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Démission, nominations, perquisition : les verts recomposent les troupes


Le nouveau ministre du Logement et ministre délégué à la Sécurité intérieure et à la Défense, Henri Kox. (photos Fabrizio Pizzolante)

Tous les changements sont effectués. Mercredi, déi gréng ont présenté deux jeunes élues, de Dudelange et Grevenmacher, pour remplacer Henri Kox et Roberto Traversini.

À l’heure où des bureaux du ministère de l’Environnement étaient perquisitionnés dans le cadre de l’affaire Traversini, les verts présentaient à la presse leur nouveau ministre du Logement et ministre délégué à la Sécurité intérieure et à la Défense, Henri Kox, ainsi que les deux nouvelles députées, puisqu’il y en a deux.

Roberto Traversini a envoyé mercredi matin une lettre ouverte dans laquelle il annonce sa démission et instantanément sa remplaçante se tient debout face aux journalistes. Elle s’appelle Semiray Ahmedova. Élue neuvième sur la liste de déi gréng dans la circonscription Sud en octobre 2018, elle passe devant trois autres mieux élus pour prendre le siège laissé vacant. Laura Pregno, qui est en congé parental, Romain Becker, qui avance des raisons personnelles, et Georges Liesch, qui a déjà renoncé au poste de bourgmestre de Differdange dont il est premier échevin, ont tous cédé leur place.

La Dudelangeoise de 38 ans, tout comme Chantal Gary de Grevenmacher, 31 ans, qui s’empare du mandat de Henri Kox, futur ministre, débarquent avec des compétences et une expérience du terrain utiles à la fraction écolo. Mais Henri Kox n’a pas démérité, au contraire.

La cheffe de la fraction des verts, Josée Lorsché, a listé les faits d’armes du député, premier représentant écolo de la circonscription Est à la Chambre il y a 25 ans, il est aussi le plus ancien de la fraction. Pour avoir participé à l’élaboration de la politique du logement dans le programme gouvernemental, il était décidément le mieux qualifié pour ce poste. Président de la commission du Logement, il connaît les dossiers qu’il reprend des mains de Sam Tanson. Reste à voir si cet «antinucléaire de la première heure», rappelle Josée Lorsché, sera aussi à l’aise avec la Sécurité intérieure et la Défense.

Le nouveau ministre du Logement livre un premier aperçu de son début de mandat : priorité au Pacte logement avec le débat de consultation prévu en novembre. Côté Défense, il reprend en main les travaux de modernisation et d’extension de la caserne militaire du Herrenberg et l’enveloppe de 137 millions qui l’accompagne. Il prévient déjà que ce projet sera écolo-compatible.

«Une personne privée»

Quant à Josée Lorsché, elle se dit très attachée à ses mandats actuels pour justifier son refus d’entrer au gouvernement comme sa position le lui aurait permis.

Présidente de la fraction, c’est peut-être moins prestigieux que ministre, mais elle tient à prendre sous son aile les deux jeunes et nouvelles députées. Échevine à Bettembourg, Josée Lorsché ne veut pas abandonner ses projets en matière de politique scolaire communale.

Quant à Roberto Traversini, déi gréng retiennent de lui le «bon travail» qu’il a réalisé à Differdange et respectent sa décision «qui démontre qu’il est un authentique vert», dira Christian Kmiotek, coprésident du parti. Il refusera d’évoquer l’avenir de Roberto Traversini, 56 ans, redevenu «une personne privée». Il pourrait, selon certains observateurs, rejoindre les bureaux de la fraction.

Voilà jusqu’où est allée l’affaire de la cabane de jardin de l’ancien député-maire de Differdange qui a préféré quitter la scène politique. Peut-être pas définitivement d’ailleurs. Il doit encore affronter les tribunaux.

Jeudi après-midi, la ministre Carole Dieschbourg sera une nouvelle fois entendue en commission de l’Environnement à la Chambre des députés. L’opposition n’a toujours pas obtenu satisfaction. La ministre s’épuise à répéter ses motivations et laisse le soin au Tribunal administratif de trancher sur son interprétation de la loi.

Geneviève Montaigu

« Ma vie a basculé il y a deux jours »

Elle a étudié l’architecture et a décroché son diplôme à l’université de Bruxelles. Comme elle n’en avait pas assez, elle a embrayé sur des études d’urbanisme. L’aménagement du territoire, c’est aussi son truc.

02102019, Luxembourg, Sécrétariat du groupe parlementaire "déi gréng", Rue du Saint-Esprit 4, Conférence de presse "déi gréng" afin de vous présenter la personne désignée par le comité exécutif dans le cadre du remaniement gouvernemental, © EdSemiray Ahmedova revient au Luxembourg en 2007 où elle coiffe sa casquette d’architecte pendant quelques années. L’air du temps la pousse à élargir sa palette d’activités et à se consacrer au concept de la durabilité dans la construction. «J’ai eu cette envie de me diriger davantage vers les constructions passives, les isolations durables et j’ai eu l’opportunité d’aller travailler à myenergy», relate Semiray Ahmedova.

