Le débat sur le droit de vote des étrangers peine à décoller, comme l’a prouvé une nouvelle fois une soirée-débat dans la Métropole du fer.
Hier, une soirée d’information et de débat à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette a réuni Claude Wiseler et Félix Braz pour un échange sur le droit de vote des étrangers.
Comme l’a montré Sylvain Besch, chercheur au Centre d’études et de formation interculturelles et sociales (CEFIS) dans un bref exposé introductif, la population du Luxembourg ne cesse d’augmenter. Mais avec plus de décès que de naissances, les Luxembourgeois n’y sont pratiquement pour rien. L’immigration et les naturalisations sont donc les principales explications. Entre 500 et 700 enfants naissent chaque année au Luxembourg.
Laura Zuccoli, de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), estime qu’avec un taux d’étrangers de 46 %, «situation unique en Europe et dans le monde», le «fossé» entre ceux qui ont le droit de vote et ceux qui ne l’ont pas ne cesse de se creuser. Pour réduire ce «déficit démocratique», la double nationalité ne serait «pas une solution en soi», pas plus que la notion de droit du sol. Dans ce contexte, elle récuse l’idée qu’un oui majoritaire en faveur du vote des étrangers puisse avoir l’effet d’un «glissement de terrain». Au contraire, le paysage politique se transformerait en douceur et le Luxembourg «pour une fois ferait parler de lui en termes positifs».
Mais la soirée d’hier, soirée d’information et de débat, n’a pas seulement voulu donner la voix au oui.
«Idée du peuple»
Ainsi, Fred Keup, du mouvement NEE2015.lu, opposé à l’ouverture du droit de vote aux étrangers, a lui aussi pu s’exprimer. Sur Facebook, son groupe compte 3 000 adhérents. Pour l’enseignant de géographie du lycée technique d’Esch-sur-Alzette, le droit de vote des étrangers n’est «pas une idée issue du peuple» et pourrait avoir des «conséquences potentiellement catastrophiques». Pour lui, accorder le droit de vote facultatif aux étrangers n’est d’ailleurs qu’un leurre pour alléger les conditions d’accès dans une deuxième étape. «Que restera-t-il de nous à ce moment-là. Nous serions la seule nation qui ne possède plus de Parlement national», conclut le partisan du non.
Lors du débat ultérieur, Félix Braz, ministre de la Justice, et Claude Wiseler, président de la fraction du CSV, se sont affrontés sur un certain nombre de questions. La modération était assurée par Dan Codello, membre du collège échevinal de la ville d’Esch-sur-Alzette.
Selon Claude Wiseler, le non du CSV est «un non de la porte ouverte». Il s’est d’ailleurs à nouveau exprimé pour une solution qui tienne compte de la nationalité tout en soutenant l’idée d’un renforcement général de la participation des citoyens étrangers à la politique.
Pour Félix Braz, même une réforme de la législation, actuellement en vigueur, ne permettrait jamais de réduire le fossé entre le solde migratoire et les Luxembourgeois. Pour le ministre, parler de nationalité dans ce contexte n’est d’ailleurs pas la bonne voie.
«Le luxe de vivre en parallèle»
Faisant écho à l’argument de Fred Keup selon lequel la discussion sur le droit de vote des étrangers serait une «décision des élites», Dan Codello a rappelé que la discussion sur le droit de vote pour les étrangers a été relancée par l’ancien directeur de la Chambre de commerce, l’actuel ministre des Finances, Pierre Gramegna, qui estimait à l’époque que «la question économique [était] au cœur du problème».
Pour Claude Wiseler, l’argument de Pierre Gramegna serait «incompréhensible». D’ailleurs, l’actuel ministre n’aurait voulu que s’assurer, à l’époque, les voix du secteur privé. Pour Félix Braz, pour qui la question du droit de vote des étrangers est avant tout une question de «vivre ensemble», les choses sont claires : «Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de vivre en parallèle.» De Claude Wiseler, Dan Codello a voulu savoir ce qui, au fond, s’oppose à ses yeux au principe d’égalité. Le député chrétien-sociala alors remarqué que «tous les pays européens lient les droits à la nationalité».
Frédéric Braun