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Face au Covid-19, les plus pauvres en première ligne


Les chercheurs soulignent que «ceux dont le métier ne permet pas le télétravail ont été plus exposés au virus». (Photo : julien garroy)

Au Luxembourg, les personnes les plus précaires sont aussi les plus durement touchées par le Covid-19, avec davantage de risques d’être contaminées et hospitalisées, selon une nouvelle étude du Statec et du Liser.

Ces dernières années, le virus n’a pas attaqué tous les habitants du Luxembourg de la même manière : des inégalités ont émergé, les personnes les plus pauvres étant davantage contaminées que les autres, plus nombreuses aussi à développer des formes graves. C’est ce que montre une étude du Statec et du Liser présentée ce mardi 1er mars au ministère de la Santé.

«Plus la situation d’une personne était fragile avant la pandémie, plus elle a été frappée par le virus», explique l’économiste et statisticienne Ioana Salagean, qui a passé au crible la situation sanitaire du pays entre mars 2020 et octobre 2021. «Il existe un lien indirect entre sa situation socioéconomique et la probabilité de contracter le virus et d’être hospitalisée.»

Selon le rapport, haut niveau de vie et faible taux d’infection vont de pair : les ménages au niveau de vie inférieur à 25 000 euros par an ont été 1,5 fois plus infectés et leurs membres 1,6 fois plus hospitalisés que ceux dont les revenus annuels dépassent 60 000 euros.

«Durant le confinement, les taux d’incidence étaient semblables, peu importe la catégorie sociale. L’écart s’est creusé à la réouverture des activités économiques, de septembre 2020 à mai 2021 : ceux dont le métier ne permet pas le télétravail ont été plus exposés au virus», note l’économiste. Souvent des métiers manuels et peu rémunérateurs – la construction et l’intérim figurent parmi les secteurs désignés comme les plus risqués.

Parmi les facteurs contribuant à ces importantes variations d’un groupe social à l’autre, les chercheurs citent le niveau d’éducation, l’alimentation, les conditions de travail, l’accès aux services, le chômage, les soins de santé ou encore les conditions de logement.

Le pays de naissance compte aussi

Ils ont aussi chiffré à quel point l’âge constitue un facteur de risque. Le taux de contamination varie du simple au triple dans certaines tranches : «27 % des plus de 90 ans ont été contaminés, contre 20 % des 15-17 ans et seulement 10 % des seniors de 65 à 74 ans», indique Ioana Salagean.

Plus surprenant, le pays de naissance compte également : les résidents nés en Allemagne n’ont été que 9 % à être infectés contre 26 % des résidents nés dans les pays de l’ex-Yougoslavie. «Les aspects comportementaux jouent beaucoup ici, selon sa communauté et son réseau social, or on n’a pas vraiment de données là-dessus», regrette l’experte.

Avec un taux d’incidence de 13 %, les résidents nés au Luxembourg – 55 % de la population – ont néanmoins contribué le plus au nombre de contaminations. Au total, 14 % de la population a été contaminée au moins une fois, moins de 1 % a été hospitalisée et 0,16 % en est décédée (sur la période de référence).

Concernant la vaccination, là encore, des disparités apparaissent en fonction de la catégorie socioéconomique : 79 % des personnes les plus aisées se sont fait vacciner, contre seulement 58 % des personnes vulnérables.

Les auteurs du rapport identifient là un important levier pour les pouvoirs publics puisqu’une campagne de vaccination efficace peut contribuer à gommer cet écart.

Ce qui suggère qu’une amélioration est possible : «Dans le cas d’une épidémie de maladie contagieuse, la stratégie pour limiter les dégâts ne peut pas se résumer à des mesures strictement sanitaires ou médicales», conclut Ioana Salagean. «Les données socioéconomiques doivent être prises en compte, car les inégalités accentuent l’impact du virus.»

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