Elle n’avait développé qu’une forme légère du virus. C’était en mars 2020. Aujourd’hui, Lotte subit des douleurs chroniques qui l’empêchent de reprendre le travail. Elle dénonce un certain immobilisme des autorités face au Covid long.
Ça aurait dû passer en quelques jours. Quelques semaines. Elle qui n’avait que de légers symptômes – même pas de fièvre –, comment aurait-elle pu se douter, en ce mois de mars 2020, que ce virus à la une de l’actualité allait faire basculer sa vie bien remplie de maman trentenaire ?
Lotte s’était déjà confiée dans nos colonnes l’an dernier (lire notre édition du 8 juillet) : alors en pleine errance médicale, elle gardait espoir et, surtout, attendait une prise en charge digne de ce nom pour les patients atteints, comme elle, de ce qu’on n’appelait pas encore le «Covid long» à l’époque. Du moins au Luxembourg, car à l’étranger, les autorités sanitaires étaient nombreuses à reconnaître, dans la foulée de l’OMS, cet inquiétant syndrome et à mettre en place des parcours de soins pour ces patients d’un nouveau genre.
Aujourd’hui, le moral de cette habitante de Niederanven est au plus bas. Et pour cause : deux ans après son infection, la jeune femme de 38 ans n’a toujours pas retrouvé sa «vie d’avant» et craint de devoir en faire le deuil. «C’est difficile à accepter, mais le Covid a ruiné ma vie», raconte cette ancienne sportive, membre d’une équipe de hockey et fan de vélo, qui s’épuise désormais au moindre mouvement.
«J’ai encore des séances de kinésithérapie intensives, deux fois par semaine. Mais, si mon état général s’est un peu amélioré, je souffre toujours de fortes douleurs musculaires. Et ça ne disparaît pas, malgré mes efforts», déplore-t-elle. «Ma tête veut, mais mon corps ne peut pas suivre.»
Trop fatiguée pour tenir sur ses jambes sur de longues périodes, cette professeure de néerlandais dans une école de la capitale n’a pas pu reprendre son travail auprès des élèves. Tandis qu’à la maison, il n’est pas rare qu’elle soit déjà couchée lorsque sa petite famille – son mari et ses enfants de 4 et 6 ans – se mettent à table pour le dîner.
Un crève-cœur pour cette maman-poule. «Mon quotidien a beaucoup changé», soupire Lotte, qui continue d’avancer malgré la menace constante du virus, qui a de nouveau frappé en novembre dernier. Le variant Delta n’a pas épargné son foyer et ses quelques progrès ont été réduits à néant.
Médecins et politiques épinglés
Face à ses troubles chroniques, Lotte dit avoir tout essayé. Sans succès. Elle serait éligible au parcours individualisé proposé depuis six mois par le gouvernement au Rehazenter, au CHL et au domaine thermal de Mondorf, mais ses mauvaises expériences passées lui ont fait perdre toute confiance dans ces institutions : «En décembre 2020, le Rehazenter m’avait tout simplement renvoyée chez moi, au prétexte qu’ils ne soignaient pas les patients fatigués, ce sont leurs propres mots», rapporte la jeune femme. «De leur côté, les médecins se bornaient à m’expliquer que je n’avais rien, aucun n’acceptait de faire le lien avec le Covid», ajoute-t-elle, dépitée.
«Je me suis sentie tellement seule», murmure Lotte. «Rien que l’idée de retourner au CHL et de figurer sur cette liste d’attente (selon le ministère de la Santé, les nouveaux patients doivent attendre près d’un mois avant une prise en charge, ndlr) est au-dessus de mes forces», explique-t-elle, taclant au passage le manque de connaissances de la part des médecins du Luxembourg, alors qu’elle-même épluche les nombreuses études scientifiques et les articles de médias internationaux sur le sujet.
Lotte épingle aussi la classe politique, incapable d’apporter la moindre réponse à ces patients – ni même de les recenser – pendant près d’un an et demi. «Aux Pays-Bas, dont je suis originaire, cette maladie a été rapidement reconnue et de l’aide mise en place. Les élus s’emparent du sujet tandis que les experts parlent maintenant de patients « oubliés » : ceux qui, comme moi, ont fait face au Covid seuls, chez eux, et souffrent en silence», remarque la jeune femme.
Avec une autre patiente, elle a lancé le groupe Facebook «Luxembourg – Long covid (EN – FR)» pour recueillir les témoignages d’autres «oubliés» au Grand-Duché et leur apporter du soutien.
Covid long : le système immunitaire en cause
C’est la piste aujourd’hui privilégiée par les chercheurs du monde entier pour expliquer le Covid long. Plusieurs hypothèses sont explorées.
D’après les connaissances actuelles, le Covid long pourrait être dû à des perturbations du système immunitaire. Plusieurs scénarios sont étudiés. Tout d’abord, celui d’un dysfonctionnement immunitaire chronique après une infection à coronavirus, qui pourrait déclencher une chaîne de symptômes dans le corps. En clair, le corps continuerait de combattre des «restes» de coronavirus incrustés dans les tissus pendant de nombreux mois.
Deuxième piste : le Covid déclencherait une réponse auto-immune dommageable. Des anticorps qui attaqueraient par erreur les propres tissus du patient, longtemps après l’infection initiale. Enfin, la contamination pourrait entraîner une inflammation chronique réactivant d’autres virus en sommeil dans le corps. Les chercheurs estiment que ces différentes hypothèses peuvent co-exister.
Les derniers chiffres concernant le Covid long font état de 20% de patients souffrant encore de symptômes après cinq semaines, et 10% après trois mois. Les enfants sont aussi concernés. Et contrairement aux idées reçues, les patients ayant développé une forme légère à modérée, voire asymptomatique, sont davantage sujets au Covid long, comme a pu le constater le CHL.
Le profil type qui se dessine, selon les données mondiales, est celui d’une femme, plutôt active, âgée d’une quarantaine d’années, sans surpoids ni facteur de risque particulier. Un portrait-robot qui correspond en tous points à Lotte (lire ci-contre) et à la majorité des 450 patients qui ont rejoint le parcours de soins mis en place au Luxembourg depuis six mois.
ChB