Malgré des avancées majeures en faveur des droits des femmes, Ainhoa Achutegui, présidente du Planing familial, craint un sévère retour en arrière des acquis et des mentalités.
Ainhoa Achutegui remet en cause l’éducation donnée actuellement aux garçons, qui promeut une masculinité toxique ou négative. «Si nous ne luttons pas contre elle, la violence contre les femmes subsistera.» Or cette masculinité se perpétue, s’affiche partout, dans les jeux vidéo, à la télévision… L’homme y serait toujours présenté comme le dominant. Une idée qui, selon la présidente du Planning familial et directrice de l’abbaye de Neumünster, s’insinuerait de manière insidieuse dans les esprits : «Hollywood est la preuve que les femmes n’ont pas encore tout atteint. Les jeunes femmes doivent se rendre compte qu’elles doivent lutter deux fois plus que les garçons, être meilleures qu’eux.»
Ces jeunes filles ne se rendraient compte des différences de traitement et de la véracité des idées féministes qu’une fois qu’elles ont intégré le monde du travail. «À compétences équivalentes, ce sont les hommes qui sont engagés parce qu’ils ressemblent aux chefs, parce qu’ils ont des réseaux, parce qu’ils ne risquent pas de tomber enceints. Les clichés sont en nous, malheureusement», regrette Ainhoa Achutegui. La parité dans l’emploi ferait changer les choses : «Aucune femme ne laisserait passer un jeu vidéo sur le viol.»
Grâce à #MeToo, la situation change. Les hommes se permettent moins facilement de harceler les femmes ou d’avoir des gestes déplacés par peur d’être dénoncés ou pointés du doigt en public. Cette peur freine ceux qui n’ont toujours pas compris que leur comportement n’est pas le bon.
Un comportement que l’on retrouve de plus en plus tôt. Les cas d’adolescents ou d’enfants violeurs seraient de plus en plus fréquents. Les vidéos pornographiques accessibles sur YouTube et le jeu vidéo Rape Day, condamné récemment parce qu’il consiste à violer des femmes pour gagner, n’arrange pas la situation, selon Ainhoa Achutegui.
Le féminisme, un concept intellectuel
«Le Planning familial, que je préside, va dans les écoles pour apprendre aux enfants ce qu’est le consentement. Ils nous posent des questions incroyables sur les pratiques sexuelles.» Les jeunes n’intégreraient pas le fait que la sexualité se vit en couple et que les femmes ne sont pas uniquement des objets de plaisir pour les hommes. Heureusement, «de plus en plus de jeunes filles s’engagent sur les réseaux sociaux pour corriger ces idées reçues».
Si une des idées de base du féminisme est celle que le corps des femmes leur appartient et que «je décide pour moi et personne d’autre ne décide pour moi», elle ne serait cependant pas une évidence pour toutes les jeunes femmes. Une idée de base du féminisme est de laisser les familles vivre dans la configuration qu’elles souhaitent, loin du schéma traditionnel. Sous la pression de la société, la politique commence à abonder dans ce sens. «Ce qui est fait au Luxembourg en ce moment va dans la bonne direction. La réflexion féministe est vraie. La législation sur l’IVG est une des plus avancées au monde, par exemple», salue la directrice de l’abbaye de Neumünster.
Le concept du féminisme et de l’égalité est un concept intellectuel, un peu académique. «Il faut l’avoir rationalisé, sinon on tombe dans les clichés par facilité. Si on arrête de se poser des questions, on perd du terrain.» La tendance à une masculinité négative renforcerait l’importance de la journée internationale des Droits des femmes. «Elles doivent se rendre compte que nous ne sommes vraiment pas sorties de l’auberge.»
L’abbaye de Neumünster et ses partenaires organisent d’ailleurs une manifestation qui vaut le détour pour l’occasion avec un programme de conférences et d’ateliers très étoffé.
Sophie Kieffer
A lire également : notre dossier consacré à la journée internationale des droits des femmes, dans Le Quotidien papier du 8 mars