Modèle de démocratie par rapport à nombre de ses voisins africains, le Cap-Vert organise ce dimanche des élections législatives. Les expatriés, plus nombreux que les insulaires, sont appelés à participer.
Le Cap-Vert, cet archipel de dix îles (dont neuf habitées) situé au large des côtes mauritaniennes et sénégalaises, fait figure d’exception, et ce, à plusieurs niveaux. En raison de sa diaspora d’abord, plus importante en nombre que sa population résidente : environ un million de Cap-Verdiens sont expatriés, principalement aux États-Unis, au Portugal, en France, au Luxembourg bien sûr, aux Pays-Bas, mais aussi dans d’autres pays d’Afrique comme le Sénégal ou l’Angola, alors qu’ils sont moins de 600 000 à vivre sur l’archipel.
Mais c’est aussi en raison de sa stabilité politique par rapport aux autres pays africains que le Cap-Vert se distingue. Considérée comme un modèle de démocratie, la République du Cap-Vert est réputée pour sa bonne gouvernance. «Il y a encore des améliorations à faire – le bipartisme continue de dominer, il faut que les jeunes contribuent davantage à la politique et il faut mettre en place le vote électronique – mais le pays fait preuve de maturité démocratique. Bien sûr, il y a parfois des contestations, mais elles ne se règlent pas dans la violence mais par des voies légales et démocratiques», explique Gilson Varela Lopes, responsable de la commission électorale du Cap-Vert.
L’alternance existe en effet dans cette ancienne colonie portugaise qui a connu depuis son indépendance en 1975 cinq Premiers ministres différents, un exploit par rapport à certains de ses voisins. Bien qu’un président soit élu, son système politique se rapproche en effet plus d’un régime parlementaire, le leader de la majorité assurant le rôle de chef du gouvernement.
Soixante-douze députés
pour cinq ans
D’où l’enjeu des élections législatives de ce dimanche 18 avril, au cours desquelles les Cap-Verdiens sont invités à élire leurs 72 députés pour les cinq années à venir, quelques mois avant la présidentielle qui se tiendra en octobre. Soixante-six seront élus sur le territoire national et six pour représenter les Cap-Verdiens de l’étranger.
Un nombre jugé du reste bien insuffisant par les expatriés, qui estiment qu’il faudrait plus de députés pour les représenter. «Cela va incontestablement faire partie des prochains débats car la contribution de la diaspora est très importante», fait savoir Gilson Varela Lopes. Sur le plan économique notamment, la diaspora joue un rôle essentiel pour la patrie d’origine, et ce, d’autant plus en cette période de pandémie, qui a vu les revenus du pays liés au tourisme s’effondrer. Les envois d’argent des familles émigrées vers le Cap-Vert (et tout particulièrement celles installées au Luxembourg) ont ainsi représenté au total 134 800 000 euros pour la seule période de janvier à septembre 2020, soit 20 % de plus qu’en 2019. Un montant non négligeable puisqu’il représente tout de même 11,3 % du PIB.
Sans surprise, c’est d’ailleurs le Covid-19 et les effets de la crise sanitaire sur l’économie, l’éducation, le tourisme ou la question de la vaccination, qui dominent le débat autour de ces législatives 2021. «Les autres thèmes habituels concernent le développement du pays. La population veut voir le pays avancer, que ce soit en termes d’éducation, de santé ou de transports aérien et maritime, vers l’étranger ou entre les différentes îles du Cap-Vert, où l’on constate un manque.»
Si les Cap-Verdiens insulaires «aiment la politique», Gilson Varela Lopes craint par contre un fort taux d’abstention parmi les expatriés, notamment au Luxembourg. «Les expatriés ne s’intéressent pas tous à la politique du pays, c’est trop loin… Pourtant une forte adhésion de tous les compatriotes cap-verdiens permettrait de démontrer une fois de plus notre maturité démocratique, malgré la situation pandémique dans laquelle nous nous trouvons.»
Le Luxembourg,
partenaire priviligié
D’autant que ces élections qui promettent d’être «intéressantes», ont vu l’émergence de nouveaux partis composés de membres plus jeunes, aux côtés des historiques Mouvement pour la démocratie (MpD), le parti du Premier ministre Ulisses Correia e Silva, qui espère conserver sa position, et le plus grand parti d’opposition, le Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert (PAICV), actuellement dirigé par une femme, Janira Hopffer Almada. «À l’étranger, les électeurs ne pourront toutefois voter qu’entre trois partis, le MpD et le PAICV, ainsi que le UCID, l’Union cap-verdienne indépendante et démocratique, car les autres n’ont pas les moyens de faire une campagne électorale en dehors du Cap-Vert», précise le responsable de la commission électorale.
Pour Gilson Varela Lopes, il est d’autant plus important pour les Cap-Verdiens du Luxembourg de se rendre aux urnes dimanche que le Grand-Duché a un lien particulier avec l’archipel, au développement duquel il contribue fortement depuis la fin des années 1980. Le Luxembourg y mène en effet de nombreux projets humanitaires et de développement, et avait alloué 45 millions d’euros à son dernier programme indicatif de coopération en date. Il demeure encore aujourd’hui une destination privilégiée pour les Cap-Verdiens désireux d’émigrer et compte entre 100 et 200 Cap-Verdiens arrivant chaque année sur son territoire.
«Le Luxembourg soutient financièrement le Cap-Vert, c’est important que les Cap-Verdiens du Grand-Duché montrent donc aussi de l’intérêt à leur pays d’origine. Le vote, c’est la participation la plus basique à la politique. Et puis, il faut aller voter aussi pour les générations futures, pour nos enfants, nos petits-enfants», insiste Gilson Varela Lopes.
Tatiana Salvan
Campagne et Covid
Le Mouvement pour la démocratie (MpD) et le Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert (PAICV), les partis historiques du pays, n’ont pas manqué de décevoir durant la campagne électorale (qui sera clôturée demain) : leurs dirigeants ont en effet organisé des rassemblements et se sont offert des bains de foule en dépit du contexte sanitaire. Un non-respect des mesures de distanciation sociale qui a suscité l’ire de la population. «J’ignore si cela aura une influence sur les résultats, indique Gilson Varela Lopes, responsable de la commission électorale du Cap-Vert. Mais ce qui est sûr, c’est que les gens ont été très déçus et qu’il faudra faire en sorte que les mesures sanitaires soient respectées, notamment pour la campagne présidentielle à venir.»
Quatre bureaux de vote
Quatre bureaux de vote seront ouverts au Grand-Duché dimanche, de 8 h à 18 h. Les citoyens ont la possibilité de vérifier leur bureau de vote en insérant leur nom complet et leur date de naissance sur la page de la commission électorale du Cap-Vert (www.cne.cv).
NORD :
Däichhal – Salle 2 au 1er étage
3, rue du Deich
L- 9012 Ettelbruck
CENTRE :
1. Ambassade du Cap-Vert
9b, boulevard Prince Henri
L-1724 Luxembourg
2. Centre culturel de Bonnevoie
2, rue des Ardennes
L-1133 Luxembourg
SUD :
Hôtel de Ville (Commune) – Salle Biergeramt au rez-de-chaussée
Place de l’Hôtel-de-Ville
L-4002 Esch-sur-Alzette