Le Premier ministre a annoncé hier la fin de l’anonymat des cartes téléphoniques prépayées au Luxembourg.
Le Conseil de gouvernement hebdomadaire s’était réuni pour discuter des conséquences et des suites des attaques terroristes du 13 novembre.
Comment le Luxembourg répondra-t-il à l’état d’urgence décrété en France et au devoir d’assistance invoqué par cette dernière dans la lutte contre Daech? Voilà le genre de questions qui se posaient en amont du très attendu briefing de Xavier Bettel, hier.
D’entrée, le Premier ministre a voulu couper court aux voix réclamant des mesures extraordinaires, expliquant que la GCT (le groupe de coordination en matière de lutte contre le terrorisme) ne voyait pour l’instant «pas de raison particulière pour augmenter le niveau d’alerte du plan Vigilnat, qui sera maintenu au niveau 2». Le système d’analyse du risque terroriste, introduit en mars et organisé en quatre niveaux, est actuellement fixé au niveau 2, conformément à une «menace réelle mais abstraite».
Xavier Bettel a assuré être en contact permanent avec ses homologues étrangers, notamment à propos de l’implication des forces de l’ordre luxembourgeoises dans le contrôle des transports en commun (ferroviaires et aériens) et à la frontière, à l’origine d’impressionnants bouchons sur l’autoroute en direction de la France, ces derniers jours. Sur ce point, le ministère du Développement et des Infrastructures a contacté la SNCF dans l’espoir d’obtenir une augmentation des capacités de transport. Cette augmentation des capacités a finalement été confirmée dans la soirée d’hier par le ministère du Développement durable et des Infrastructures.
Ajustement légaux probables
«La situation est exceptionnelle et elle apportera des restrictions pour un certain nombre de personnes, mais la sécurité prime», a estimé le Premier ministre, qui a annoncé également un renforcement de la présence policière dans les «lieux sensibles», de même qu’une réunion entre le parquet, le cabinet d’instruction, la police et le SREL, en présence de Dan Kersch et Félix Braz, respectivement ministres de l’Intérieur et de la Justice, la semaine prochaine. Pour le Premier ministre, cette réunion sera l’occasion de faire le point sur la législation actuelle en matière de lutte antiterroriste et de réfléchir à des «modifications éventuelles».
Plus concrètement, le ministre d’État a annoncé, hier, le retrait de la vente des cartes prépayées anonymes, ceci sur demande du parquet. La Poste a d’ailleurs informé par communiqué de sa décision de «mettre fin à l’anonymat de ses cartes mobiles prépayées (TIPTOP)». Les autres opérateurs devraient suivre. Xavier Bettel : «Je ne voudrais pas qu’on dise que le Luxembourg est le dernier pays où l’on peut encore acheter des cartes prépayées anonymes.»
Cette décision a de quoi surprendre : les auteurs des attaques de vendredi se seraient-ils servis de puces luxembourgeoises? «Il n’y a pas d’indices pour l’instant», assure le Premier ministre, qui évoque une mesure discutée depuis longtemps. Il s’agit en effet d’une demande récurrente des milieux de la police qui peinent à identifier ceux qui se cachent derrière les numéros de téléphone en question. Toutefois, selon nos confrères de Paperjam, un jour après les attaques de Paris, la police grand-ducale se serait rendue «chez des opérateurs (…) pour leur demander des renseignements sur des utilisateurs de cartes prépayées pouvant être liés aux milieux terroristes».
Son employeur n’aurait pourtant pas fait partie des opérateurs visés, assure Luis Camara, directeur marketing chez Tango, pour qui la nouvelle du retrait de la vente des cartes prépayées n’a rien de surprenant en soi. Dès janvier, les discussions au sein du groupement d’intérêt économique Telcom, créé par les opérateurs et fournisseurs de services de téléphonie mobile au Luxembourg, auraient en effet porté sur les moyens d’identification des utilisateurs. Avec la Belgique, le Luxembourg aurait été «l’un des derniers pays à vendre des cartes prépayées anonymes», confirme Luis Camaro, qui regrette la fin d’un outil très apprécié des touristes, auxquels il permettait de contourner les frais liés au roaming.
Chez nos voisins belges, où la fin de l’anonymat des cartes prépayées a également été discutée cette année, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer une «ingérence dans la vie privée», tandis que pour d’autres le fait de pouvoir disposer à l’avenir des données des clients, représente surtout de nouvelles opportunités commerciales pour les opérateurs.
Frédéric Braun