Dignifier la vie des animaux, c’est aussi changer d’habitudes notamment alimentaires.
Début 2016, le gouvernement a présenté un nouveau projet de loi qui se donne pour ambition d’assurer la dignité, la protection de la vie, la sécurité et le bien-être des animaux. Un débat en la matière, organisé aux Rotondes à Bonnevoie et animé par Thorunn Egilsdottir, senior marketing manager du groupe Editpress, a réuni jeudi les invités Fernand Etgen, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Decker, avocat, Jérôme Reuter, membre des Lëtzebuerger Jongbaueren a Jongwënzer, Sonja Thill, vétérinaire et ingénieur agraire et environnemental, Julie-Suzanne Bausch, enseignante en philosophie, et enfin Gérard Anzia, membre de la commission parlementaire de l’Agriculture.
Mis à part la Suisse, le Luxembourg est le deuxième pays à introduire des notions telles que dignité et sécurité de l’animal, ou encore l’idée de ne pas lui faire peur. Le juriste Stéphane Decker, qui a analysé le texte en profondeur, regrette toutefois que leur contrôle soit soumis au ministère de l’Agriculture et redoute «un conflit d’intérêts».
Un label dignité pour vendre régional
En effet, le coût d’activité plus élevé lié à l’application de nouvelles règles pourrait conduire le ministre à les abandonner sous la pression des agriculteurs, et Fernand Etgen ne nie pas ce risque. Il a estimé toutefois que le Luxembourg, en se dotant de règles spécifiques en matière de dignité animale, pourrait déjà aller plus loin que la législation européenne en la matière. Lorsqu’il est question de maltraitance envers les animaux, on pense à des exploitations énormes où seule compte la productivité des animaux.
Des images qui seraient très éloignées de la réalité luxembourgeoise où l’élevage se fait encore majoritairement dans de petites exploitations familiales, comme l’a expliqué Jerôme Reuter. Faux débat ? Pour le député vert Gérard Anzia, il faut valoriser une exploitation d’après sa superficie et non le nombre de ses animaux. Reste que pour produire une viande dans des conditions qui respectent la dignité de l’animal dans tous ses aspects, il faudra garantir un «surplus» à l’éleveur, comme le remarque Jerôme Reuter.
C’est également l’avis de Fernand Etgen, très attentif aux voix qui revendiquent une plus forte promotion des produits locaux : «Il faudra un prix équitable pour les produits locaux.» Nous voilà au cœur du problème : le client d’aujourd’hui est habitué à manger tous les jours de la viande pas chère. «Or personne n’a besoin de 40 côtelettes à 5 euros», comme le résume la philosophe Julie-Suzanne Bausch. Pour Fernand Etgen, un label «dignité» pour la viande pourrait être une solution intermédiaire.
Frédéric Braun