Autant dire qu’elle était dans son élément au sein de la structure nationale en charge d’accompagner la transition énergétique durable. Elle a surtout aidé les propriétaires privés soucieux de rénover leurs bâtiments dans les normes environnementales les plus avancées et consacré une partie de son travail aux énergies renouvelables. «Une de mes amies m’a fait savoir que le ministère de l’Aménagement du territoire recrutait et m’a envoyé l’annonce à laquelle j’ai répondu en ma qualité d’urbaniste. Je me suis présentée et j’ai été recrutée», nous apprend-elle. C’était en décembre 2015.

La voilà quatre ans plus tard propulsée sur les bancs de la Chambre des députés avec très peu de temps pour préparer son pot de départ. «Je reconnais que les choses se sont passées très rapidement. Je suis encore sous le coup de l’émotion, car je dois d’abord quitter mes collègues et mon travail que j’aime beaucoup. Mais les circonstances ont fait que les suivants sur la liste pour des raisons privées n’ont pas pu accepter le mandat. On m’a appelée il y a deux jours, donc je suis encore un peu sonnée.»

Elle s’est dit que c’était finalement une opportunité unique d’avoir la possibilité de concrétiser ses idées. Tout juste députée, elle héritera du poste de président de la commission Logement occupé jusqu’à présent par Henri Kox. «C’est un grand challenge, mais je l’aborde avec enthousiasme et une certaine fierté, confie-t-elle. Ma vie a basculé en deux jours.» D’origine bulgare, arrivée en 1990 à l’âge de 10 ans au Luxembourg, elle aurait dû initialement atterrir au Canada. «Le destin en a décidé autrement et je suis finalement très heureuse d’avoir intégré ce pays qui est mon pays de cœur.»

« Je crois que j’ai hésité »

Chantal Gary suit des études de géographie à Montpellier avant de poursuivre son master à Innsbruck en Autriche. Son parcours universitaire la conduit jusqu’au Brésil où elle réalise un stage de six mois auprès d’une institution qui crée le contact entre les paysans et l’État.

02102019, Luxembourg, Sécrétariat du groupe parlementaire "déi gréng", Rue du Saint-Esprit 4, Conférence de presse "déi gréng" afin de vous présenter la personne désignée par le comité exécutif dans le cadre du remaniement gouvernemental, © EdLa géographe Chantal Gary revient au pays après ses études et travaille pendant deux ans chez Fairtrade. Au sein de cette ONG qui œuvre en faveur du commerce équitable, elle a surtout fait un travail de sensibilisation auprès des institutions et des entreprises.

Elle continue son bonhomme de chemin vers la Communauté des transports, la Verkéiersverbond, qu’elle a rejointe il y a un peu plus d’un an. «Je travaille sur des plans de mobilité pour des entreprises, ce qui est très différent du commerce équitable, même si je fais toujours un travail de sensibilisation, mais cette fois sur la mobilité douce», explique Chantal Gary. Elle a déjà des terrains de prédilection et, en tant que députée, elle dit avoir des capacités pour s’investir dans plusieurs commissions parlementaires : la mobilité mais aussi l’agriculture, la viticulture et le développement rural. «Moi-même je possède un petit vignoble et je vais faire mon propre vin dans quelques années», nous confie-t-elle. C’est son projet personnel.

Chantal Gary est une grande sportive. Elle a pratiqué les arts martiaux, en particulier le taekwondo, pendant une vingtaine d’années et jusqu’à la saison dernière, elle faisait partie de l’équipe féminine du HB Museldall de Grevenmacher. Malheureusement, la handballeuse a dû abandonner sa carrière sportive après cinq opérations du genou. «C’est fini sur le terrain, mais je suis maintenant vice-présidente du club.» Elle va évoluer sur un autre terrain, politique celui-là, où on trouve aussi de redoutables adversaires.

Une hésitation ? «J’ai beaucoup réfléchi car cela fait 14 mois que j’ai intégré la Verkéiersverbond et ils ont consacré beaucoup de temps et d’énergie à ma formation pour que je devienne autonome», reconnaît-elle. Donc quitter «cette équipe formidable» ne se décide pas en trois secondes. Elle a donc discuté avec des amis et des jeunes députés de sa fraction pour connaître leur expérience. «Je crois que j’ai hésité.»

Pour Chantal Gary, cela avait du sens de conduire les gens sur le chemin d’une société plus écologique, plus durable et elle aime ça «depuis toujours». Elle l’a fait chez Fairtrade et à la Communauté des transports. Finalement, ce mandat à la Chambre qu’elle hérite de son oncle Henri Kox, à l’âge de 31 ans, lui permettra de poursuivre son œuvre : bâtir une société écoresponsable.