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Fichiers «secrets» : une loi pour enfin remettre de l’ordre


Il existe un fichier reprenant les données des chauffeurs mal garés, qui ont reçu un avertissement taxé. «Même si celui-ci a été réglé, les données sont conservées pendant deux années dans ce fichier. C'est malheureux», fustige Gilles Roth (CSV). (illustration Isabella Finzi)

Le ministre de la Sécurité intérieure est décidé à livrer d’ici fin décembre les grandes lignes pour adapter le cadre légal régissant les 62 bases de données gérées par la police. Le CSV annonce aussi des propositions.

Flanqué du directeur général de la police, Philippe Schrantz, le ministre de la Sécurité intérieure, François Bausch, s’est une nouvelle fois présenté jeudi après-midi devant les députés pour évoquer les fichiers «secrets». Après la polémique déclenchée avant l’été, gouvernement et Chambre semblent désormais disposés à aller de l’avant pour adapter ces fichiers aux nouvelles dispositions en matière de protection des données.

«Ma préoccupation reste d’obtenir toute la clarté sur la façon dont la police gère ces données. On avance progressivement. Il ne s’agira cependant pas seulement d’adapter le cadre légal. Si le tir peut être rectifié de suite, cela sera fait», souligne François Bausch à la sortie de la réunion avec les députés. Le ministre a chargé un bureau spécialisé dans le domaine de la protection des données d’analyser les dispositions légales qui existent dans les pays voisins. «Sur cette base, il y aura des adaptations de notre cadre légal. Pour l’instant, on s’inspire surtout de ce qui se fait en Belgique», annonce François Bausch.

En parallèle, la police a mis en place un comité de suivi pour s’assurer que les recommandations de la Commission nationale pour la protection des données (CNPD), reprises dans un rapport publié il y a un mois, soient suivies à la lettre.

Inspiration en France et en Belgique

La semaine dernière, le ministre de tutelle avait pour la première fois donné le chiffre des fichiers gérés par la police. «Au départ, on évoquait à peine un fichier. Aujourd’hui, on sait qu’il s’agit de 62 banques de données. Je suis content qu’on n’ait rien lâché, même si au départ on nous a accusés de faire de la polémique», indique Gilles Roth (CSV). Une prise de conscience aurait eu lieu depuis l’éclatement de l’affaire au printemps. «La police s’est rendue à l’évidence que des adaptations sont nécessaires. Les missions qui sont attribuées à la police doivent être exécutées selon les règles fixées par l’État de droit», ajoute-t-il.

Même son de cloche du côté du ministre : «Plus personne ne conteste le fait que la police doit avoir recours à ce genre de fichiers pour faire son travail. Mais il est important de définir plus clairement quelles données sont enregistrées, pour combien de temps et qui a accès à ces données. La police sait qu’il n’est pas logique que chaque agent puisse accéder à ces données sensibles.» Dans ce contexte, François Bausch veut inscrire dans un texte de loi le délai de conservation des données.

«Le gouvernement doit livrer», insiste le ministre. Il compte analyser en détail les propositions écrites que le CSV va soumettre sous peu pour ficeler le nouveau cadre légal. «En France, le cadre légal est très strict. Si c’est possible dans l’Hexagone, cela doit aussi être possible au Luxembourg», lance Gilles Roth. François Bausch annonce qu’il présentera les grandes lignes du texte le 20 décembre.

David Marques

Les chauffeurs mal garés et les mineurs ciblés

Sur les 62 fichiers qui sont actuellement alimentés et gérés par la police, certains provoquent plus particulièrement l’ire de l’opposition. Mais comme l’a précisé le ministre François Bausch, la police n’a pas tardé à rectifier le tir :

› Un fichier sur les mineurs existe. Celui-ci reprend notamment des infractions concernant les jeunes. Mais ce fichier a aussi enregistré les adolescents ayant fait une fugue. «On nous a confirmé que ce n’était désormais plus le cas», note Gilles Roth (CSV). «Ce n’était pas compatible avec l’État de droit. La police a elle-même pris l’initiative de ne plus lister les faits qui ne concernent pas une infraction», précise encore le ministre François Bausch.

›Il existe également un fichier reprenant les données des chauffeurs mal garés, qui ont reçu un avertissement taxé. «Même si celui-ci a été réglé, les données sont conservées pendant deux années dans ce fichier. C’est malheureux», fustige Gilles Roth. Des adaptations à ce niveau sont également à prévoir.

La justice désormais attendue au tournant

La gestion des fichiers de la justice reste à élucider. Le lien avec ceux de la police aussi.

«Avec le recul, on constate que la police s’est montrée nettement plus proactive que la justice», lance Gilles Roth (CSV). Depuis des mois, tant le ministère de la Justice que le parquet se trouvent sous le feu des critiques pour leur présumé manque de transparence en relation avec la gestion de leurs banques de données. «Le même exercice que celui qu’on est en train de mener avec la police doit être réalisé avec les fichiers gérés par la justice», insiste le député chrétien-social.

Il tient immédiatement à préciser qu’«il ne s’agit pas d’une immixtion du Parlement dans le travail de la justice». Mais les députés auraient «non seulement le droit mais aussi l’obligation» de s’assurer que les autorités qui sont chargées du contrôle de la justice assument leur rôle. En clair : les règles établies en matière de protection des données, qui sont applicables à la police, doivent aussi valoir pour la justice. «C’est à la fois dans l’intérêt du respect de l’État de droit et dans l’intérêt de la protection des données de tout citoyen», ajoute Gilles Roth.

Effacer toute référence au prévenu

Le CSV continue de réclamer de pouvoir entendre les autorités de contrôle ainsi que des experts en droit pour dresser un état des lieux. «Je reste confiant que ces entrevues pourront avoir lieu dans les quatre ou cinq semaines à venir», indique le député.

En fin de compte, le principal parti d’opposition veut obtenir un cadre légal semblable à celui qui est d’application en France. «En cas de non-lieu, toute référence au prévenu est effacée des banques de données», note Gilles Roth. Il n’exclut cependant pas que ce non-lieu puisse être archivé temporairement («un à deux ans»).

La ministre de la Justice, Sam Tanson, est donc attendue au tournant. En attendant, son collègue François Bausch plaide pour l’établissement d’un «lien clair» entre les fichiers gérés par la police et ceux gérés par la justice. «Il est hors de question que les agents de police puissent accéder au fichier de la justice et inversement. Mais il faut établir une communication. Si une affaire est classée, il faut que la police en soit informée pour effacer, le cas échéant, les données personnelles de son fichier», conclut le ministre de la Sécurité intérieure.

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