La pétition, soutenue par les syndicats, a débouché sur un débat. Les signataires ont eu enfin l’occasion de discuter avec Claude Meisch de son projet pilote pour former plus d’éducateurs et plus vite.
Les syndicats ont sorti la grosse artillerie pour avoir l’occasion de débattre en direct avec le ministre Claude Meisch de son souhait d’ouvrir la formation d’éducateur à des diplômés qui profiteraient de passerelles pour se former en un an au lieu de trois actuellement.
Mardi à la Chambre, les pétitionnaires parmi lesquels figurent des représentants syndicaux issus de la CGFP et de l’OGBL ont largement exposé leurs arguments qui s’opposent à «toute perte de qualité» de la formation de l’éducateur. Si l’idée même de créer des passerelles ne les dérange pas, ils refusent catégoriquement de brader le diplôme qui comporte quelque 26 semaines de stages sur le terrain au cours des trois années d’enseignement au lycée technique pour professions éducatives et sociales (LTPES).
Selon le ministre Claude Meisch, il ne s’agit pas d’une réforme, mais d’un projet pilote comme il l’avait expliqué en mai dernier avant de s’attirer les foudres des syndicats qui exigeaient aussitôt le retrait pur et simple de ce projet et l’instauration d’un dialogue avec les acteurs concernés pour tout projet à venir.
Le succès de la pétition, quelque 4 700 signatures, a permis au débat public de jeter la lumière sur le besoin croissant d’éducateurs dans le pays et les limites des contingents disponibles chaque année. Le ministre est face à une pénurie d’éducateurs comme c’est déjà le cas pour les enseignants.
La crainte d’une dévalorisation du diplôme
Selon les estimations, le secteur de l’éducation non formelle de l’enfance a connu à lui seul une croissance de 250 postes d’éducateurs par an sur la période 2014-2020 et les offres d’emploi pour le personnel socio-éducatif ont doublé de 2014 à 2018. En 2019, plus de 800 annonces d’emploi d’éducateur diplômé ont été publiées. Il n’y a pas que le secteur de la petite enfance qui embauche, mais aussi les personnes à besoins spécifiques, les seniors.
L’éducateur doit avoir une connaissance de tous ces secteurs, plaident les pétitionnaires et ils ne voient pas comment les candidats peuvent accéder à toutes ces expériences en une année de formation à la place de trois.
Que propose Claude Meisch pour la rentrée 2021/2022? Un projet pilote qui permettrait aux diplômés d’un certificat d’études secondaires en sciences sociales (GSO) d’accomplir la formation d’éducateur en seulement un an au lieu de trois, après la troisième, au LTPES. Les pétitionnaires y voient une dévalorisation du diplôme par une perte de qualité de l’enseignement et un accès à deux vitesses à la profession.
L’idée de Claude Meisch présente le grand intérêt de pouvoir former plus et plus vite les éducateurs qui sont très recherchés. Mais rien n’est figé. Le projet sera évalué, éventuellement étendu au-delà de 2021/2022 et pourra connaître des adaptations si nécessaire. Mais le ministre a bien envie de tenter l’expérience ne serait-ce que pour offrir des opportunités au nombre croissant d’élèves inscrits dans les classes GSO chaque année, ce qui en fait la section la plus fréquentée de l’enseignement secondaire général en 2020/2021 avec 28 % d’inscrits.
Parfois embauchés au salaire minimum
Pour ceux-là, qui ont un bac en poche, la passerelle consiste à les parachuter directement en année terminale du diplôme d’État d’éducateur, classe jusqu’à présent accessible qu’aux élèves ayant réussi la classe de 1re de la section de la formation de l’éducateur (GED) ou de la formation de l’éducateur en alternance (GEA).
«La proximité curriculaire de la section GSO avec la section GED et leur orientation commune vers la pratique socio-éducative autorisent cet accès parallèle», juge le ministre.
Deux établissements scolaires proposent en 2021/2022 cette formation d’une année. Ils accueilleront chacun un maximum de 20 à 23 étudiants. L’École nationale pour adultes (ENAD) organise la formation en alternance, en cours d’emploi. Elle s’adresse aux adultes qui détiennent à la fois un diplôme de fin d’études secondaires générales de la section sciences sociales et un contrat de travail dans le secteur éducatif et social d’au moins 16 heures par semaine.
Mardi, les députés ont voulu savoir quelles alternatives les pétitionnaires comptaient proposer pour répondre au manque d’éducateurs et c’est surtout les stages pratiques qu’il faut défendre. Le schéma qu’ils proposent revient finalement à accomplir une année de plus, ce qui rend la passerelle peu attrayante, car autant suivre tout le cursus du LTPES.
Ce qu’il faut surtout, c’est montrer que le job est intéressant. Actuellement, avec le boom des crèches, de nombreux éducateurs formés à l’étranger sont engagés par des grands groupes internationaux au salaire social minimum et ce n’est guère valorisant, selon les informations livrées par les pétitionnaires.
«On ne peut pas avoir le même bagage en un an de formation, en comparaison avec les trois années accomplies dans un lycée spécialisé», concluent en substance les pétitionnaires. Restera à évaluer le projet pilote.
Geneviève Montaigu
L’alternative d’un second site
Le ministre Claude Meisch s’est montré ravi de cette discussion. Les syndicats aussi et ils ont eu l’occasion de lui redire que sa façon de procéder était «scandaleuse». Les syndicats ont été placés devant le fait accompli et cette pétition a été leur réponse pour obtenir un débat sur cette question. Reste que des idées ont fleuri et le ministre n’a pas exclu la possibilité d’ouvrir un second site pour le LTPES qui permettrait de former davantage d’éducateurs chaque année.
Pour l’heure, ce débat lui a permis de voir «les corrections à apporter au projet pilote». Pour les syndicats, un dialogue aurait été le bienvenu avant d’élaborer ce projet, mais comme le font remarquer les pétitionnaires, ils ne sont pas les seuls à se plaindre du manque de dialogue avec le ministre de l’Éducation nationale. La discussion se poursuivra en commission avec les députés.