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Foyer de Mühlenbach : « Corinne Cahen n’a pas tenu ses promesses ! »


Le foyer de Luxembourg-Mühlenbach suscite de nombreuses interrogations qui restent sans réponse. (illustration Editpress)

Les décisions prises unilatéralement par la ministre de la Famille et de l’Intégration, Corinne Cahen, concernant le foyer de Luxembourg-Mühlenbach suscitent de nombreuses critiques. État des lieux.

Le futur du foyer de Mühlenbach, sis au 46 de la rue de Mühlenbach, dans le quartier du même nom de la capitale, reste incertain et la situation semble inextricable. Pour rappel, le bâtiment accueille, sur plusieurs étages et depuis des décennies, des travailleurs immigrés, célibataires pour la plupart, provenant du Portugal. Or, depuis la récente crise migratoire et l’afflux massif de réfugiés provenant notamment de Syrie et d’Irak, le gouvernement a pris la décision de «réinstaller» certains d’entre eux avec leur famille dans le foyer en question.

Par le terme spécifique de procédure de «réinstallation», à l’inverse de celui de «relocalisation», il faut comprendre que les 27 personnes qui y sont déjà hébergées, ainsi que les dizaines d’autres qui suivront, ont déjà obtenu le statut de réfugié après avoir pu bénéficier du fameux accord signé entre l’Union européenne et la Turquie. À savoir qu’elles ne sont plus considérées comme des «DPI» (demandeurs de protection internationale) et qu’elles disposent, dans ce sens, des mêmes droits et devoirs que tout citoyen luxembourgeois. Ces dernières sont toutefois à distinguer des réfugiés ayant obtenu la protection internationale hors accord UE-Turquie.

Entretemps, tous les Portugais hébergés au foyer, ou presque, auraient récemment quitté les lieux. Ceci dit, ces derniers «n’ont pas été forcés de déguerpir», précise Sérgio Ferreira, le porte-parole de l’ASTI qui est intervenue en 2013 dans ce dossier. «Ces immigrés avaient signé des contrats avec l’État, prévoyant qu’ils ne pouvaient rester plus de 3 ans au sein du foyer. Les règles étaient claires», souligne-t-il encore.

ASTI : «Les propos de la ministre sont flous !»

Ces règles font cependant suite à une longue période de tolérance, certains immigrés du foyer ayant pu rester plus de 20 ans en son sein, et n’ont été édictées que récemment. L’État faisait, en effet, preuve d’une certaine tolérance, mais la donne a désormais changé. «Je ne suis pas d’avis qu’il y ait depuis peu une politique du deux poids, deux mesures» qui favoriserait les réfugiés par rapport aux autres migrants, estime néanmoins Sérgio Ferreira. La situation spécifique de chacun est toutefois prise en compte et, dans cette logique, les personnes forcées de quitter leur pays en guerre sont forcément distinguées des autres migrants (économiques), juge encore le porte-parole de l’ASTI. «Il ne faut pas non plus occulter la question de l’intégration», rappelle Sérgio Ferreira, qui est d’ailleurs d’avis que les politiques doivent se repencher sur le projet de loi de 2015 relatif à l’asile, celui-ci ayant été abandonné à la suite des oppositions formelles du Conseil d’État. «Neuf mois après, il est temps qu’on s’y remette!», juge-t-il.

Ces réactions prononcées au nom de l’ASTI font suite à une réponse ministérielle de Corinne Cahen à une question parlementaire du député Roger Negri. Globalement, l’ASTI est d’avis que les réponses de la ministre sont «floues» et ne permettent pas de se faire une idée concrète sur plusieurs interrogations essentielles :

1) Quel est le nombre exact de réfugiés qui seront installés au foyer de Mühlenbach (la ministre emploie l’expression «dans la limite des places disponibles» et souligne que «le foyer peut accueillir une centaines de personnes») ?

2) D’autres réfugiés ayant, quant à eux, obtenu leur statut en dehors du cadre de l’accord UE-Turquie se verront-ils également hébergés dans le foyer (Corinne Cahen indique sur ce point qu’«il n’est pour l’instant pas prévu de loger d’autres bénéficiaires de protection internationale dans ce foyer») ?

3) Combien de temps pourront rester les personnes accueillies au foyer (là, Corinne Cahen répond que «la durée du séjour dépend de la rapidité avec laquelle ces personnes arrivent à trouver un logement») ?

Bref, si l’ASTI juge les réponses de la ministre floues et les qualifie de «plus courtes possibles, afin de lui permettre de ne pas trop s’avancer», Guy Reger, président de l’ASBL Maison des associations fondée en 2007 et dont les locaux sont intégrés au foyer depuis toujours, enfonce le clou en allant encore plus loin.

Guy Reger : «La ministre promet, rien ne suit»

En effet, dans sa question parlementaire, le député Roger Negri s’interroge sur l’avenir de l’ASBL. «Au début de l’année, les responsables de la Maison des associations ont été informés des travaux de rénovation et de réaffectation du foyer de Mühlenbach et de la nécessité de libérer les bureaux mis à leur disposition (gratuitement, en vertu du prêt à usage signé en 2007 et reconduit tacitement depuis)», indique Corinne Cahen. Or, il s’avère que l’ASBL est priée par la commission des Loyers du ministère des Finances et par le ministère de l’Intégration de déménager au sein de locaux alternatifs, situés à Itzig, mis gratuitement à disposition par l’État. Une décision étatique prise unilatéralement que dénonce Guy Reger. «La ministre nous a promis, fin juin, la constitution de groupes de travail pour notamment se pencher sur cette question, mais depuis, plus rien. Corinne Cahen n’a pas tenu ses promesses !», s’indigne Guy Reger.

Outre la manière unilatérale de procéder, qu’il juge «opaque», le président de l’ASBL dénonce aussi le lieu choisi. «La localité d’Itzig est trop excentrée pour que nous puissions mener à bien nos activités et accompagner les nouveaux occupants du foyer», s’insurge-t-il encore. Finalement, il est prévu que ces derniers soient encadrés par le service Lisko (Lëtzebuerger Integratiouns- a Sozialkohäsiounszenter). En attendant des nouvelles de la ministre, il ne compte pas lâcher l’affaire. Une affaire qui reste à suivre, donc.

Claude Damiani