La prévention dans le domaine de la santé doit gagner en importance dans les années à venir. Un des objectifs est de lutter contre les maladies chroniques, lourd fardeau pour la société entière.
Lancé à la mi-février 2020, le «Gesondheetsdësch» a rapidement été freiné par le Covid. Les travaux dans les plus de 40 groupes de travail de cette table ronde sur l’avenir du système de santé du Luxembourg ont cependant pu reprendre progressivement. La consultation des acteurs du terrain a été très large. En fin de compte, 6 groupes de travail ont centralisé les principales idées pour améliorer la prise en charge des patients et pérenniser le financement solidaire du mécanisme en place.
Jeudi après-midi, Paulette Lenert et Romain Schneider, les ministres de la Santé et de la Sécurité sociale, ont présenté un nouveau bilan intermédiaire des travaux et échanges menés avec notamment la Fédération des hôpitaux (FHL), l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD), le Collège médical, la Caisse nationale de santé, la Patientevertriedung, la fédération des gestionnaires des structures d’habitation pour personnes âgées (Copas), le camp patronal (UEL) et le camp syndical (OGBL, LCGB). La formule s’est avérée satisfaisante. «Après des débuts parfois poussifs, nous avons réussi à dégager la valeur ajoutée de cette consultation élargie avec tous les acteurs du terrain. Nous pensons conserver le Gesondheetsdësch comme plateforme d’échange supplémentaire. Les travaux entamés pourront ainsi se poursuivre», annonce le ministre Romain Schneider.
Le vieillissement de la population constitue un des défis majeurs pour le système de santé. Selon les derniers chiffres du Statec, l’espérance de vie est de 84,6 ans pour les femmes et de 80,1 pour les hommes. «Le vieillissement de la population luxembourgeoise est (…) très clairement apparent, avec un nombre assez élevé de personnes âgées de 80 ans et plus», constate encore l’Institut national de la statistique. Au 1er janvier 2021, le Luxembourg comptait quelque 25 200 résidents âgés de plus de 80 ans. En 1980, seuls 8 200 personnes avaient passé le cap des 80 ans. En 2001, 13 000 citoyens avaient plus de 80 ans.
Partant de ce constat, le «Gesondheetsdësch» a mis un accent particulier sur la prévention de maladies chroniques. «Il existe un grand consensus sur l’importance du travail de prévention. Avec une population toujours plus âgée, le besoin en soins de santé augmente. Miser sur davantage de prévention représente non seulement un gain de qualité de vie pour les citoyens, mais soulage aussi le système de santé», résume la ministre Paulette Lenert.
Toutes les initiatives et programmes de prévention déjà existants «ne sont pas à jeter par-dessus bord». Une analyse de l’état actuel doit ouvrir la voie vers un plan de prévention national appuyé par un comité de prévention, un fonds de prévention et un programme de lutte contre les maladies chroniques. «L’encadrement individuel par le médecin référent doit optimiser la prise en charge et également responsabiliser le patient», explique la ministre de la Santé.
Le financement d’un nouveau plan national de prévention est en cours de discussion. Seule certitude qui s’est dégagée des pourparlers : le financement du système de santé par les pouvoirs publics n’est pas remis en question. «Il faudra toutefois réévaluer certains points et revoir, en fonction des défis qui nous attendent, les priorités de financement», indique le ministre de la Sécurité sociale. La recherche d’une plus grande efficience sera un des fils rouges pour mettre en œuvre le système de santé de demain.
David Marques
Une ouverture vers le milieu extrahospitalier
Le monopole des hôpitaux dans le domaine des diagnostics non invasifs est sur le point de tomber. En d’autres termes, des cabinets médicaux devraient pouvoir être autorisés à proposer des examens d’imagerie médicale. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est particulièrement convoitée.
Le Gesondheetsdësch a travaillé sur les principes de base pour la prise en charge de ces diagnostics non invasifs dans le contexte du virage ambulatoire, un des grands principes du futur système de santé. Afin de réussir à négocier ce virage, les ministères de la Santé et de la Sécurité sociale s’efforcent à mettre en place un «écosystème» performant. La qualité de la prise en charge va figurer au centre des conditions à remplir pour obtenir une autorisation pour les examens d’imagerie médicale réalisée dans le milieu extrahospitalier.
L’analyse sur le besoin réel de ce genre de structures est cependant encore au cours. Une libéralisation totale est d’ores et déjà exclue. Les travaux préparatoires vont se poursuivre. À terme, une carte sanitaire extrahospitalière doit être établie.
D.M
Le tiers payant reste prévu pour 2023
Ce qui est déjà d’application en pharmacie doit aussi le devenir dans les cabinets médicaux. Le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, mise toujours sur janvier 2023 pour mettre en œuvre le tiers payant généralisé. Une fois introduit, le patient n’aura plus à avancer ses dépenses de santé. Depuis de longues années, le mémoire d’honoraires du médecin consulté doit être payé avant que l’assuré ne soit remboursé par la Caisse nationale de santé. Le lourd envoi et traitement des factures sera alors remplacé par un système informatique performant. Jeudi, Romain Schneider a mis en perspective de projets pilotes. La grande priorité est toutefois l’équipement des cabinets médicaux avec le logiciel informatique nécessaire au bon fonctionnement du tiers payant généralisé. À partir de l’automne, il est prévu que les mémoires d’honoraires soient déjà dotés d’un code QR facilitant le remboursement. L’application mobile de la CNS doit aussi enfin être lancée. Elle permettra notamment aux médecins d’envoyer leurs mémoires d’honoraires directement aux services de remboursement.
Un parcours individualisé
Le «Gesondheetsdësch» a permis de lancer 19 projets concrets. Parmi ceux-ci, on retrouve la mise en place d’une «vision sur le parcours des patients du futur». Derrière ce concept se cache une prise en charge plus individualisée du patient. Le projet pilote pour la prise en charge des patients «Covid long» est un premier exemple. Il est envisagé de lancer un autre projet pour améliorer la prise en charge des diabétiques. Un accueil centralisé doit permettre de guider de manière ciblée les patients vers un parcours de soin individualisé.
Vers un renforcement de la stratégie «eSanté»
Dans le cadre de ses efforts de diversification économique, le Luxembourg a misé dès les années 2000 (coalition CSV-LSAP) sur les technologies de la santé. «Nous disposons d’une bonne base de départ, estime la ministre Paulette Lenert. Désormais, il nous faut davantage aller à la source de ce secteur économique pour valoriser notre propre système de santé.» Dans un premier temps, une base de données de santé centralisée doit voir le jour. L’agence eSanté, en charge de la gestion des informations partagées dans le domaine de la santé, s’est vu attribuer la mission de mettre en place une stratégie nationale pour la collecte et la gestion des données de santé (ou mHealth). «Il existe un énorme potentiel dans ce domaine. Les investissements vont se poursuivre. L’objectif doit être de se retrouver à la pointe du progrès», souligne la ministre de la Santé. L’intelligence artificielle est amenée à jouer un «rôle primordial» dans le système de santé de demain. Un registre national pour les professions de santé fait partie intégrante des efforts pour rendre le système plus efficient.
D.M