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CSV, DP et LSAP jouent au poker menteur


Le Premier ministre, Xavier Bettel (à d.), n'a pas jeté son dévolu sur le CSV pour former une nouvelle majorité. Vendredi, Étienne Schneider et Corinne Cahen (médaillon) ont réfuté une offre allant dans ce sens. (Photos : Fabrizio Pizzolante)

Écarté du pouvoir depuis fin 2013, le CSV est accusé de tirer les ficelles pour former une nouvelle coalition gouvernementale. Il est confirmé qu’un membre «hautement placé» du parti a approché le DP et le LSAP.

L’information divulguée vendredi matin par nos confrères du Land n’a pas tardé à faire des vagues. Le DP et le LSAP affirment avoir été contactés séparément par le CSV pour former une nouvelle majorité à deux (DP-CSV ou LSAP-CSV). Le président du Parti chrétien-social, interrogé par Le Quotidien, réfute toute «offre officielle», mais ne nie pas que des «pourparlers informels» sont régulièrement menés. Qui dit vrai? Pour l’instant, les trois partis jouent au poker menteur.

Tentative malicieuse du CSV pour forcer son retour au pouvoir ? Ou contre-feu allumé par les partis de la majorité en place pour faire retomber la pression qui pèse depuis plusieurs mois sur le gouvernement et plus particulièrement déi gréng ?
À l’heure actuelle, il est difficile d’y voir clair. Mais des pourparlers menés en coulisses, tant par des membres du CSV que par des membres de la majorité DP-LSAP-déi gréng, semblent être monnaie courante. «Depuis la formation de la nouvelle coalition tricolore, on ne cesse de répéter que les partis formant le gouvernement seraient mieux avisés d’avoir le CSV avec eux. On l’a déjà dit à des représentants des trois partis et on va continuer à le faire», admet Frank Engel, le président du CSV. Il réfute toutefois toute «offre immorale ou officielle» qui aurait été soumise au DP ou au LSAP pour former une nouvelle coalition à deux partis. «Ce n’est pas le moment de le faire. Or on continue de se parler à tous les niveaux. J’espère que cela restera toujours le cas, mais que le contenu de ces pourparlers ne se retrouvera plus dans les médias», reprend Frank Engel.

«Aucune raison de changer la coalition»

Le son de cloche est tout autre chez le DP et le LSAP. Comme l’ont révélé vendredi matin nos confrères du Land, les deux partis ont bien été approchés par le CSV pour former une nouvelle majorité à deux. La confirmation de ces informations, d’ailleurs basées sur des «sources gouvernementales bien informées», est intervenue en fin de matinée.

La ministre et présidente du DP, Corinne Cahen, et le vice-Premier ministre socialiste, Étienne Schneider, ont fait part au micro de RTL Radio de la manœuvre menée par le camp chrétien-social.
Interrogée en fin d’après-midi par Le Quotidien, Corinne Cahen indique qu’«une personne du CSV» l’a approchée «ces derniers jours» pour former une nouvelle coalition. «Il y a beaucoup de personnes qui ont quelque chose à dire au CSV. Une de ces personnes m’a soumis une offre», précise encore la présidente, qui ne souhaite toutefois pas divulguer le nom de l’intermédiaire.

Étienne Schneider nous confirme, de son côté, qu’on lui avait proposé «par personne interposée» de devenir Premier ministre d’une coalition LSAP-CSV. Il fait même un pas de plus en évoquant une «personne hautement placée» du CSV «qui a tout le loisir de prendre elle-même position». Soulignant d’«avoir catégoriquement refusé» l’offre, Étienne Schneider n’a toutefois pas hésité à informer ses partenaires de coalition de la démarche du CSV. «Sans la publication de l’article dans le Land, je ne me serais jamais prononcé publiquement sur cette offre», indique encore le vice-Premier ministre.
Le DP a lui également décliné l’offre sans hésiter. «Il n’existe aucune raison de remettre en question la coalition en place. Cela fonctionne bien, à la fois sur le plan humain et professionnel»,
affirme Corinne Cahen. Contacté par nos soins, le Premier ministre libéral, Xavier Bettel, n’a pas souhaité se prononcer.

«Pourquoi devrait-on se prostituer ?»

On revient donc à la question initiale : tentative malicieuse ou contre-feu? Il est fort probable que les deux hypothèses ont du vrai. Et il est un fait que le CSV n’est pas forcément sur la même ligne en ce qui concerne la question. Un brin surprise, la cheffe de file du camp chrétien-social à la Chambre, Martine Hansen, a réfuté vendredi toute «offre officielle» soumise au DP ou au LSAP. «Mais on compte 10 000 membres. Je ne peux donc pas parler pour tous», ajoute celle qui forme avec Frank Engel le duo de tête du CSV.

