La ministre française de l’Ecologie, Ségolène Royal, a annoncé mardi que Cattenom arrêterait ses réacteurs en priorité car la centrale est située dans une zone frontalière. De quoi réjouir le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, qui estime que les efforts du gouvernement « ont porté leurs fruits ». L’eurodéputé Claude Turmes y croit lui aussi.
Ségolène Royal a indiqué mardi que « priorité sera donnée à la fermeture des réacteurs frontaliers : Fessenheim, Bugey et Cattenom ».
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Il n’en fallait pas plus pour que Xavier Bettel y voit le début d’une éventuelle victoire du lobbying luxembourgeois : « Je constate avec satisfaction que nos efforts et discussions en faveur de la fermeture définitive de Cattenom, notamment avec le Président de la République, François Hollande et le Premier ministre français, Manuel Valls, lors de sa récente visite au Luxembourg, ont porté leurs fruits », poste-t-il sur sa page Facebook.
Pourtant, rien n’est encore gagné. Dans les localités voisines de Cattenom, les chambres d’hôtes se multiplient, les granges sont transformées en petits logements dans la perspective d’accueillir les nombreux personnels qui seront actifs sur le site de la centrale nucléaire pour la grande révision décennale du réacteur 1 qui doit démarrer à la fin de ce mois.
Les grandes visites décennales vont se succéder auprès des 4 réacteurs jusqu’en 2023, alors que la centrale a prévu un vaste programme de modernisation qui doit s’étaler jusqu’en 2025. C’est dire que la fermeture du site n’est pas encore d’actualité, loin de là, dans tous ces esprits qui prévoient de vivre avec cette centrale nucléaire jusqu’en 2042 au moins.
La fermeture de Cattenom c’est pourtant une «priorité» pour Ségolène Royal comme elle l’a annoncé aux ambassadeurs des pays de l’Union européenne lors d’un petit déjeuner mardi matin à Paris.
« Une très bonne nouvelle », selon Claude Turmes
L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (déi Gréng) déclare prendre «très au sérieux» cette annonce de Ségolène Royal. «Dans les semaines qui ont suivi la catastrophe de Fukushima, le directeur de l’autorité française de sûreté nucléaire avait conseillé au gouvernement de fermer en premier lieu les réacteurs qui se trouvaient dans des zones frontalières, au vu des dommages qu’un pays voisin pourrait réclamer en cas d’accident. C’est pour moi une très bonne nouvelle que Ségolène Royal ajoute un critère géographique pour la fermeture de centrales nucléaires», se réjouit Claude Turmes.
Car le discours a changé. L’eurodéputé écologiste n’a pas perdu une miette de l’interview que le président de l’autorité de sûreté nucléaire, Pierre-Franck Chevet, a accordé au journal Le Monde il y a trois semaines. «Le chef de l’autorité nous a clairement préparé à un accident nucléaire et c’est là que la doctrine a changé qui voulait qu’une catastrophe soit impossible en Europe. Et Chevet nous dit qu’il ne veut pas figurer dans les livres d’histoire comme celui qui n’avait pas mis en garde», estime le député en lisant entre les lignes.
«Quand Ségolène Royal annonce que les réacteurs situés aux frontières vont fermer, je la prends très au sérieux car elle n’est pas la première à le dire», insiste Claude Turmes.
Pas plus tard, le même journal Le Monde publiait un dossier de deux pages intitulé «L’étoile pâlissante de la filière nucléaire française» qui vit une crise financière sans précédent. Et les financements, c’est justement du côté européen qu’il faut les chercher, vu que la Commission n’hésiterait pas à investir dans la recherche sur nucléaire en misant cette fois sur des mini-réacteurs.
Installations plus modestes
Après avoir parié sur un réacteur de grande capacité, l’EPR français, la Commission et la filière nucléaire se tournent vers des installations beaucoup plus modestes. Ces réacteurs à capacité réduite vont nécessité des travaux de recherche que la Commission est prête à financer, selon un document qui a fuité et que devaient étudier mercredi les commissaires européens en charge des dossiers énergétiques. Le parti Déi Gréng avait vivement critiqué cette position alors que les investissements devraient être dirigés vers les recherches en énergies renouvelables.
Il ne faut pas s’attendre à en savoir plus à l’issue de la réunion des commissaires. «Il s’agit d’une réunion à huis clos, ces documents sont internes et ils n’ont pas envie de communiquer. Cela va durer encore quelques jours. Mais je sais que la Commission a été ébranlée au plus haut niveau par la médiatisation de ce document et ils vont réfléchir deux fois avant de financer la recherche dans le nucléaire», indique Claude Turmes.
Le Quotidien / Geneviève Montaigu