Le gouvernement a validé un paquet de 27 mesures pour renforcer la lutte contre la criminalité liée aux stupéfiants. Le cannabis récréatif changera de statut, la police va être dotée de plus amples moyens.
La dégradation (supposée) de la sécurité publique a donné lieu ces derniers mois à d’importantes tensions entre les responsables de la Ville de Luxembourg et le gouvernement.
À l’échelle de la Chambre, les partis de l’opposition se sont aussi mis à dénoncer une situation jugée intenable. La criminalité liée aux stupéfiants a été identifiée comme principale cause de cette évolution négative. Les quartiers Gare et Bonnevoie de la capitale sont particulièrement touchés.
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Ces 15 derniers mois, les débats ont été nombreux et chahutés. Vendredi, la contre-attaque a été lancée pour lutter avec des moyens renforcés contre ce fléau. « Le manque de réactivité de la police ne cesse d’être critiqué. Elle ne peut cependant pas agir toute seule. La lutte à mener ne peut que réussir en concertation avec d’autres instances, à la fois sur le plan national et local », souligne d’emblée le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox.
« La politique menée a été un échec »
Mercredi, le Conseil de gouvernement a validé un paquet de 27 mesures à mettre en œuvre à court, moyen et long termes. « Il m’a importé de miser sur une approche holistique. Le défi qui se pose à nous est multiple. La lutte contre les stupéfiants possède un aspect sécuritaire, mais surtout aussi un aspect sanitaire. S’y ajoute le facteur social », énumère Henri Kox.
Cinq ministères vont être impliqués dans la transposition de ce paquet : Sécurité intérieure, Justice, Santé, Immigration et Éducation nationale. Les cinq ministres de tutelle étaient donc aussi réunis vendredi pour présenter les grandes lignes du plan d’action misant à la fois sur la prévention et sur la répression.
« Il faut constater que la politique en matière de drogue, menée depuis 40 ou 50 ans, est un échec. Les stupéfiants n’ont pas disparu de notre quotidien, malgré l’arsenal de mesures répressives mises en place », admet sans équivoque la ministre de la Justice, Sam Tanson. « En axant uniquement sur la répression, on ne fait qu’encourager le marché noir, avec à la clé la criminalité qui en découle. »
Dans cet ordre d’idées, le gouvernement avait annoncé en grande pompe la légalisation du cannabis récréatif au Luxembourg. À travers le monde, et donc aussi au Grand-Duché, il s’agit toujours de la drogue la plus consommée. La pandémie de coronavirus est cependant venue « freiner cette entreprise abordée avec grand enthousiasme. Freiner ne veut toutefois pas dire abandonner. Le projet reste à l’ordre du jour ».
La mise entre parenthèses de la réforme annoncée fin 2018 avait déjà filtré il y a quelques semaines. « Nous sommes toutefois conscients que la situation actuelle n’est plus tenable. C’est pourquoi nous avons décidé de réaliser une première étape qui reste d’envergure», reprend Sam Tanson.
Début 2022 doit être déposé un projet de loi qui va permettre à chaque ménage de cultiver en toute légalité quatre plants de cannabis. La consommation en public ne va pas être autorisée pour autant, même si une deuxième ouverture est envisagée.
Celui qui se fait interpeller avec une faible quantité de cannabis (3 grammes maximum) dans ses poches, ne fera plus l’objet d’une poursuite pénale. Le produit sera bien saisi, mais le consommateur ne devra payer qu’un avertissement taxé de 145 euros.
Les policiers bientôt équipés de caméras
En parallèle, la traque des dealers (toute personne en possession de plus de 3 grammes) et des réseaux de distribution va se poursuivre, avec des moyens accrus. Le recrutement massif de nouveaux policiers et une présence renforcée sur le terrain ont déjà été annoncés.
Désormais, le ministre de la Sécurité intérieure s’engage à équiper les policiers avec des caméras (bodycams). La vidéosurveillance doit aussi être élargie. Les agents vont, par ailleurs, être dotés d’une meilleure mainmise pour garantir l’accès aux bâtiments, bloqués par des individus.
Une moitié des 27 mesures annoncées pourrait déjà être mise en œuvre courant 2022. Elles englobent aussi un cadre renforcé pour expulser des malfaiteurs en séjour irrégulier et un important effort de prévention auprès des jeunes. « Il nous faudra faire preuve de persévérance », clame Henri Kox. Un premier bilan intermédiaire sera tiré dans un an.
Cannabis à domicile, mode d’emploi
PLANTS Un ménage ou une communauté de vie peuvent cultiver en toute légalité un maximum de 4 plants de cannabis. La plantation peut se situer à l’intérieur ou à l’extérieur, mais elle ne doit pas être visible depuis la voie publique. Des possibles lieux de culture sont le jardin, balcon, voire la cave ou le grenier.
CONSOMMATION L’herbe cultivée à domicile doit être consommée à domicile. Il restera interdit de fumer son joint en public. La culture et la consommation de cannabis restent interdites aux mineurs d’âge
POSSESSION Il est prévu de procéder à une «décorrectionalisation» de la consommation, de la possession et du transport en public d’une faible quantité de cannabis. La limite est fixée à 3 grammes. En cas d’interpellation par la police, un simple avertissement taxé de 145 euros sera dressé. Le cannabis sera saisi et détruit par les autorités. Si l’amende est payée endéans 30 jours, le dossier est clôturé. Après les 30 jours, l’amende passe à 300 euros. En cas de refus de paiement, la personne sur laquelle le cannabis a été retrouvé est citée devant le tribunal de police et risque une amende de 500 euros.
POURSUITES Toute possession de plus de 3 grammes de cannabis va continuer à faire l’objet d’une procédure pénale. Un procès-verbal sera dressé et une comparution devant un juge d’instruction restera de mise.
MOBILITÉ La tolérance zéro prévaudra pour la conduite sous l’influence du cannabis.
David Marques