tels que le respect de l’État de droit.»
Le président du CSV est toutefois plus réservé quant au programme ambitieux scellé par la nouvelle coalition. «Il faudra voir dans les quatre années à venir comment les trois partis, qui présentent de grandes différences, vont pouvoir gérer les questions sensibles telles que le budget. Cela promet.»
Le ton est tout autre auprès du LSAP et de déi gréng. Yves Cruchten et Djuna Bernard affirment tous les deux que la nouvelle coalition en Allemagne «leur rappelle les débuts» du gouvernement tricolore en 2013. «Le même état d’esprit est à déceler. La volonté de vouloir dépoussiérer les choses est bien présente. Leur intention est de forger un État plus moderne et durable», souligne la coprésidente de déi gréng.
Corinne Cahen, la présidente du DP, met en avant les négociations menées en toute discrétion et dans un esprit très constructif par les trois partis : «Cette base est très positive et de bon augure pour la suite. Une solide équipe s’est formée qui veut vraiment s’engager pour l’avenir de l’Allemagne.»
Claude Wiseler pose un dernier bémol. Le nouveau gouvernement allemand ne compte plus que deux ministres issus des Länder voisins du Luxembourg. «Il faut voir dans quelle mesure cela pourrait avoir un impact sur la politique d’investissement à l’échelle de la Grande Région», conclut le président du CSV.
David Marques
Mêmes partis, rôles inversés,
en 2013 au Luxembourg
Depuis hier, l’Allemagne est gouvernée par la première coalition à trois partis de son histoire. Le Grand-Duché a connu la même première fin 2013, même si les rôles étaient inversés. À Berlin, ce sont les sociaux-démocrates (SPD) qui mènent la manœuvre avec les Verts (Die Grünen) et les libéraux (FDP). À Luxembourg, le DP se retrouve depuis maintenant huit ans à la tête du gouvernement, formé avec le LSAP et déi gréng. Les rapports de force ont toutefois changé depuis leur avènement au pouvoir.
En octobre 2013, DP et LSAP avaient tous les deux remporté 13 sièges à la Chambre. Même si les socialistes avaient reçu plus de voix (20,3 % contre 18,3 %), les libéraux étaient sortis gagnants des urnes avec quatre sièges de plus. Avec les 6 mandats décrochés par déi gréng (10,1 %), la première coalition tricolore avait pu être formée avec une courte majorité de 32 sièges. Le CSV avait été écarté après 34 années d’affilée au pouvoir (23 sièges, 33,7 %).
En octobre 2018, déi gréng (15,1 %) avaient sauvé la coalition sortante avec leur saut à 9 sièges, venant compenser la perte de 2 sièges du LSAP (17,6 %). Le DP était repassé à 12 sièges (16,9 %). Au vu de la perte supplémentaire de 2 mandats (28,3 %) pour le CSV, une majorité de 31 sièges avait pu être défendue.