L’eurodéputé a fait le point sur l’initiative citoyenne européenne trois ans après son activation. Il souhaite l’étendre au droit primaire, qui permet de modifier les traités.
Les citoyens pourraient ainsi réclamer que la répartition des réfugiés soit inscrite dans les traités ou encore demander un contrôle parlementaire du mécanisme européen de sauvetage, une vieille revendication de Charles Goerens.
Les citoyens devraient pouvoir inviter la Commission à modifier les traités», estime Charles Goerens, qui faisait le point, hier, sur l’initiative citoyenne européenne (ICE) née avec le traité de Lisbonne. Une possibilité qui ne leur est pas (encore?) offerte, alors qu’au Parlement européen les libéraux et les Verts avaient introduit un amendement dans ce sens qui n’avait pas été retenu.
L’eurodéputé libéral aimerait étendre le droit d’initiative des citoyens qui, pour l’heure, est limité au droit secondaire, comprendre selon Charles Goerens, «qu’il ne peut s’agir que d’un règlement, d’une directive ou d’une décision» qui sont des actes juridiques au même titre que le droit primaire qui concerne une initiative de type constitutionnel, donc, qui porte sur les traités. «Mais un changement de traité est un acte juridique également», déclare l’eurodéputé.
Des failles à combler
Il cite en exemple la crise des réfugiés et sa gestion catastrophique par l’Union européenne. «Ce n’est pas la faute de la Commission, qui a donné une clé de répartition pour accueillir les réfugiés, ce sont les États membres qui ont cafouillé.Une initiative citoyenne devrait pouvoir demander l’inscription dans les traités d’une répartition pour l’accueil des réfugiés», plaide l’eurodéputé.
Le second exemple qui vient à l’esprit de Charles Goerens est en fait une vieille revendication qu’il n’abandonne pas concernant le mécanisme de sauvetage (MES) de la zone euro, une institution financière internationale «gérée par une société de droit luxembourgeois au Kirchberg» qui échappe au contrôle parlementaire.
«Ce mécanisme est tout sauf démocratique», martèle toujours Charles Goerens, inlassablement. Du coup, il imagine très bien que les députés des 19 pays membres de la zone euro, qui ne dispose pas d’un Parlement spécifique, puissent prendre seuls part à des votes relatifs au fonctionnement du MES. «Cela pourrait aussi faire l’objet d’une initiative citoyenne européenne», suggère-t-il.
Hier, Charles Goerens a rappelé le fonctionnement de l’ICE en pointant du doigt ses «failles». Une initiative citoyenne peut porter sur n’importe quel domaine dans lequel la Commission est habilitée à présenter une proposition législative, par exemple, l’environnement, l’agriculture, les transports ou la santé publique. Pour lancer une initiative citoyenne, il faut créer un «comité des citoyens» composé d’au moins sept citoyens de l’UE résidant dans au moins sept États membres différents. «Le problème est que ce comité n’a pas de responsabilité juridique, alors que les organisateurs ont besoin d’une protection juridique», estime-t-il.
Trois initiatives ont franchi le cap du million
Il critique ensuite le délai très court de douze mois pour la collecte des soutiens. Il a donné une vue d’ensemble de la procédure qui commence par la composition du comité (les organisateurs), puis l’enregistrement de l’initiative par la Commission, qui dispose de deux mois pour répondre et ensuite faire certifier les déclarations de soutien par les autorités nationales avec un délai de réponse de trois mois. La procédure prévoit aussi de protéger les personnes organisant ou soutenant une initiative d’un usage abusif de leurs données personnelles.
La Commission examine enfin la proposition et donne sa réponse quant à la suite à donner à l’ICE. «Si cette initiative n’entre pas dans le champ de compétence de la Commission, elle devrait alors la transmettre à d’autres entités susceptibles d’y donner une suite», juge encore Charles Goerens.
L’ultime étape du processus est le déclenchement de la procédure législative lorsque la Commission a décidé de donner suite à l’ICE. Sur 51 demandes de lancement d’une ICE, 31 ont concerné des domaines de compétence de la Commission. Trois ont réuni le nombre requis de déclarations de soutien.
Il s’agit de l’ICE sur la protection juridique de la dignité et l’intégrité de l’embryon humain («Un de nous»). La Commission a estimé ici que le cadre juridique actuel était adéquat et ne devait pas être modifié. La plus connue et emblématique est l’ICE «Right2Water» sur le droit à l’eau et à l’assainissement («L’eau et l’assainissement sont un droit humain! L’eau est un bien public, pas une marchandise!»). La Commission y a accordé une suite favorable et s’est engagée à prendre une série de mesures. Et, enfin, l’ICE sur la vivisection («Stop vivisection») où la Commission a fait savoir cet été qu’elle ne présenterait pas de proposition législative.
Geneviève Montaigu