Le président du parti s’acharne surtout sur le LSAP. «Induire que le CSV puisse laisser le poste de Premier ministre à un Étienne Schneider dont le parti ne dispose que de 10 sièges à la Chambre démontrerait le désespoir du CSV. Or cela n’est pas le cas», martèle Frank Engel. Après la gifle reçue lors des législatives de 2018, le parti se trouverait dans «un processus de dynamisation». En plus, la politique d’opposition menée depuis un an ferait que «d’autres acteurs commenceraient à désespérer». «Pourquoi donc devrait-on se prostituer?», lance Frank Engel, avant d’ajouter que la majorité «tente de détourner l’attention par rapport au fait qu’un de ses membres se prend les pieds dans le tapis».

Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le président du CSV s’est toutefois montré bien moins sévère en direction du DP. «Il faut être conscient qu’on ne reviendra pas à des coalitions à deux partis avec une majorité de 38 ou même 40 sièges. La coalition au pouvoir a démontré qu’on peut gouverner avec une courte majorité», indique-t-il. Si une coalition LSAP-CSV pourrait compter sur 31 députés (10 socialistes et 21 chrétiens-sociaux), une alliance DP-CSV aurait une majorité de 33 élus (12 libéraux et 21 chrétiens-sociaux).

En attendant la poursuite de «contacts informels», l’épisode de vendredi a permis aux deux camps de fourbir leurs armes en vue de la déclaration sur l’état de la Nation, qui sera présentée mardi par le Premier ministre. La semaine de débats à la Chambre s’annonce explosive.

David Marques

Déi Gréng : «La coalition va rester unie»

Le Premier ministre, Xavier Bettel (à d.), n'a pas jeté son dévolu sur le CSV pour former une nouvelle majorité. Vendredi, Étienne Schneider et Corinne Cahen (médaillon) ont réfuté une offre allant dans ce sens. (Photos : Fabrizio Pizzolante)

Le Premier ministre, Xavier Bettel (à d.), n’a pas jeté son dévolu sur le CSV pour former une nouvelle majorité.
Vendredi, Étienne Schneider et Corinne Cahen (médaillon) ont réfuté une offre allant dans ce sens. (Photos : Fabrizio Pizzolante)

Djuna Bernard, la jeune coprésidente des verts, estime que la coalition tiendra bon (Photo : Julien Garroy).

Djuna Bernard, la jeune coprésidente des verts, estime que la coalition tiendra bon (Photo : Julien Garroy).

Dès jeudi soir, à l’occasion de leur congrès extraordinaire, déi gréng avaient clamé que la coalition au pouvoir n’allait pas se laisser diviser par le CSV. Les révélations de vendredi auraient pu semer le doute chez les verts. Mais il n’en est rien. Contactée par nos soins, la coprésidente Djuna Bernard souligne que «les trois partenaires de coalition ont dès mercredi apposé un signal fort».

C’est à ce moment que les trois ont été informés de la manœuvre du CSV. «Il y a eu des appels. Nous on n’a pas été approchés. Mais les trois partis n’ont pas hésité à confirmer leur unité et affirmer la profonde confiance qui caractérise cette coalition depuis ses débuts», souligne Djuna Bernard. Elle avoue d’ailleurs que déi gréng «ont fortement apprécié» la confiance que leur témoignent toujours le DP et le LSAP. L’arrivée de nouvelles députées chez déi gréng n’affectera d’ailleurs pas, selon elle, cette bonne relation : «On va faire connaissance et se faire confiance.»

«Qu’il s’occupe de son appareil digestif !»

Le CSV aura beau tenter de créer la zizanie, «cette coalition restera unie», insiste Djuna Bernard. Celle-ci n’épargne d’ailleurs pas l’autre camp. «Certains membres du CSV, je dis bien certains, n’ont encore jamais eu des sympathies pour déi gréng. Cela est devenu très clair maintenant.» Assumer son rôle de parti d’opposition serait légitime. «Or la façon de procéder du CSV, qui ne cesse de viser les personnes et émet des accusations peu fondées, témoigne d’un mauvais style démocratique», dénonce la coprésidente.

Le flirt entre le CSV et déi gréng semble donc loin. «J’ai toujours plaidé pour un gouvernement noir-vert, rappelle le président du CSV. «Mais désormais cette option n’est plus viable. Leur président clame attraper la nausée en pensant au CSV. Qu’il s’occupe donc de son appareil digestif!», balance Frank Engel. La messe est dite.