Le numérique s’invite de plus en plus à l’école. Est-ce un outil vraiment utile pour l’enseignement et l’apprentissage ? C’était la question au cœur du débat organisé mardi par le Liser aux Rotondes en Ville.
Depuis le lancement en 2014 de la campagne stratégique Digital Lëtzebuerg, et plus spécifiquement de Digital4Education, le numérique et le digital se sont massivement développés au Luxembourg dans de nombreux domaines de la société, y compris l’école. Pour le meilleur ou pour le pire ? Le numérique apporte-t-il une valeur ajoutée à l’enseignement et à l’apprentissage scolaire ?
Le café-débat organisé mardi soir aux Rotondes par le Liser a permis de mettre en lumière des retours d’expérience de chercheurs, d’enseignants mais aussi les inquiétudes de certains parents.
Car l’une des questions qui demeure en suspens concerne bien sûr les conséquences d’une trop grande exposition aux écrans. «Les enfants sont déjà très exposés et d’après certaines études, cela peut avoir un impact sur les connexions neurologiques», s’inquiète une maman. «Ne vaut-il pas mieux leur faire travailler leur psychomotricité, en leur faisant tenir un stylo?», interroge une autre.
Pas de réponse en noir ou blanc
Pour les différents intervenants, il n’existe pas de réponse en noir ou blanc, car les études à ce sujet sont souvent contradictoires.
Pour Luc Weis, du ministère de l’Éducation nationale, «plutôt que de veiller au temps que l’enfant passe sur sa tablette, il faut veiller à ce qu’il fait sur sa tablette : s’assurer qu’il l’utilise en tant qu’instrument de travail avec une approche active, et non pas qu’il la regarde passivement pendant des heures».
Un sentiment partagé par Thierry Rocher, membre du bureau de l’évaluation des élèves du ministère de l’Éducation nationale en France : «Il n’y a pas de consensus autour de la question du temps d’exposition aux écrans. Par contre, il y en a un sur les effets bénéfiques du gaming (NDLR : jouer à des jeux vidéo, situation dans laquelle les enfants ne sont justement pas passifs et sont amenés à raisonner).»
Un outil indispensable pour les «Dys»
Ce qui manque, pour Thierry Rocher, ce sont de véritables expériences qui permettraient d’évaluer clairement l’apport positif ou non du numérique dans l’apprentissage et l’enseignement.
Une partie de réponse a été apportée par Hans Luyten, de l’université de Twente, aux Pays-Bas, qui a mené une étude auprès d’élèves âgés de 9 à 10 ans. Un groupe a utilisé durant cinq mois «Snappet», un outil numérique d’évaluation formative, tandis qu’un autre a poursuivi l’apprentissage traditionnel. «Les progrès constatés au bout de cinq mois d’utilisation de cet outil étaient nettement supérieurs par rapport à ceux qui n’avaient pas utilisé Snappet».
La cause? L’application réajuste au fur et à mesure le degré de difficulté des exercices en fonction des capacités de l’élève et transmet un retour (feedback) immédiat, fournissant ainsi un apprentissage très personnalisé.
MathemaTIC dans toutes les langues
Le Luxembourg a aussi lancé son propre outil numérique, en 2015, MathemaTIC, qui permet, comme son nom l’indique, de travailler les maths dans quatre langues (allemand, français, portugais, anglais), afin de limiter le fossé creusé par le multilinguisme entre les élèves et aussi inclure les parents dans le suivi. Pour l’instant développé pour le cycle 4, MathemaTIC va s’adresser petit à petit à d’autres niveaux et le projet pourrait être adapté à terme à d’autres matières, notamment les langues.
Des initiatives qui pourraient plaire aux enseignants également. Pour Renée Schaber et Jean-Paul Rollinger, enseignants au fondamental à Luxembourg, qui intègrent déjà tous deux quotidiennement le numérique à leurs cours, «ces nouveaux outils favorisent une plus grande collaboration entre les élèves». En outre, l’utilisation d’une plateforme d’échange, Showbie (sécurisée et sans publicité) permet aux élèves de récupérer des fiches, de disposer de liens et de réécouter des cours. «Certains élèves ont besoin de réécouter plusieurs fois les informations. Cette plateforme leur donne la possibilité de travailler en autonomie, en dehors du cadre scolaire.»
Une nécessité pour inclure tous les enfants
Pour les parents d’enfants «Dys» (atteints de troubles cognitifs spécifiques et de troubles des apprentissages), la question du numérique à l’école ne fait nullement débat : c’est absolument nécessaire, comme ont témoigné plusieurs parents présents dans la salle mardi soir : «Grâce à l’utilisation des tablettes, les élèves dyslexiques peuvent écouter les textes à étudier, et les élèves dyspraxiques les annoter sur l’écran. Ces enfants, qu’on aurait pu juger sots, révèlent toutes leurs capacités lorsqu’on leur fournit les outils adaptés. Quand va-t-on enfin étendre l’utilisation du numérique ?»
Tatiana Salvan