Le Premier ministre, Xavier Bettel, ne voit pas de dégâts post-référendum quand le CSV l’accuse d’avoir laissé le pays en lambeaux. Mardi à la Chambre, l’opposition a renouvelé ses critiques à un gouvernement toujours satisfait d’avoir déclenché cette discussion dans le pays.
Jamais Claude Wiseler n’a été aussi bouillant à la tribune de la Chambre. Le CSV ne voulait pas de ce référendum pour ne pas diviser la société luxembourgeoise. Le non massif a créé des dégâts, selon lui. Le chef du gouvernement, Xavier Bettel, estime tout le contraire. C’était un mal nécessaire car il fallait prendre le pouls des électeurs. Et il répète que ce référendum n’était pas destiné à noter le gouvernement. Il reste en place.
Il aura fallu attendre un lendemain de référendum pour voir Claude Wiseler, président de la fraction chrétienne-sociale, aussi fébrile à la tribune de la Chambre. C’est lui qui a insisté au nom de son groupe pour inscrire à l’ordre du jour un débat censé faire l’analyse des résultats de la consultation de dimanche dernier. Mais ce sont essentiellement des reproches qu’il a adressés au gouvernement, accusé d’avoir réveillé des démons et créé un fossé entre nationaux et non-nationaux.
Le gouvernement «désavoué»
« Cette discussion était mauvaise pour le pays », assène-t-il, remonté comme un coucou. Le Premier ministre, Xavier Bettel, encaisse sans broncher et lui répliquera calmement qu’au contraire, elle était nécessaire est courageuse. Il se dit « satisfait » du débat que ce référendum a suscité quand Claude Wiseler lui, s’estime « blessé ».
Le chef du principal parti d’opposition, partisan du non, imagine que les ambassades luxembourgeoises « doivent donner des explications », mais Xavier Bettel lui réplique, encore une fois, que c’est tout le contraire. Il brandit d’ailleurs un message d’une des missions diplomatiques lui indiquant que le référendum est «passé inaperçu» dans la presse étrangère. Mieux, Xavier Bettel lui répond que les articles parus dans les médias étrangers saluent « le courage du gouvernement » qui a soumis la question du vote des étrangers aux électeurs « alors que le sujet est tabou », dans les autres pays.
Claude Wiseler répète inlassablement que les discussions qui ont précédé le référendum « étaient mauvaises » en faisant référence aux propos xénophobes et racistes qui sont venus parfois les envenimer au milieu d’arguments plus réfléchis, dont ceux de son parti, le CSV.
Le même Claude Wiseler rappelle que sa formation a toujours laissé la porte ouverte à l’intégration des résidents étrangers et remet sur le tapis l’assouplissement des conditions d’accès à la nationalité luxembourgeoise.
Hier, chacun s’est d’ailleurs accordé sur ce point à la Chambre des députés. Ce qui n’a pas empêché le CSV de rappeler au gouvernement qu’il ne pouvait pas faire comme si rien ne s’était passé dimanche et reprendre le cours normal de la vie politique. Un gouvernement accusé d’avoir laissé ce pays en lambeaux. « Je ne vous demande rien, mais si j’étais à votre place, je démissionnerais », ajoute Claude Wiseler, visiblement écœuré « par les dommages que ce référendum a causé dans le pays », selon lui.
Pas question de «guerre civile»
Il se demande comment le gouvernement peut poursuivre son programme de réformes « pourtant nécessaires », alors qu’il a perdu « toute crédibilité » car « jamais un gouvernement n’avait été autant désavoué », conclut-il.
Le socialiste Alex Bodry a déclaré que le oui et le non n’appartenaient à aucun parti. « On ne peut pas dire que le oui revient à l’élite et le non au Luxembourg d’en bas », se risque-t-il, non sans déclencher une gronderie dans les rangs de l’opposition. Il ne partage pas « la vision apocalyptique », décrite par Claude Wiseler qui frôle « la guerre civile ». Mais il a bien compris le message et rappelle que la majorité respectera ce vote.
Eugène Berger (DP) ne dit pas l’inverse sur ce point, ni même Claude Adam pour les verts, de loin le plus posé de tous les intervenants d’hier. Chacun dans la majorité s’accorde à dire que la question du déficit démocratique reste ouverte et ne veut pas entendre parler de démission du gouvernement ou du Premier ministre car ce n’est pas le but d’un référendum auquel cas, il ne pourrait plus jamais y en avoir.
D’ailleurs, Alex Bodry souligne que tous les partis, y compris l’ADR, ont insisté pendant la campagne pour dire aux électeurs qu’ils devaient répondre aux trois questions et non pas pratiquer un vote sanction.
Le luxembourgeois pour communiquer
Les formations politiques, majorité et opposition confondues, vont désormais travailler sur la loi sur la nationalité et assouplir les conditions linguistiques notamment. Mais il n’est pas question d’abandonner la pratique de la langue luxembourgeoise, même si le niveau de connaissance sera revu à la baisse. « Le luxembourgeois reste la langue de communication du pays », décrète Alex Bodry. Personne n’a dit le contraire hier à la Chambre, alors que les cours doivent se multiplier.
Le droit du sol sera instauré dans la nouvelle loi. David Wagner pour dei Lenk souligne que si des critiques se sont élevées en France contre ce droit du sol, c’est simplement parce que la situation économique est autrement plus désastreuse dans ce pays pour une certaine catégorie de personnes. « Le vivre-ensemble a bien fonctionné et continuera a bien fonctionner au Luxembourg en comparaison à ce qui se passe ailleurs. Mais pour combien de temps? », interroge le jeune député. Il accuse le CSV d’avoir effrayé les électeurs avec son slogan «Opgepasst!» («Attention!») qui suggérait, selon lui, de faire attention aux étrangers.
Quant à Gast Gibéryen (ADR), il analyse les résultats d’une façon très claire : « Les Luxembourgeois ont démontré, comme en 1919 et 1941, qu’ils étaient attachés à leur souveraineté, à leur nationalité et à leur langue », énonce-t-il calmement. Il suggère des cours de luxembourgeois gratuits et en nombre pour faciliter l’intégration des non-nationaux. Lui aussi en profite, comme membre de l’opposition, pour réclamer le départ de Xavier Bettel. « Pour un gouvernement qui voulait moderniser le pays, il a davantage détruit le pays en 18 mois que l’inverse », conclut-il.
Geneviève Montaigu
N’est-il pas intéressant de relire sur le site ‘Gouvernement.lu’ un article du 30 juin…2002 sur le thème « Migrations: les enjeux. Défis pour l’économie et la cohésion sociale »… :
« Jean-Claude Juncker a constaté que cette immigration, risquant de mettre en minorité les autochtones luxembourgeois dans un avenir prochain, n’a pas rendu « malheureux » le pays.
Toutefois, l’évolution démo-sociologique luxembourgeoise risque de scinder la population en deux parties, celle qui participe pleinement au pouvoir par l’exercice de son droit de vote actif et passif, et celle qui n’en participe pas ou seulement partiellement.
Le Premier ministre insista sur le lancement d’un débat portant sur les possibilités de remédier à cette situation inéquitable. Une telle discussion devrait notamment porter sur la modernisation du concept de citoyenneté et du droit de vote, sur la notion de double nationalité et le maintien de la langue luxembourgeoise en tant qu’élément fédérateur.
Le modèle d’immigration luxembourgeois fait face à certains défis sociologiques, qui toutefois peuvent sans doute être résolus avec patience et détermination. »
Force est donc de reconnaître que 13 ans après, on n’a donc pas encore beaucoup avancé…