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Dans la « jungle » des campements sauvages de migrants à Calais


La fin de la trêve hivernale approche et les autorités calaisiennes ont décidé de rassembler tous les migrants dans un ancien camp de loisirs. Une mesure contestée, car l’endroit serait contrôlé par la mafia. Le Quotidien y a accompagné une classe de sociologie de l’École européenne de Luxembourg, pour une rencontre rare.

La tombée de la nuit. Devant nous, une Passat blanche serpente à basse vitesse, ralentit, redémarre. C’est celle d’Amir, notre guide iranien. Il va nous diriger vers une « jungle » aux abords de la ville. C’est ainsi que sont baptisés les campements sauvages de migrants qui attendent à Calais l’occasion de passer en Angleterre.

Néons rouges, vitrines éclairées : le soir, cette ville, si âpre, semble presque chaleureuse, vue de l’autocar dans lequel nous sommes assis, glissant entre les façades de brique rouge. Nous, c’est-à-dire les élèves de la classe de sociologie de Sébastien-Louis, qui a organisé ce voyage, ainsi qu’un groupe d’invités, dont je suis. À un moment, le convoi prend à gauche, traverse un parking et s’immobilise. Là, caché derrière un supermarché Leader Price, à proximité immédiate de l’autoroute, se trouve le camp des Soudanais.

Ibrahim, qui nous accueille, a vingt ans, mais paraît davantage. Ses mots sont graves, entourés d’une odeur de bois brûlé. Il y a environ cinquante hommes dans ce camp. La plupart assistent à la scène depuis une butte, d’autres, dans un abri de palettes en bois, recouvert de bâches en plastique, préparent du thé sur un feu. Tout autour se dressent des tentes. Ibrahim porte un bonnet sur la tête et, nouée sous le menton, une écharpe pour se protéger contre le froid.

Il vient seulement de débarquer à Calais ce matin mais, comme pour beaucoup, son périple européen a commencé en Grèce. Ibrahim souffre d’une fracture de la hanche. Il ne pourra être opéré qu’une fois en Angleterre. Il explique que pour passer en Italie, il lui a fallu rester 48 heures à bord d’un camion. Des chauffeurs, il se méfie. Certains n’hésiteraient pas à tuer. Comme diraient les Soudanais : « Le cadavre a toujours tort. »

Une fois arrivé, il est interpellé, puis passé à tabac par des policiers. Aux coups qui pleuvent, Ibrahim oppose sa foi : « Dieu voit tout », mais l’autre n’en a que faire : « Que veux-tu ? Il n’y a pas de dieu. »

La nuit, paraît-il, lorsqu’il y a des bouchons, les hommes qui vivent sur ce terrain jonché d’ordures, grimpent la bordure pentue qui sépare leur camp de l’autoroute pour se glisser dans les camions. L’Angleterre, depuis Calais, n’est qu’à trente kilomètres et si les contrôles sont stricts, le trafic incessant réserve des failles…

Un reportage en immersion, de notre journaliste Frédéric Braun, à lire en intégralité dans l’édition papier du Quotidien de ce mardi.