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Europe : prendre les citoyens au sérieux


Claude Wiseler, député CSV, à propos de l'UE : "J'ai l'impression que l'on reste toujours au stade des discussions" (Photo : Editpress).

La Conférence sur l’avenir de l’Europe passe par des dialogues citoyens invités à participer à la réforme de l’Union. Il faudrait les écouter plus attentivement et tirer les conclusions qui s’imposent.

La Conférence sur l’avenir de l’Europe est censée donner aux citoyens la possibilité de peser davantage sur l’action de l’Union et la manière dont elle travaille pour eux. C’est une idée du président français, Emmanuel Macron, comme le rappelle le député Claude Wiseler (CSV) qui lui reproche dans la foulée d’avoir fermé les portes à l’Albanie et à la Macédoine du Nord, candidates à l’adhésion.

«Non, ce n’est pas ainsi qu’il faut agir!», lance le député, auteur de l’interpellation au sujet de la participation luxembourgeoise à la prochaine Conférence sur l’avenir de l’Europe, mercredi à la Chambre. On ne peut pas vouloir réformer l’Europe avec la participation des citoyens et imposer son veto à l’élargissement. Mais cela n’étonne qu’à moitié le député chrétien-social qui reste sceptique sur les suites d’une telle conférence dont le lancement est prévu le 9 mai, pour la journée de l’Europe, et qui doit s’étendre sur deux ans.

«J’ai l’impression que l’on reste toujours au stade des discussions et que l’on ne tire pas les conclusions qui s’imposent», remarque Claude Wiseler qui rappelle le livre blanc présenté par l’ancien président de la Commission Jean-Claude Juncker, lequel propose cinq scénarios pour l’évolution de l’Union. On ne sait toujours pas lequel séduit le plus le gouvernement. Si la Commission et le Parlement européen semblent afficher plus de dynamisme, le Conseil a plutôt tendance à freiner l’exercice pour de sempiternelles raisons d’intérêts nationaux. C’est vrai pour tous les domaines dans lesquels l’Union est appelée à être active : climat, environnement, économie, droits sociaux, etc.

Wiseler défend des «collaborations renforcées»

«Nous avons besoin d’une Europe forte dans tous ces domaines, militairement aussi, mais le consensus est difficile, alors on ne fait rien», dit en substance le député, qui prévient que «l’on ne peut plus s’en sortir comme ça». Entre la Pologne qui défend son industrie charbonnière et la France le nucléaire, il est en effet utopique de penser parvenir à des actions fortes pour le climat, pour ne citer que ce seul thème.

Or les traités permettent à l’Europe d’avancer à des rythmes d’intégration différenciés, autrement dit d’avoir une Europe à plusieurs vitesses. Des collaborations renforcées, c’est ce que défend Claude Wiseler, qui plaide également pour un renforcement des parlements nationaux qui doivent avoir un droit d’initiative. Et il suggère que la Chambre des députés doit elle-même aller à la rencontre des citoyens pour évoquer l’avenir de l’Europe, «car c’est son rôle, une mission fondamentale qui lui revient, tous partis confondus».

Il a déposé mercredi une résolution qui engage la Chambre des députés à accompagner la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Elle vise entre autres l’organisation de débats publics ouverts et la popularisation de la Conférence sur l’avenir de l’Europe dans un esprit démocratique. La résolution sera finalement discutée en commission parlementaire. Mais Claude Wiseler veut une discussion «sérieuse», avec les citoyens et que leurs attentes soient prises en compte.

Des portes closes

Le président de la commission, le socialiste Yves Cruchten, qui est tout aussi ouvert à la participation citoyenne, indique que la conférence est en phase de préparation mais que le rôle des parlements nationaux serait un des points de la discussion. Les partis semblent d’ailleurs tous d’accord sur ce point.

Le député Marc Baum (déi Lénk) est tout aussi sceptique sur la démarche, qu’il voit comme une déclaration de bonnes intentions. Il rappelle également les propos de Juncker qui disait il y a cinq ans que c’était «la Commission de la dernière chance» et qu’il avait raison en fin de compte : «L’Union européenne a perdu le Royaume-Uni et on a vu comment elle a traité la crise grecque…», déclare le député.

Viviane Reding, ancienne commissaire européenne, s’est réjoui que cette interpellation se soit étendue sur trois heures de débats. Elle aussi a émis des critiques à l’encontre du Conseil qui prend ses décisions «derrière des portes closes». Elle pense comme chacun dans la salle que les parlements nationaux sont toujours confrontés aux directives qu’ils doivent transposer sans avoir la possibilité de contester les choix européens.

Le ministre Jean Asselborn a bien compris que certains désiraient un changement dans les traités, comme la députée verte Stéphanie Empain. «Que voulez-vous changer? Pour moi, ce serait la règle de l’unanimité», a clairement fait savoir le ministre, se plaignant des attaques répétées de pays comme la Pologne contre l’État de droit.

Geneviève Montaigu